lundi 31 décembre 2007

Extrait d'un journal intime. Le syndrome de Stendhal de Jean Botquin.
















Premier jour

Voilà, c’est fait. Je suis parti, je l’ai quittée. J’ai obéi à la voix qui me disait: « Si tu ne te décides pas maintenant, il sera trop tard, tu ne pourras plus sortir de l’engrenage et je ne serai plus là à t’attendre ». Deux valises bourrées, quelques livres, du linge, mes costumes jetés en vrac sur la banquette arrière de ma voiture, un carton rempli de quelques paires de chaussures, mes affaires de toilette, et un gros cahier pour raconter ma nouvelle vie.
- J’ai besoin de réfléchir, ai-je dit, à Lucienne. Je ne supporte plus cette existence.
- C’est ça, va rejoindre ton italienne...
Avant de mettre le moteur en marche, je l’ai vue ouvrir la fenêtre. Elle s’est mise à crier pour toute la rue. J’ai failli retourner chez elle pour la raisonner mais j’ai fait le contraire, j’ai accéléré... Avant de louer ce petit studio meublé dans une maison rénovée, rue de la Résistance, j’avais déjà délogé chez des amis ou passé quelques nuits à l’hôtel avec Francesca qui était venue me rejoindre depuis Milan où je l’avais rencontrée au cours d’une de mes missions d’audit interne.
Arrivé à ma nouvelle adresse, j’ai déchargé mon maigre déménagement et me suis mis tout de suite à écrire, en commençant par la phrase: « Voilà, c’est fait. Je suis parti, je l’ai quittée.... »
Après mes premiers carnets à qui je confiais maladroitement mes premières confidences, j’ai construit mes premiers écrits de fiction, mes premières poésies inspirées par mes premières amours, principalement l’amour que j’ai voué à Lucienne que je croisais déjà sur le trottoir vers le collège. Ecrire a toujours été pour moi une façon d’entrer en moi-même. J’ai une nature introspective. Je ne m’étonne donc pas d’avoir songé de suite à disséquer notre histoire dont longtemps j’ai cru qu’elle serait éternelle. Après mon mariage, je n’aurais jamais songé tenir un journal de peur de susciter la curiosité de ma femme. Et à quoi bon mentir sur le papier, à quoi bon faire semblant pour le plaisir de l’analyse dont j’aurais été le seul à connaître le sens caché. Aujourd’hui je n’ai plus le même souci. C’est Francesca qui m’a suggéré de reprendre ce journal interrompu depuis si longtemps. Servira-t-il à me justifier ? A me déculpabiliser ? A démontrer combien notre échec était inéluctable ? A quoi cela me mènera-t-il ? Francesca m’a dit :
- Commence, tu verras. Peu à peu tu trouveras ta vérité.
Trouver ma vérité, qu’est-ce que cela veut dire ? Ma vérité immédiate, à très court terme, c’est ce studio blanc et impersonnel réduit au confort le plus élémentaire: kitchenette, séjour avec lit réversible à deux oreillers, salle de bain décorée d’une espèce de Mona Lisa couverte d’un grand chapeau rouge, face au miroir, plantes vertes pour agrémenter le tout. Buanderie commune dans les sous-sols (je n’ai jamais fait de lessive de ma vie). Dans le quartier où je suis, beaucoup de maisons anciennes ont été rajeunies. Les petits appartements sont occupés par des étrangers de passage ou des immigrés. Chaque mètre carré est utilisé de façon judicieuse. La semaine dernière, la représentante de la société immobilière qui gère ces immeubles de location m’en a fait visiter plusieurs. Le studio au-dessus du mien est occupé par une suédoise assez forte mais agile (son lit trône sur une étagère, baptisée mezzanine, accrochée à la soupente sous le vélux de la chambre!). Les toilettes et sa salle de bain sont tout juste au-dessus de ma petite cuisine. Mes petits-déj’ seront arrosés de bruits d’eau matinaux. Comment vais-je faire pour supporter l’étroitesse de mon nouvel univers ? Maman est au courant.
- J’espère que tu ne vas pas inviter des collègues dans cette espèce de mansarde, n’oublie pas que tu es directeur adjoint !
Pauvre maman, tu es bien la seule à considérer le grade de ton fils comme important.
- Cela valait bien la peine de tenir tête à ton père pendant toutes ces années et de jouer au Roméo !
Bah ! Si elle savait tout ce que je lui ai caché pour lui éviter de s’en faire trop...
- Les jeunes ne réfléchissent pas avant d’agir ! a-t-elle ajouté.
Comme s’il s’agissait de réfléchir avant quoique ce soit quand on est jeune et que l’amour vous taille des croupières dans la matière molle du cerveau ! Bien sûr que j’ai aimé Lucienne, pendant toute la durée de mes études universitaires, en attendant que mon père lève l’embargo et m’autorise à la prendre par la main pour franchir le seuil de la maison parentale. Et j’ai sans doute continué à l’aimer, le temps de faire deux enfants, un garçon et une fille, et de les voir grandir. Après, les choses se sont compliquées. Plus j’avançais dans ma vie professionnelle, plus la distance entre Lucienne et moi grandissait. Je ne me considérais pas préposé à la maturation de ma femme, dont je découvrais qu’elle était restée l’enfant que j’avais connue et que j’avais aimée au départ d’une adolescence sans doute bien trop sage, modelée par tous les interdits de l’époque. Les êtres évoluent. L’ennui s’installe rapidement dans les couples qui ne veillent pas à leur enrichissement. Si ma femme avait choisi un métier, elle serait sans doute sortie de l’immobilisme du cadre ménager. Cependant, je n’ose affirmer que cela aurait changé grand-chose. Il faudra que je réfléchisse à mon comportement, à nos besoins que nous ne satisfaisions plus, au plaisir que je recherchais ailleurs, et que je lui cachais, comme font la plupart des hommes qui ne souhaitent pas entrer dans les bagarres du divorce. En tout cas, il n’y a là matière qu’à (mauvais) roman.

