dimanche 20 octobre 2013

Bivouac

Un matin, je m'étais réveillé avec le souffle du désert dans les oreilles. Avais-je oublié d'ôter mes boules Quiès ? Je les enfonce toujours profondément afin d'assourdir les bruits de la ville; à travers la cire, ils se transforment en bruits agréables, de mer ou de brises, en froissement de palmes, en crissement de pieds de berbère dans le sable lorsqu'il sort de sa tente de nomade. Entendre ou imaginer — au-delà de ces bruits atténués, filtrés — la pluie de sable sur les hammadas gonflée par le chergui, galopant depuis les longues collines des ergs orientaux, l'éclatement d'une roche gorgée de gel nocturne, la fuite feutrée d'un rongeur dans les herbes d'alfa ou dans les armoises, le glissement soyeux d'un poisson de sable en chasse nocturne, où est la différence ?
Nous n'étions pas en ville. Nous bivouaquions, en attente du lever du soleil, emmitouflés dans nos sacs de couchage, sous les étoiles qui commençaient de pâlir, au-dessus des dunes.

J'ai ouvert les yeux. Tu dormais encore, mon amour. La petite caravane de dromadaires s'approchait avec le bruit sourd de leurs larges sabots dans le sable et le balancement de leur marche chaloupée. Elle se découpait déjà sur la nuit finissante. Le vent soufflait un peu et remuait le sable qui nous piquait le visage et nous desséchait les lèvres. La caravane s'allongea à côté du squelette d'un acacia et se mit à mâchonner avec de longs soupirs et des rouspétances à peine retenues. Quand une des bêtes blatéra, d'abord faiblement puis avec plus d'impatience, le guide vint nous effleurer de sa robe bleue. Il était temps d'enfourcher les vaisseaux du désert et de gravir les premières dunes qui nous offriraient bientôt les couleurs les plus inattendues, les roses, les ocres, les neiges et les cristaux les plus fabuleux.
J.B. in « Ténéré » Editions Memor



Photo : « J’ai passé la nuit chez mon ami Bilal dans la vallée du Ziz .Le matin , il est déjà l’heure de reprendre la route, direction le désert et les dunes de l’Erg Chebbi.Je dois être à Merzouga juste avant le coucher de soleil, lorsque les dunes majestueuses de l’Erg s’offrent encore à perte de vue . Le spectacle est fabuleux, sensationnel. Et le reste est à suivre à la prochaine étape » 
[ Mohamed El Jerroudii]



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