À Mohamed El Jerroudi et mes amis du Magreb, OASIS, extrait de « Triangles de la nuit des temps »
Je me brûle les pieds jusqu’à tes parois de sable
Je marche vers toi avec ma soif d’aimer
les lèvres desséchées par la poussière de la haine
Je me brûle les mains
dans mes tâtonnements d’aveugle
que le soleil harcèle
Je me brûle la peau
pour atteindre ta fraîcheur
différence arrachée au souffle torride du chergui
chargé des brûlures du grand Erg éternel
Césure profonde de ton corps de femme
balancement de palmes et verdeur inespérée
bouche béante comme une source
jaillissant du cœur de la terre
Concert inattendu dans le désert de silence
et dans la nuit aux myriades d’étoiles
qui me recouvre de sa djellaba noire
au capuchon argenté par la lune
les pieds raffraîchis par le sable tiède des ruelles du ksar
où traînent des moutons bêlants et des chiens au teint de chacal
tandis qu’Allah se plie aux caprices
du Muezzin qui répète combien Il est grand
Oasis, ton visage apparaît dans le mirage de chaleur
vibrant au creux de ma mémoire dont tu t’évades
vallée de palmiers-dattiers dont j’imagine les fruits
de soleil de sucre et de miel
fouillis inextricable de lauriers roses
cultures prises au filet des canaux qui les irriguent
eaux sourdant de partout comme des vérités éphémères
pour abreuver les racines et mourir dans les sables
dont tu surnages, oasis, comme par miracle
Oasis, avec tes champs de maïs aux épis dorés
Oasis, comme un dernier refuge avant l’enfer
où je me brûle la plante des pieds et les mains
qui t’abandonnent
femme étendue qu’un jour ou l’autre il faut quitter
À cause du nectar dont est remplie la source de tes yeux
à cause de tes formes qui épousent les failles de la terre
que tu caches sous l’opulence
momentanée peut-être provisoire
de ton paradis terrestre menacé de toutes parts
Femme, comme une île qui accueille les naufragés
ceux qui soudainement se brûlent la peau à ta sensibilité
à tes frémissements
à tes murmures sous les palmes
de tes sources bleues aux poissons sacrés
ceux qui se brûlent à ta fraîcheur
parce que tu es l’exception à laquelle personne n’est préparé
parce que tu es la plaie verte de la solitude
où croisent les caravanes
celles qui ressemblent à ces vaisseaux fantômes
sur la mer
dont notre sensibilité à tout jamais porte la marque
caravanes de souvenirs dont tu brises la marche
Oasis, comme un arrêt dans la fatigue
des grandes étendues
Foum
ouverture sur la plaine
sur la chaleur des pierres
où je me brûle les pieds jusqu’à tes parois de sable
avec ma soif d’aimer
les lèvres desséchées par la poussière de la haine
où je me brûle les doigts à vouloir t’arracher, femme, de mon cerveau
où je t’avais plantée comme une oasis
dans le désert des terres hostiles.
Jean Botquin 1986
texte également publié sur mon site de Facebook.
2 commentaires:
Chaude sensualité. Femme-terre, source de vie, puits d''inspiration.
Que le soleil vous habite, Danièle...
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