Deuxième jour

Quelle nuit! Je n’ai pas fermé l’oeil. L’immeuble où je suis est entouré de lieux bruyants, un centre de karaté d’où jaillissent des cris gutturaux à vous donner la chair de poule et un café à la mode de style art nouveau qui ronronne comme une autoroute lointaine. Comment supporter cela ? A l’intérieur, ce n’est pas mieux. Toutes les heures, des pas font craquer les marches de l’escalier et les portes claquent. Les chambres sont mal isolées. J’entends la suédoise faire grincer le sommier sur sa mezzanine, et je ne parle pas du reste. Ce matin, j’ai eu droit à la chute d’eau de ses toilettes.
Il me semble que j’ai rêvé toute la nuit. Ma taie d’oreiller est trempée comme si j’avais pleuré. Pleure-t-on réellement quand on pleure dans ses rêves ? J’ai téléphoné à Francesca. Elle m’a dit qu’elle compte prendre du congé la semaine prochaine et qu’elle m’attend à Milan.
- Libère-toi, j’ai une bonne adresse dans la réserve naturelle del padule di Fucecchio, en Toscane, entre Pise et Florence. Cela te fera du bien. N’oublie pas
ton cahier. Il faut que tu écrives tous les jours. Ce travail dégage de l’énergie. L’écriture opère une espèce de catharsis semblable à celle de la psychanalyse sur le divan.
Je n’ai pas voulu discuter mais ai dit oui pour la Toscane. Tout compte fait, c’est une bonne idée. Il vaut mieux quitter la capitale car Lucienne ne mettra pas longtemps à découvrir l’endroit où je niche. Mes enfants sont gentils et savent se taire mais la pression de leur mère est parfois trop forte. Quand ma fille a appris ma décision, elle m’a paru soulagée. Elle a soupiré : « Enfin ! »
Mon fils m’a claqué à la figure qu’il n’en avait rien à foutre.
Comment se peut-il que je ne me sois rendu compte de rien avant le mariage ? Elle était jolie, douce à toucher, tendre à embrasser, pleine d’admiration pour moi en qui elle avait découvert une espèce de poète. Nous étions tous deux persuadés du caractère exceptionnel de notre amour. Nos parents nous mettaient des bâtons dans les roues. Notre amour était donc le fruit de notre résistance, le fruit défendu, le meilleur et le plus attirant.
Non, il est encore trop tôt pour voir clair. Il faudra du temps. Ne va pas trop vite Benjamin, laisse mûrir...
Je note déjà qu’à peine sorti de l’enfance, je me suis pris pour un adulte. J’ai tout de suite envisagé le mariage comme un objectif immédiat, à atteindre dans les meilleurs délais, parce que, sans ce mariage, il m’était interdit de connaître le bonheur... Pas question de porter atteinte à la virginité de Lucienne, il fallait attendre... Une attente de dix ans, quelle folie ! Il faut creuser tout cela, découvrir l’archéologie de notre histoire, faire le deuil de notre échec. Mais est-ce bien un échec ? N’est-ce pas plutôt un retour à la case de départ... Et alors quelle chance, pouvoir tout recommencer et ne plus se tromper. Ne plus se tromper ? Voir ! Si je pense que je me suis égaré dans ce jeu du hasard qu’est la rencontre, que deviennent mes enfants ? Mes gênes en eux suffiront-ils à corriger les effets de notre erreur ? Car, bien entendu, c’est toujours l’autre qui se trompe. Soit, peu importe, mes enfants existent et, pour moi, c’est l’essentiel. Je les veux libres de créer leur destin avec le meilleur que des parents mal assortis ont pu leur laisser. Est-ce possible ?
Je prends quinze jours de repos, une semaine seul, une autre avec Francesca. Après les tensions des derniers mois, c’est bien nécessaire. Il faut que je m’organise. Quelques achats à faire. Trop peu d’ustensiles de cuisine. Pas de fer à repasser. Trop peu de chemises. Oui, une femme à la maison a quand même du bon, bien que, depuis plusieurs mois, elle ne me rendait plus aucun service. Je manque d’autonomie et n’ai pas une âme de célibataire. Je devrai m’y faire.
J’ai rangé mes courses, ouvert la fenêtre, mon café coule. Dans la cage d’escalier, j’ai croisé la suédoise. Elle m’a souri. Au premier palier, une autre locataire se battait avec son panier à linge. J’ai proposé de l’aider mais j’avais moi-même les mains pleines. Elle m’a adressé la parole d’un air courroucé dans un langage incompréhensible. Du coup, je me suis senti ridicule.
Je relis ce que je viens d’écrire, cela n’a vraiment aucun intérêt pour les autres. Faut-il tout raconter ? Comme j’écris directement sur mon P.C., j’ai l’impression d’être online, branché en direct sur les évènements, le doigt sur le déclic comme un photographe. Mais je n’attends pas de commentaires d’un lecteur invisible. Tout cela ne regarde que moi. Je vois défiler mes images, mes souvenirs, proches mêlés aux plus lointains. Ils me paraissent tous intéressants. Celui qui écrit sur lui-même se trouve intéressant. A moins qu’il pense le contraire alors que le fait de ne pas l’être (intéressant) ou de penser qu’il ne l’est pas soit précisément utile à enregistrer et à analyser. Soit... Je verrai ultérieurement si je dois cliquer sur la touche Delete et ouvrir la poubelle. En tout cas, je ne risque pas d’oublier de si tôt ce que j’ai vécu avec Lucienne. Toutes mes nuits sont hantées de rêves dont la signification me semble évidente. Souvent je m’y promène dans des villes interminables, détruites et solitaires, à la recherche d’objets perdus, d’une valise égarée, d’un cours dont l’examen est imminent et que je n’ai pas préparé, d’une paire de chaussures ou d’un vêtement indispensable à la pudeur.

