jeudi 26 mai 2011

Les haïkus des oiseaux (Jean Botquin)





















































Moineaux de Minorque




Vous sautillez à pieds joints


Sous les dattes sucrées


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Dans la vallée verte


Les oiseaux mangeurs de regards


Conjuguent leurs trilles


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Depuis toujours ils


Pépient parmi les murets


Et les chênes verts


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Concert incessant




D'une grande volière forestière


Fenêtres ouvertes


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Buissons épineux


Pressant leurs barrières le long


D'un cours d'eau craintif


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Les étangs accueillent


Des peuples d'oiseaux fuyant


Les peurs ancestrales


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Jean Botquin

mercredi 25 mai 2011

Minorque et la mer. Photos et haïkus





























































































L'eau sous le voilier
Absorbe l'ombre des reflets bleus
Le soleil se noye
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Les pins au-dessus
De la mer ont l'air penché
De vieillards pensifs
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Sable immaculé
Quand la mer cristalline et
Vierge suspend ses flots
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Le goéland plongeant
Sur mon doigt s'en va penaud
Fâché sur la plage
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Passée elle devance
L'instant qu'elle épingle d'un doigt
Au coin d'un ciel bleu
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Elle dévisageait
La mer d'un dernier regard
Gorgé de brumes
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Le temps s'emmêlait
Les pinceaux en arrimant
Futur et présent
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Elle sort de l'eau claire
Les seins arrondis autour
De mes yeux surpris
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Elle fait l'amour seule
Avec le soleil qu'elle cache
Dans son ventre chaud
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Je l'extirpe avec
Les dents et me brûle les doigts
Jusqu'au crépuscule
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Des fleurs méconnues
Têtons ocre rouge décorant
Son corps dévêtu
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Le sable s'insinue
Partout dans les obscurités
Des cieux qui nous fuient
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Toujours le soleil
Par-delà têtes désertes
Et pieds abusés
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Les palmes dessinent
Des caresses sur leurs fronts
À l'encre sympathique
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Jean Botquin

vendredi 20 mai 2011

Le poids du soupçon, un nouveau roman de Willy Grimmonprez




Le poids du soupçon
de Willy Grimmonprez

John Bastin a fait un rêve, un très mauvais rêve, comme il n’en a jamais fait auparavant. Il a vu Amandine, sa femme, d’ordinaire un modèle de vertu peu porté sur le sexe, terrassée par un individu inconnu, prenant un plaisir immense à des jeux extrêmes que John n’aurait jamais osés avec elle. Véritable flagrant délit d’adultère avec un anonyme! Au réveil, il est complètement ébranlé, incapable de proférer le moindre mot, à côté de sa femme qui continue sa nuit comme une bienheureuse.
John, maçon devenu entrepreneur de travaux de construction, un homme de chantier, tout le contraire d’un intellectuel et d’un psychologue, ignorant des techniques d’analyse des rêves, voit dans son cauchemar une espèce de révélation. Tout devient clair. Les réticences de son épouse pour les jeux de l’amour s’expliquent par son infidélité.
Il faut savoir que nous initions tous nos propres rêves qui ne sont pas des messages de l’extérieur ni des annonciations de l’ange Gabriel. Le personnage inconnu forniquant avec sa femme n’est pas un étranger mais John Bastin lui-même qui s’interdit de se reconnaître dans la personne qui est en train de faire jouir sa partenaire. Il se fabrique donc un inconnu. Sans quoi, l’acteur masculin aurait pu prendre la forme d’un personnage connu, un voisin, un ami, reconnaissable immédiatement. Il est vraisemblable que ce rêve – salutaire – est la conséquence des frustrations sexuelles de John au sein d’un couple peu enclin à entreprendre un travail sur soi-même pour comprendre ce qui ne fonctionne pas. A priori, rien ne permet de croire que si Amandine n’est pas très active dans les jeux de l’amour, c’est nécessairement de sa faute. Mais, bien entendu, John Bastin en est convaincu. Donc, ce rêve auquel John n’a rien compris, déclenche une prise de conscience chez lui, mais dans le mauvais sens. Lui qui n’a jamais douté de sa femme commence a la soupçonner, prenant son rêve pour une réalité. Tout un chacun devient l’amant possible, à commencer par Mike, son adjoint, qui -fait suspect- vient de divorcer. Nous assistons alors à un retour dans le passé de John, sa famille, ses amis, un couple d’homosexuels inoffensifs, des personnages incapables de l’aider à sortir de son marasme grandissant. Il va jusqu’à se confier à des rencontres dans les cafés qui ne font que mettre de l’huile sur le feu de ses soupçons, au point que John se sent de moins en moins apte à travailler correctement. Il devient de plus en plus jaloux, mais de qui ? De l’image d’un partenaire potentiel, inconnu, à rechercher comme une aiguille dans une botte de foin. Car les indices éventuels sont minces; l’un ou l’autre dessous plus suggestif que ceux qu’elle porte habituellement. D’ailleurs pourquoi ne lui offrait-il pas de la lingerie légère lui-même pour la rendre plus aguichante à son propre usage ? Toutefois, on découvre que John n’attachait pas trop d’importance aux vêtements qu’elle portait. S’occupait-il suffisamment d’elle ? N’était-il pas d’abord préoccupé par son métier ? N’était-il pas un mari et un père absent ?
Perdant totalement le sens des réalités, il se décide à consulter un détective privé, un certain Kalandre qui lui promet des résultats rapides. Et nous voilà partis sur une filature dont nous ne saurons rien, car, deus ex machina, Kalandre disparaît dans la nature presqu’en même temps qu’Amandine qui disparaît à son tour sans laisser le moindre message ou mot d’excuse. Du coup, les soupçons se justifient et le véritable drame peut commencer ; avant cela ce n’était que roupie de sansonnet. La police s’en mêle et c’est le polar avec ses experts.
Je ne vous dévoilerai plus rien. Á vous de découvrir la vérité et la morale de cette histoire et de désigner les coupables. Á qui la faute ? Qui est la victime de qui ?
En quelque sorte, c’est un roman de la fatalité, comme une tragédie grecque ancienne et dans laquelle John Bastin restera impuissant, bien plus qu’un roman de la jalousie, ce sentiment supposant un objet déterminé et de préférence connu.




