Alors, Jean, tu écris toujours ?
Depuis 13 ans que je publie (difficilement), cette question m'est posée régulièrement, surtout de la part d'anciens collègues de travail (qui considèrent sans doute qu'il s'agit d'un passe-temps, ou d'un hobby, comme on dit aussi). Parfois, j'ai envie de répondre par une question: Je ne peux pas ? , ça te gène ?, tu crois que ça va me passer? Ce n'est pas si grave... Il y a dans cette question une espèce de jugement négatif qui m'est désagréable. Je sais bien que nul n'est prophète dans son pays.
Aussi, un jour, j'ai eu envie d'écrire ce que l'écriture représente pour moi.
L'écriture.
Depuis 13 ans que je publie (difficilement), cette question m'est posée régulièrement, surtout de la part d'anciens collègues de travail (qui considèrent sans doute qu'il s'agit d'un passe-temps, ou d'un hobby, comme on dit aussi). Parfois, j'ai envie de répondre par une question: Je ne peux pas ? , ça te gène ?, tu crois que ça va me passer? Ce n'est pas si grave... Il y a dans cette question une espèce de jugement négatif qui m'est désagréable. Je sais bien que nul n'est prophète dans son pays.
Aussi, un jour, j'ai eu envie d'écrire ce que l'écriture représente pour moi.
L'écriture.
Les mots
je les ai mâchés comme de l'herbe à silence
à en vomir
j'arguais du globe de verre
qui m'isole du monde
je volais de place en place
tel un planeur dans la sphère
de ma nuit où je dormais
croyant m'immoler
La spéléo de l'écriture
la cagoule du meurtrier
qui n'a plus rien à avouer
la profondeur des eaux stagnantes
les aiguilles de ma chair de glace
tournées vers l'extérieur
comme celles d'un porc-épic
les stalactites de ma pauvre âme
plantées à contre-sens
Parfois je songe aux milliers de mots
que j'économise comme un avare
où sont-ils donc ? Me restera-t-il un regard de mime
un cri de sourd-muet
le langage du sémaphore
les gestes des clowns
à la bouche cousue ?
Les images se précipitent
comme un troupeau de bisons
dans un désert
Bousculade infernale à en frémir
après ce n'est plus que poussière
le grondement sourd de la fin du monde
la mort ou la folie d'Alzheimer
Langage de fou
ou de vieillard avant d'être vieux
absence de sens
tissage de contresens
hoquets sublimes de l'estomac
éructations
bruitage
tout se passe à l'intérieur du corps
qui ne fait que des bruits
de machine laborieuse
Ah! la belle alchimie mensongère de l'esprit
qui n'est que glouglou
borborygmes prétentieux
pétaudière
contradiction et foutaise
confusion
coma éthyliqie
Oui
plus de sons sur mes cordes vocales
cordes à linge délestées
cordes à sauter sans danseuses
cordes à vibrer sans musiciens
rien que des braises qui se consument
dans l'antre de ma cuisinière
et qui partent en fumée
On a beau articuler
les sons restent coincés
comme dans les rêves
l'oued est à sec
les lauriers desséchés
les pistes vont
nulle part
D'abord décoder
décrypter
démystifier
écouter les arbres
le vent
et les cigales
faire parler les hiéroglyphes des fleurs
respirer profondément
écouter la solitude et le peuplement de la mer
alors que tout chante
Entrer enfin dans le sang de l'écriture
alors seulement
sans se méprendre sur l'inévitable alternance
de la création où surgit la mort
à chaque instant
Car la naissance passe par la marée
le flux et la mouvance des flots
le sang et le sperme
la cendre
l'affolement
la multiplication et le cancer
l'anarchie et la mort
l'angoisse du néant
mais aussi la lactescence des mots
Tout se projette dans l'univers
même si c'est pour y mourir
la violence
la lave et l'ouragan
les fenêtres les portes s'arrachent au visage
les femmes s'ouvrent se déchirent
sous le scalpel de l'écriture
Tout dire ne jamais se taire
enfanter le sable des plages
les récifs de la mer
les arbres de soleil
l'inaccessible étoile
l'impossible archipel des mers australes
les enfers de nos têtes
nos peurs les plus secrètes
les mots de feu qui nous pénètrent
comme des pensées de chair
et des sexes en rut
Etre un fleuve
un océan
un gouffre
un aven sur le ciel
être la fange et la lie
dans laquelle germe
la vie.
6 commentaires:
Tu vois Jean, moi, quand je lis ça j'ai plutôt envie de te demander : Il sort quand ton prochain bouquin ?
Merci beaucoup, tu es gentille !
Oh non, pas gentille !! C'est quoi ça ? Le blues automnale ? Ce n'est jamais de la gentillesse quand on dit qu'on aime une écriture !! Au pire, on ne dit rien. Mais quand on aime ... On aime. Bon, je file mon train ne m'attendra pas.A très bientôt.
Tu me réchauffes le coeur, Constance, et il me semble que j'en ai besoin
Pour répondre à ta question, le ruisseau Sait Hadelin se trouve à Celles, très près du chateau de vêves, tu connais??
Je viens de lire ton texte...plusieurs phrases m'ont fait mal à l'âme...
Merci pour ces beaux mots.
Je connais le château de Vêves. La région est très jolie. J'aime les ruisseaux rapides et clairs. J'aimerais aussi que mon écriture coule comme un ruisseau. Ce n'est pas toujours le cas. La preuve, ce que j'en dis dans ce long texte pas très gai, tout compte fait. Qu'est-ce qui nous pousse à vouloir exprimer ce qui est au fond de nous. Est-ce que c'est intéressant pour les autres? Le silence n'est-il pas plus beau que le verbiage des poètes et leur vague à l'âme ?...
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