Troisième jour

La nuit dernière, j’ai revu Lucienne à sa naissance, comme dans son album de photos. Elle était entourée de quatre mères, la véritable, pas trop éloignée de la cinquantaine, émerveillée que Lucienne ait quand même deux jambes et deux bras qui gigotent dans son berceau. Séquence suivante : les trois autres mères, les soeurs de Lucienne, se voient interdire la chambre du bébé, placé en couveuse par l’ancienne. Plus tard dans mon rêve, Lucienne grandit. Elle passe des bras de l’une dans ceux des autres. Elle se fait beaucoup cajoler. Pas de frère et les garçons ne peuvent franchir le seuil de la maison. Le père vit avec ses cinq femmes. La plus petite de ses femmes est sur ses genoux. Il lui donne un morceau de chocolat. Un jour, un garçon apparaît (sans doute moi, Benjamin). Mais, ce Benjamin n’est pas Benjamin, il ressemble à mon meilleur ami de l’époque, décédé plus tard dans un accident de voiture. Puis le rêve se met à galoper. Le beau-père, à la naissance de mon fils, dit : « Un garçon ! Qu’est-ce qu’ils vont faire de ça ? »
Je me suis réveillé comme un noyé sous la chasse d’eau de la suédoise. J’ai dû me rendormir puisque Lucienne bébé s’est remise à hurler dans son berceau, derrière toutes les portes closes, sous l’oeil vigilant et protecteur de la reine mère...
Après une nuit pareille, rien d’étonnant qu’il me faille attendre midi pour sortir de mon état de déprime et reprendre goût à la vie. Je n’aime pas que Francesca me téléphone en début de journée. Elle risque de me surprendre en flagrant délit de désespoir et de ne pas comprendre ma tristesse alors que je suis sensé avoir retrouvé le bonheur avec elle. J’ai toujours été cette araignée du matin qui se glisse dans l’existence contre son goût et ne se met à espérer qu'au crépuscule. Pourquoi ? Alors, l’amour physique du matin écarte l’angoisse qui naît avec mon réveil. Quand Francesca ouvre les yeux, elle ouvre les mains pour me faire de la place dans son corps. Elle possède le culte des siestes emmêlées où les préludes au sommeil se tapissent des baisers les plus osés du monde.
Il y a eu coup de foudre réciproque mais Francesca et moi ne nous sommes encore rien promis. J’ai été attiré par son élégance, les ensembles griffés qui virevoltent autour de ses formes ou qui les épousent étroitement, la chaleur de son regard, sa peau mate et parfumée, cet accent inimitable qu’ont les italiennes bilingues qui parlent un français adorable. Nous faisons le même métier, ce qui nous permet de ne pas devoir nous l’expliquer et de réserver plus de temps aux choses essentielles. Mes visites à Milan se sont multipliées. De professionnelles, elles sont devenues amoureuses. Avant, je ne connaissais pas l’Italie, en dehors de la gare de Vintimille que mon père, accro des chemins de fer, m’avait fait découvrir, au cours de vacances à Villefranche. Francesca incarne ma Renaissance italienne, elle aurait pu servir de modèle à la Naissance de Vénus de Sandro Botticelli. Un jour, j’ai prolongé ma mission à Venise, avec elle, et j’ai compris pourquoi je m’étais refusé d’y aller plus tôt avec Lucienne.
Cela fait déjà plus de deux ans que Francesca occupe le vide de ma vie conjugale. Combien de fois avons nous fait l’amour, en Belgique ou en Italie ? Le nombre cède le pas à l’intensité, au point que je m’interroge sur le caractère passionnel de notre liaison. Je ne me pose aucune question sur son passé. Je n’éprouve aucune inquiétude sur l’emploi de sa liberté quand il se passe de nombreuses semaines sans que nous puissions nous voir. Je sais qu’elle m’a laissé le temps pour décider de mettre fin à une vie d’où l’amour était exclu. Elle n’est en rien responsable de la mésentente de mon ancien couple. Je ne quitte pas Lucienne pour la remplacer par une autre femme mais pour donner un sens à ma vie. J’avoue que depuis des années je ne lui suis plus fidèle. J’ai cherché ailleurs ce que je ne trouvais plus chez elle. Mais, en ce faisant, je ne résolvais rien. Celles qui ont accepté de courir l’aventure avec moi espéraient sans doute aussi une réponse à leurs propres questions. J’ai offert de la tendresse sans espoir de véritable partage, j’ai aimé des corps de femme passionnément en espérant que la passion dure et je ne faisais que mentir car la passion ne dure pas plus que le temps d’une illusion.
« Je ne serai plus là à t’attendre... » Je viens d’écrire que nous ne nous sommes rien promis. Dans l’attente, cependant, il y a un engagement et une promesse de recommencement. Francesca envisage un renouveau, tant pour elle que pour moi. Et elle veut m’y forcer, c’est la portée de son message.