Jean Botquin




Présentation de ce roman à la bibliothèque de Morlanwelz, le 28 mai à 11 heures par Jean Botquin

samedi 7 mai 2011

Ainsi se termine La mer occitane, une longue lettre d'amour

Maintenant le dernier voyage a commencé
l'empreinte nouvelle dans l'empreinte ancienne
à travers la longue plage déserte de la côte occitane
immobile
entrée en cette vacuité de l'âme
d'où naît le renouvellement
et l'oubli du passé
et la marche du temps
et les instants d'éternité
le temps d'un reste de vie
dont chaque moment compte sur les vingt doigts
qui me restent
et dont je te serai redevable
comme de tout désormais

Maintenant j'écris nu
sur la plage dans la position de ceux qui adorent la vie et le soleil
j'écris sur le papier bleu
du ciel de tes yeux
la plus longue lettre d'amour
que j'ai jamais écrite

Nous nous sommes baignés
une dernière fois avant de partir
dans la liberté de n'être rien que nous-mêmes

la mer s'évapore de nous
comme d'une robe de pluie
comme d'une robe de lèvres
le soleil se fraye un chemin dans les creux
les plus intimes de l'écorce
de nos corps qui s'ouvrent sous la lumière

Et alors comme un sacre
comme on entre dans une église
ou une maison occitane réverbérée
par les mers qui les épousent toujours plus
qui s'épanouissent par les porches ou les
vestibules du silence et de la pureté de nos sens
anoblis par l'adoube de notre nudité et de
notre fragilité et de ta beauté par l'exubérance de
ton corps en mouvement marchant vers la
délivrance intérieure sur les sentiers de sable sur les
tapis de fleurs sur les pelouses ombragées des arbres
de vie s'élançant vers le ciel et qui nous recouvrent
de leurs bras de feuillage et de leur amour
intemporel

Et alors comme dans les noces les plus
longues de l'aube au seuil des matins solitaires nous
embrassâmes toutes les roses tremblantes de la nuit
occitane derrière les portes abandonnées derrière les
paravents
de fraîcheur où s'étaient réfugiés les oiseaux après
notre réveil et plus loin
encore derrière les haies des jardins où toutes les
saisons s'effeuillaient tels les astres amoureux à la pointe du jour
Et alors les greniers se remplirent
du vol des oiseaux que les lucarnes accueillaient à bras ouverts
et les coffres anciens soulevèrent à leur tour en grinçant leur couvercle
pour laisser s'échapper les crinolines impatientes les soies fébriles et les chevelures de vieilles poupées
assoupies dans l'oubli Et alors les jardiniers apparurent vêtus d'adolescence les statues
perdirent leur insolence les promeneurs se prirent par la taille tandis que les enfants poussaient leurs cerceaux
vers le fond des jardins.

Quelques exemplaires encore disponibles chez moi. Un très beau travail d'édition d'un texte que je porte sur mon coeur.

mercredi 4 mai 2011

Quelques extraits de "La mer Occitane" de Jean Botquin parus également sur Facebook.