Quatrième jour

Je m’installe de mieux en mieux. J’éprouve, peut-être pour la première fois, un sentiment intense de liberté, une sensation assez nouvelle d’autonomie, de prise en charge, d’indépendance. Avant mon départ, je me sentais dominé par Lucienne qui m’imposait sa tyrannie. Je n’osais me soustraire à ses scènes qu’elle montait au moindre prétexte. Pourtant, il aurait été simple de prendre la porte pour échapper à ses pleurs ou à sa colère. J’étais son public préféré. Les couples qui ne s’entendent plus entrent facilement dans ce jeu infernal quand ils estiment qu’ils doivent continuer à vivre ensemble, ou, lorsqu’ils n’ont pas la force de signer la paix, en reconnaissant leurs fautes et leurs faiblesses. Lucienne à qui toute la famille et les amis ont toujours donné raison, est incapable d’avoir tort. La négociation est donc impossible. Elle préfère entrer dans son Intifada de type islamique et assiéger son ancien partenaire en invoquant la pureté de ses intentions et son droit irrévocable issu du mariage religieux. Mais voilà, Benjamin, de son côté, est un israélien taiseux, victime et donc bourreau à la fois.
Maman m’a appelé au téléphone. Elle voudrait me voir. Je ne peux pas lui refuser cela. Lucienne avait débarqué chez elle hier, sans prévenir, dans tous ses états. Elle tenait à peine sur ses jambes. Elle avait bu. Maman allait me demander de réfléchir, d’éviter l’irrémédiable.
- Je n’ai jamais pensé que les choses iraient si loin, ton père avait raison, avait-elle déjà dit au téléphone. Il ne fallait pas épouser une fille de gens ruinés incapables d’offrir des études secondaires à leurs rejetonnes… et cette idée de vouloir faire du théâtre que ton père ne supportait pas, laissait pressentir des facultés de dramatisation et de mises en scènes dont tu fais les frais aujourd’hui, mon pauvre Benjamin. Mais voilà, ce qui est fait est fait, chez nous on ne divorce pas.
Quand j’ai vu maman, le ton avait changé, elle s’était fait manipuler par Lucienne, cela se sentait à plein nez. J’ai essayé de lui faire comprendre que notre séparation était indispensable, qu’il était plus que temps, que sans ça nous allions droit à la catastrophe, au meurtre accidentel, que sais-je. Je lui ai décrit quelques scènes particulièrement violentes que je n’ai pas envie de reproduire ici.
- Et tes enfants ont vécu tout cela ?
- Oui, maman, ils étaient son public. En quelque sorte, nous étions ses otages. Elle me culpabilisait au point que je ne pouvais plus échapper à son emprise. Je me fais le reproche de ne pas avoir eu la force de rompre beaucoup plus tôt. Je pense, en réalité, que je la rendais folle par l’indifférence grandissante dans laquelle elle me plongeait. Lucienne ne supportait pas de ne plus être le centre du monde qu’elle avait toujours été depuis sa naissance.
- Benjamin, elle ne se souciait donc pas des effets de toutes ces mises en scène sur ses enfants ? Il faudra toute une vie pour réparer les dégâts, si c’est encore possible !
Cette réflexion m’a troublé terriblement. J’avais peu réfléchi au mal que cette mère infantile avait fait à mes enfants et au mal que ma passivité leur avait, me semble-t-il, également infligé. Mon métier d’auditeur interne, cependant, m’a appris qu’il faut toujours se placer au moment où l’erreur a été commise pour juger du degré de la responsabilité de celui qui s’est trompé. Pouvais-je faire autrement ? Pouvait-elle faire autrement compte tenu de sa nature et de son environnement familial ? Quoiqu’il en soit, j’avais franchi le Rubicon et ne reviendrais pas en arrière. Maman a compris.
- Maman, je vais en Italie, la semaine prochaine. Je te téléphonerai de là-bas.
- Ah ! C’est donc ça. Lucienne m’en a parlé...
Je suis parti en l’embrassant rapidement. J’ai su, à partir de cet instant, que le jugement des autres n’irait pas au-delà de cette explication simpliste. Ah ! Que ces histoires de couples qui se font puis se défont sont d’une horrible banalité mais source de souffrances insupportables. Et pourtant chaque fois l’espoir renaît, du moins en ce qui me concerne, sans que l’expérience passée ne l’avorte. Tant pis ou tant mieux ! J’ai sublimé Lucienne parce que j’étais un jeune mordu de la vie au cerveau façonné malheureusement par une éducation religieuse étroite.
Mes parents n’ont pas réussi à m’ouvrir les yeux sur les ferments des difficultés de la vie commune qui m’attendaient. A l’origine la communication entre mon père et moi était déficiente. Nous n’avons jamais été sur la même longueur d’onde. Mes sentiments m’aveuglaient et, lui, ne voyait que les aspects financiers. Maintenant, je suis à l’aube de Francesca, comme un adolescent qui redécouvre l’amour. Personne ne m’empêchera de croire à ma chance. Suis-je un homme suffisamment averti ? Je devrais l’être, j’ai vécu tant de choses, je pense être méthodique, réfléchi, prudent (c’est une des vertus de mon métier où on ne peut agir à la légère).
Je passe beaucoup de tant devant mon ordinateur portable. Mon cahier d’écolier ne sert que dans les salles d’attente, les cafés, et bientôt, les quais de gare, le hall de Bruxelles-National avant de prendre l’avion pour Milan. C’est aussi un outil intermédiaire pour noter des réflexions rapides que je développerai plus tard, un aide-mémoire avant de procéder à la véritable écriture, peut-être aussi un cahier où faire des croquis.
Je viens de me rendre compte que j’ai oublié chez Lucienne la deuxième clef de ma voiture (qui est aussi la sienne). Lucienne ne mettra pas longtemps à la retrouver et Dieu sait ce qu’elle sera capable d’en faire. Ce petit fait éclaire ce que je crains depuis longtemps. Lucienne n’ayant pas de métier, je puis m’attendre à une Guerre des Roses implacable dès qu’elle saura que je n’ai plus l’intention de me contenter d’une double vie.

Sixième jour

Hier, je n’ai rien écrit, même pas dans mon cahier. Préparatifs de voyage. Billets d’avion chez Carlson Wagons Lits. Déjeuner avec ma fille dans un restaurant turc du quartier. Passage rapide à mon bureau pour m’informer de l’évolution de quelques dossiers d’audit, notamment Paris et Londres. Lucienne téléphone à ma secrétaire tous les jours. J’en suis navré pour mon employée qui n’est pas payée pour ça. Mon avion est à 9 heures, vol Alitalia, atterrissage à 11 heures 20, à l’aéroport international de Milano Linate. Quelle joie de quitter Bruxelles pour retrouver Francesca et découvrir la Toscane ! Je suis comme un gamin qui part en vacances. Je n’ai aucun remords. Mon contrat avec Lucienne se termine, j’ai fait face à toutes mes obligations. Mes enfants sont grands. J’ai payé leurs études. Ils sont à même de se débrouiller dans la vie.
Je n’ai pas emmené mon P.C. dans mes bagages, pour ces quelques jours mon cahier suffira. Francesca organisera nos journées en prévoyant un temps d’écriture. Elle me l’a répété dans notre dernier coup de fil : « Le travail que tu fais est très important, même pour moi. »
Jusqu’à présent elle ne s’est jamais écartée de la ligne de conduite qu’elle s’est tracée et en attend autant des autres.
Je vole sur un McDonnell Douglas MD 80. Elégance, raffinement, sourires du personnel de bord italien. Je reconnais tout cela pour avoir pris souvent un vol sur Milan dans le cadre de ma profession. Le tapis se déroule sous l’avion, comme une carte I.G.N. Les nuages s’ouvrent par intermittences. Voilà des sommets enneigés, des lacs étincelants et déjà c’est la descente sur Milan où Francesca m’attend. Comment sera-t-elle habillée? Combien de temps me faudra-t-il attendre avant de pouvoir la déshabiller ? Je ne me tiens plus d’excitation et mon coeur bat à tout rompre. La beauté de Francesca Luini a fait le tour de tous les départements et des services. Certains de mes collègues, au courant de ma liaison,
m’incitent à la prudence. Pourquoi ? Comme si toutes les jolies femmes étaient légères. Et même si Francesca l’était, cela ne changerait rien à mon désir. Tous deux nous mettons notre passé dans la balance, leur poids s’équilibre. Rien ne sert d’en parler trop. Surtout, ne tirons pas de plans sur la comète... Vivons le moment présent...
L’avion traverse la dernière couche de nuages. Aeroporte de Linate. Je ferme mon cahier...