Telle une éclaboussure
tel un éclatement de vague
dans la baie de mon regard
que ton corps éclairait de sa lumière

Enluminure sauvage
énervement de sable soulevé
par le vent qui te divise en parts de silence

Telle une folle abondance de sources
tel un renouvellement
des courbes d'un éther incarné
par ton double sourire
et ton seul visage

Alors que fendus tes reins implosent
sous le soleil de ta nudité
dans ma vision la plus profonde
de ta fragilité
tel un ventre
dont serait faite la mer occitane
débouchant dans les bouches
des eaux intérieures
tel un fruit mûri à l'ombre des cantiques
que professent les passions sublimes
des terres où naissent
les mots de l'exultation ultime
pareille à l'allégresse des anges

Je t'ai balbutié avant de te reconnaître
avec la maladresse des mots
qui cherchaient à renaître
vagissements de l'âme
entre les roseaux
des marais salants
efflorescences nouvelles
au levant des dunes occitanes
nappe phréatique
des printemps séculaires
dans laquelle ta bouche créa le puits
d'où jaillit le choix lumineux
de ton soleil plus que solaire

Orage maternel de la voie lactée
de ta chair inespérée et vivante
dans laquelle j'entrais à nouveau
avec toi comme nous entrions
par l'éloge étroit
d'une voûte romane

vers le chant d'un cloître
que notre regard ciselait
avec la brise d'or
d'un orfèvre

J'étais le visiteur
des neiges d'antan
quand le feu s'allume
sur le rivage
où meurt le plain-chant
du silence
au couchant
de la mer occitane

mardi 3 mai 2011

Nymphéa



Ton visage
pareil au nymphéa
repose
enchâssé dans l'eau calme
ma belle chinoise endormie
ma belle au teint fardé
de pâleur et d'ivoire
aux cheveux épars sur l'eau calme
ton visage
tel un nénuphar
repose

Ton image
rose blanche
repose
parfumant l'oreiller opalin
ma belle des neiges endormie
ma belle au velours de pêche blonde
que l'air d'un soupir avive
quand ta bouche formule un songe
ton visage
rose blanche
repose

Ton visage
orchidée rose
repose
dans la serre chaude du sommeil
ma belle catalane endormie
ma belle qui cache le soleil
derrière l'ambre des paupières
au milieu des rivières de rêves
ton visage
orchidée rose
repose

Ton visage
pareil au nymphéa
repose
dans le lit où tu te métamorphoses
ma belle égyptienne endormie
ma belle aux lèvres de rose
en toutes les fleurs du monde
en cette unique apothéose
de ton visage de nymphe endormie

Jean Botquin in "Elégie pour un Kaléidoscope"

lundi 2 mai 2011

Place Jemaa el-fna in"Triangles de la Nuit des temps"








La tour de la Koutoubia s'élève

Dans le soleil couchant

Ainsi qu'une fusée
S'arrache de sa rampe
Poussée par mille feux dantesques
Vers l'orbite d'Allah
La place Jemaa el-fna se prend de vertige
Comme chaque soir quand elle prépare
La folle foire de nuit
Cirque sans chapiteau
Stade aux gradins écrasés par la foule
Débordé par la houle
Déferlant des venelles de la Médina
Comme un estuaire s'emplit du flux
Des ruisseaux de la terre
Une à une les lampes s'allument
Aux échoppes et boutiques
Le monde afflue gravite
S'agglomère se perd
Pour quelle raison chaque soir
Sinon pour le retour au coeur de la ville
Tel le retour au coeur de soi
Pour la moisson qu'il faut engranger
Avant les détours du sommeil
Pour les peurs qu'on recueille
Dans les récits des conteurs berbères
Les passes silencieuses des sorciers du désert
L'effroi désiré quand les serpents se dressent
Sous la mélopée des charmeurs
Les invocations tristes des prières des aveugles
Assis pour mieux entendre
Le bruissement de la vie et les murmures de la mort
Tout un petit peuple s'affaire
Autour des acrobates
Montreurs de singes
Cracheurs de feu
Et plus loin les danseurs noirs
Les Gnaoua vêtus de blanc
Hiératiques seigneurs de la danse
Et la fête continue fantastique
Rebelle à toute forme de liturgie
Les échanges battent leur train
Près des étals aux fortes odeurs d'épices
Les visages sourient ou grimacent
Au-dessus des lithams brillent les yeux des femmes
De l'obscur éclat que leur donne la nuit
Les burnous se mélangent aux djellabas
Les accolades recouvrent les rires
Marrakech frémit de toutes ses fibres
Sur la place Jemaa el-fna
Où chaque soir la fête descend.



Jean Botquin