Septième jour

Nous n’aurions pas pu attendre plus longtemps. Les aires de repos étaient bondées. Je n’ai plus l’âge à me donner en spectacle. Elle m’a proposé de nous arrêter dans un hôtel, quitte à retarder notre arrivée à Ponte Buggianese. J’ai dit non, autant patienter encore, nous n’en serons que d’autant plus heureux... En fait, j’avais hâte de découvrir la Fattoria Settepassi, notre villégiature d’agriturismo, une ancienne manufacture de tabac et de cigares située en pleine campagne toscane, et parfaitement reconvertie. Nous n’avons pas ouvert nos bagages et avons tout de suite transformé le large lit matrimonial en ring de lutteurs. Par la fenêtre grande ouverte, le soleil couchant inondait les draps et la peau dorée de Francesca. Après nous nous sommes précipités dans la piscine avant d’aller prendre notre premier véritable repas toscan. A table, nous n’étions que deux couples. L’hôtel est vide. Autour de l’ancienne manufacture, les cyprès se profilent sur les pelouses, et, au loin, sombrent les contreforts de montagnes d’un violet confinant à la nuit. Les hirondelles entrent et sortent des toits en jetant des cris d’un bleu perçant. Dans la torpeur du soir, nous entendons le coassement des grenouilles et le coin-coin des canards accompagné du bruit de leurs ailes qu’ils secouent en sortant de la mare. Francesca s’est déshabillée pendant que j’écris. Dans le miroir de la salle de séjour, je la vois marcher nue en se dandinant comiquement. Elle fait des mouvements d’ailes avec ses bras. Avec elle, le spectacle est garanti et j’éclate souvent de rire, ce qui ne m’étais pas arrivé depuis longtemps. Cependant, derrière les collines toscanes aux dos arrondis, les forêts allongées près des méandres de l’Arno, les cyprès qui marchent deux par deux le long des chemins de campagne, se cachent les anciens démons encore si proches de mon passé qui continuent à m’obséder. J’éprouve aussi un malaise quand je crois sentir le regard des pupilles toscanes se fixer intensément sur la beauté sensuelle de Francesca et sa joie de vivre si différente de la mienne. Sans doute s’agit-il de simples images projetées par mon cerveau qui n’accepte pas encore que vingt ans de différence d’âge n’a aucune espèce d’importance quand on s’aime.
Je sens deux bras nus encercler mes épaules, des seins palpiter contre mon dos, une bouche chaude et humide glisser dans mon cou. Francesca souffle : « Mon amour... »
Mon stylo se met à trembler, je peux tout juste encore écrire en zigzag: « ...que j’aime ton parfum! ». Quand elle prononce le mot amour, le « r » semble sortir du plus profond de sa gorge. J’en frissonne...

Huitième jour

Elle s’est levée tôt. Elle est revenue de la piscine dans son peignoir de bain. Son maillot était resté pendu dans la salle de douche. Elle a dit qu’il n’était pas sec... mais qu’elle n’a rencontré personne. Pendant le petit-déjeuner elle a commandé le menu du soir : bruschetta (tranches de pain de campagne non grillées frottées à l’ail) aux tomates coupées en petits dés, gnocchis aux truffes blanches, bistecca alla fiorentina et une bouteille de Brunello.
- Il faut choisir entre la cuisine toscane et l’amour. Ou bien tu manges ou bien tu bouges.
Nous sommes partis d’un fou rire.
On a commencé par Florence. Avec le Spider Alfa Romeo blanc de Francesca, Florence est à peine à trois-quarts d’heure d’autoroute. Pendant le trajet, j’ai encore pensé au regard des autres. Cela me poursuit, je ne suis pas encore suffisamment détaché de mon passé. Il me rattrape. Parfois, je me demande si je ne suis pas en train d’organiser une fuite en avant, mais pour atteindre quoi, pour arriver où ? Toutefois, Francesca ne me permet pas de me noyer dans cette tristesse. Elle surveille mes états intérieurs avec une patience infinie. Un ange gardien ? Est-ce que ça existe ?
J’avais vu l’émission sur Florence dans les Racines et les Ailes. Je me croyais donc préparé au choc d’intense émotion qui m’a submergé dès l’instant où j’ai débouché sur la Piazza del Duomo. Etait-ce la fatigue ou l’effet de la foule de touristes sur moi ? Le campanile de Giotto s’est mis à vaciller dans le ciel au point que j’ai du me tenir à l’épaule de Francesca. Elle l’a pris pour un geste de tendresse. A côté de moi, un Français disait à sa femme :
- Regarde, la tour s’écarte du Dôme...
- Mais non, c’est un effet d’optique...
Moi, Benjamin, je suis sûr que je l’ai vue de travers comme celle de Pise que tout le monde connaît en carte postale... Ce déséquilibre me donna la nausée. J’avais hâte de m’asseoir. « Entrons dans le Dôme Sainte Marie de la fleur. »
Faute de chaises ou de bancs, les visiteurs étaient debout, assez pressés les uns contre les autres. Mes yeux montaient à la rencontre de la coupole de Filippo Brunelleschi, tandis que je sentais mes jambes flageoler sous mon corps. L’intérieur du monument dédié à la vierge était incroyablement beau. Je pris la main de Francesca. « Ne me quitte pas, jamais, même si je deviens fou. Cette coupole me fait mourir, elle m’écrase, tourne, s’arrête, recommence à tourner, de plus en plus vite. Francesca, toi aussi tu la vois girer à toute vitesse ? Elle va décoller, s’envoler dans le ciel de Florence comme une montgolfière. » Je me souviens qu’à ce moment-là, j’étais en proie à une panique indescriptible. Francesca m’a soutenu jusqu’à l’extérieur. Dans le Battistero, le malaise m’a repris mais j’ai pu m’asseoir sur un des bancs de repos pour touristes fatigués. Le Christ en mosaïques du Jugement Dernier est descendu de la coupole. Il s’est approché, nous a pris par la main, Francesca et moi.
Je me suis réveillé aux urgences de l’hôpital de Florence. Francesca se penchait au-dessus de moi: « Ce n’est rien, Benjamin, ça va passer. On appelle ça le syndrome de Stendhal... »
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Ce texte a paru, à titre d'exemple, sur le site de l'Atelier de Lecture A.S.B.L. à Montegnéé B4420 http://www.leaweb.org/au mois de novembre 2007, pour des élèves du secondaire de la francophonie, participant à un concours sur la rédaction d'un journal intime, organisé par cet atelier dirigé par Jean-Luc Davagle.

jeudi 27 décembre 2007

Poème inédit dédié à la Saint Jean le 27 décembre 2007
















Un hublot à chaque oreille

Quand il la vit
il n'en cru pas ses yeux
elle portait un hublot
à chaque oreille

A bâbord et tribord
comme un navire
qui ouvre ses fenêtres
pour prendre l'air de la mer

Par ses hublots elle regardait
ne voyait rien
n'entendait rien
pas même l'appel des sirènes

Un regard de muette
un regard de myope
un iris vague
qui n'attend rien

Et lui qui croyait
qu'elle le regardait
se mit à lui parler
en langues étrangères

Du grec ancien
du syriaque ou de l'hébreu
non du tzigane
à cause des boucles d'oreille

Le mouvement de sa langue
et de ses lèvres
palpitait comme trois oiseaux
qui ne savent plus à quelle folie
se vouer

Dire quoi
et à qui
autant se taire
devant le silence de l'étrangère

Lui souffler un secret
avec la caresse d'un tremble peureux
à l'intérieur
de ses boucles en Limoges
où s'arrondissaient ses regards
apeurés
d'un écureuil traqué par la mémoire
qui déloge

Quand il la vit
elle était assise
comme on s'assoit sur un banc
d'une place triangulaire
pour ne rien faire
attendre on ne sait quoi
que tombent les feuilles mortes
de l'orme malade
autour de soi

Elle était là
immobile
concentrée sur l'effort
de ne pas avancer vers lui
même à petits pas prudents

Elle était là
image dans un miroir
où elle se regarderait
sans se voir

Elle ne disait rien
surtout pas une sorte de petit désespoir
qui n'intéresserait
personne

Et cela
jusqu'au seuil de la nuit
où il la verrait
illuminée par la lumière
d'un astre obscur

Faisait-elle signe au monde
à travers ses hublots de porcelaine
qu'elle ne quittait jamais

Comme si se dessinaient
deux bouées de sauvetage
sur le grain de sa peau de sable

Comme si les battements
de son cœur en dépendaient

Aussi
la nuit
les anneaux
ronds de son visage
reposaient
les yeux ouverts
pour veiller sur elle
jusqu'au matin

Pourtant
lui la voyait partout
depuis bien longtemps
avant qu'il commença à la regarder
chaque jour

Même qu'elle se lovait
entre les pages du livre
qu'il essayait d'écrire sur elle
à l'encre rouge

Son livre était comme un parc
aux allées interminables
où il la suivait
pas à pas

Souvent elle s'envolait
vers les nuages qui accouraient
au-dessus les croisières blanches
sur la crête des vagues

Elle s'endormait le soir
entre ses rêves
comme entre ses bras
qui faisaient semblant
de ne rien comprendre

Car le matin l'oreiller
cherchait en vain
les marques des boucles
rondes sur sa peau
de satin

Personne
n'aurait pu écarter sa présence
façade ou falaise
debout sur la mer

Toujours
au bout de l'interrogation
elle avait les doigts
en bourgeons éclosant à la vie
après l'hiver

Parfois
arrivée au point d'orgue
un chapelet de fleurs autour de la taille
elle colorait les instants
tandis que la porte s'ouvrait
sur l'ombre d'un reflet
la clenche suspendue à un rai de lumière

De l'autre côté se fermait la quiétude

Une à une
elle recousait les corolles
qui dans l'eau étaient tombées

Ainsi
elle
dont la mire ne fait que grandir
cristal rond
gonflé par la rondeur pesante des sanglots

Aubier des tourbillons avant l'écorce
étonnement des climats et
des étangs où se noie l'Ophélie

Abeille
sur la portée d'un chant mystique
butinant de ses lèvres minces
les étoiles de larmes blondes

Sous les cheveux d'aubépine
dressés par la surprise

Elle
qui range ses pensées
dans le tiroir rond
de sa cohérence

Elle
au sein de la nacre des perles dont le collier
avait failli glisser de sa nuque
sauvé juste à temps
par ses boucles d'oreille
blanches

Quand les saisons hibernent
le sommeil se feutre
et l'on oublie de respirer
vraiment

Le temps confond le silence de l'amour
avec la mort désavouée
émigrée vers des cieux
moins cléments

Quand l'ombre se déplace dans l'avance des solstices
les soupirs gravissent les escaliers
les lettres frissonnent
avant d'épouser l'absente
les pleureurs tressaillent
en écoutant le jeu du vent

Et
l'on se laisse embarquer
dans la traversée des îles
tout au-delà des aubes

Saphique en ses méandres
et sa musique particulière
bercée enivrée
dès lors qu'elle avait commencé
de marcher sur l'onde crépusculaire
dans l'odeur des palmes brûlées
les ailes en cendres
les regards cerclés précieusement
par l'écoute de ses boucles
rondes

Réapparition constante
comme un refrain
sur la paume de la mer
où elle succombe pour renaître
toujours plus réduite
au rang des sirènes
par le langage de celui
qui n'ose s'exprimer

Il trempait sa plume
dans l'encre des hibiscus
il rougissait ses messages qu'il cachait
a ceux qui auraient eu envie de les lire
recopiant les trilles des rossignols
aux langueurs de danses aériennes
comme s'il allait l'épouser

Elle
à la fois
tache de lumière et
laurier à l'orée du monde

Nue
à l'aube
de la densité
des routes forestières

Voilà
comment dire
pendant qu'elle

Elle
dans le noyau du cœur
martelé de petites peurs
déchirée à coup de petites dents
aiguise un couteau
ou un clou bleu
forgé au feu de son cerveau
qui la transperce
de douleur

Elle
toujours
qui maintenant sommeille
le corps nu dans une robe de lune
longue fragile transparente

Nuit de cils endormis
front tendu sur deux rides
qui la prolongent
au-delà de son exil

Et l'arc se brisait
au-dessus
d'une tendresse abusée

Les rues
frôlaient les maisons
aux volets fermés

Les mots métissés
de vermeils et d'émaux
frappaient aux portes closes

Ils se brisaient les ongles
sur les arondes
se faisaient les griffes
jusqu'au sang

Derrière les failles
tremblaient
les flammes des bougies

De longs chagrins
s'échangeaient des confidences
autour des tables à souvenirs

Pâles les enfants des villes
les regardaient par les trous de serrure
avant de pleurer

Lui
par contre
la contemplait
toujours plus

Elle
qui s'était réfugiée sous le clocher du délire
se balançant aux anneaux de ses oreilles
de bâbord à tribord
comme les hublots de son navire
en pleine haute mer

Elle
toujours plus belle
comme une phrase achevée

Assise encore
sous la cloche
de la place triangulaire

Chaque fois qu'il la revoyait
irréelle comme une image
sur l'eau de ses rêves