lundi 28 avril 2008

En navigation avec Jacques Rogissart sur la Gondole - Article à paraître.

Jean Botquin : « La Gondole de l’Orient Express » (Memory Press, 2008)

Les lecteurs de « La Revue Générale » ont déjà eu l’occasion de butiner dans l’œuvre de Jean Botquin. Ils auront pu prendre la mesure de son talent dans le difficile exercice d’écriture que l’art de la nouvelle impose à ses auteurs. C’est qu’il s’agit là d’unir la compression d’un récit, avec ce que celui-ci doit être porteur d’appâts pour le lecteur, à la parure d’une œuvre littéraire. Eh bien, nous ne prenons aucun risque en conseillant aux amateurs du genre la lecture de ce recueil, dont le titre est celui d’un de ses ouvrages.
Botquin s’entend à changer de manière et s’il est facile de résumer ses textes que sa plume grave d’un trait sûr dans la mémoire, il l’est beaucoup moins de capter l’essence de son style. Tantôt il dissèque les psychologies avec l’impassibilité d’un entomologiste qui me fait personnellement penser à Paul Bourget ( qu’il me pardonne mon indifférence pour les modes actuelles de la république des lettres !), tantôt il entre à petits pas dans le fantastique, avec plus de sobriété que Jean Ray, mais avec la même ingéniosité dans le choix des subterfuges qui endorment la raison. De sa palette descriptive jaillissent aussi bien les paysages de soleil d’Italie, d’Anatolie ou d’Afrique du Nord que les intérieurs minables d’individus à la dérive sous nos humides et frais climats. Mais à chaque instant de la lecture, il faut se rendre à sa force narrative: on ne quitte point sans obligation pressante la nouvelle que l’on a commencé à lire.
Il y a beaucoup de mélancolie dans ce recueil où il nous donne rarement à capter l’éclat solaire du bonheur de l’accomplissement réussi (comme dans « La Gondole », précisément) ou de la bonne surprise (« Le cri du Cœur »). Voici dans ses pages des êtres se côtoyant sans s’accorder (« La mezzanine », par exemple) ou mystérieusemennt rongés par un charme funeste de leur logis (« L’eau Noire »). Comme c’est simple, dira-t-on ? Eh non ! La maîtrise de l’auteur est de nous faire palper l’insuffisance de la volonté face à l’agencement des facteurs délétères qui assaillent les personnages. Mais elle est aussi dans une certaine façon de nous rappeler que nous sommes tous guettés, peut-être à notre insu, par des périls soudains de la vie quotidienne. La grande histoire, celle qui broie les joies innocentes(« Le Tambour d’Or ») ou les fiertés orgueilleuses (« La Mémoire de l’Insoumise »), se faufile parfois dans le tableau d’ensemble. Elle n’apparaît pas ici dans des victoires radieuses, ni dans des scènes terribles où chevauchent les cavaliers de l’Apocalypse. Elle a, elle aussi, ses demi-teintes et Botquin les saisit à merveille pour garder l’unité de sa composition.
Au fond, s’il y avait un message dans ce livre (mais y en a-t-il jamais un en littérature et notre auteur, pétri de haute civilisation, n’a rien d’un rabat-joie), ce serait que le bonheur est fugace et intersticiel. Il faudrait être attentif à l’épier - après tout, il n’est jamais très loin de qui sait borner ses désirs comme le couple d’amants d’un « Amour délocalisé » ou choisir des objectifs à sa mesure comme le héros des « Virgiles » - sans trop compter sur ses cadeaux inopinés comme l’archéologue de « La Cravate de Sennedjem ». Et quand il nous dispense sa faveur, il faut en déguster la sève jusqu’à la dernière goutte en sachant qu’il ne s’attardera pas.

Que l’on ne cherche pas dans cette œuvre une leçon pesamment philosophique sur le pessimisme et la sagesse intérieure. Elle nous parle, au fond, des choses de la vie jusqu’au-delà des portes qu’elle ouvre, çà et là, sur l’insolite et le mystère. Elle le fait sans pathos, ni pesanteur. Sa rigueur technique, si nous pouvons hasarder cet adjectif à son propos, pourrait bien s’appeler le secret du grand art.

Jacques Rogissart


Militant progressiste wallon, ancien chargé des affaires internationales de la S.N.C.B., Jacques Rogissart est chroniqueur, notamment de géopolitique, mais aussi, on le voit, d'oeuvres littéraires, à la Revue Générale.

dimanche 20 avril 2008

Flashback sur " La blessure de l'Obsidienne"



Mon deuxième roman paru en 2000.



Quatrième de couverture: Marcel-André Adamek.


En couverture, photo de Jeannine Dutrieux, représentant une tête colossale du site funéraire de Nemrut Dagi, en Turquie de l'Est, à plus de 2000 mètres d'altitude. Un site fabuleux !





Les deux personnages centraux, Yvette et Jacques, sont un couple qui se défait. Yvette espère que ce voyage conduira à la renaissance de leur ancien amour. Jacques, au contraire, cherche le courage pour lui annoncer la rupture. L'argument est simple, quotidien. Autour du couple, on retrouve toute la faune habituelle des voyages organisés: des couples hétéros, homosexuels, des célibataires à l'affût d'une rencontre, le guide Ibrahim qui fait son métier comme il peut, quelques personnages haut en couleur et d'autres qui ne sont là que pour tuer l'ennui.

Deux autres personnages se détachent : le secrétaire de la ville de Nantes et Tania-Maïté, qui exerceront une grande influence sur Jacques.
Le premier est un solitaire, érudit, pédant qui prend de plus en plus de place dans le groupe de touristes. Agaçant au début, il révèle assez rapidement une nature de sage et de philosophe. Jacques, en l'écoutant redécouvre son père.
Quant à Tania-Maïté, la passagère d'Izmir, elle apparaît comme une prêtresse initiatrice, mystérieuse, qui fera prendre conscience à Jacques combien son couple n'existe plus.

Puis, il y a Rilke, un des plus grands poètes du 20ième siècle.
Jacques a emporté les "Lettres à un jeune Poète" avec lui. Il les lit et les relit, tout le temps, comme un bréviaire de curé. Il se sent comme Franz Kappus, à qui Rilke écrivait. Je pense qu'à travers mon roman Rilke apparaît comme un médiateur, un guide tangible, une référence. En tous cas, nombre de mes lecteurs sont allés acheter les" lettres" après avoir lu mon livre ou les ont resorties du fond de leur bibliothèque.

On a dit:
- Beau roman qui aurait pu être une nouvelle...Pourquoi ? Tant mieux si la nouvelle prend le pas sur le roman;
-Un film de Sautet avec la voix off d'un narrateur... Tant mieux, j'aime bien les films de Sautet.
-J'ai fait un beau voyage, grâce à vous, en compagnie des personnages bien campés, attachants et irritants parfois, mais toujours décrits avec beaucoup de psychologie...Une lectrice...
-J'ai trouvé ce deuxième roman très supérieur au premier, qu'il s'agisse de la psychologie des personnages ou de l'élégance de l'écriture ...Un lecteur...
-J'ai été captivée par "La blessure de l'Obsidienne" qui est fort bien écrit et plein de sensibilité. Il m'a fait éprouver un grand sentiment de détresse. Mais il y a de l'humour et cela sauve ! Ariane François-Demeester...
-Botquin croque ce petit monde d'un coup de crayon sûr sans omettre de nous montrer des Belges qui transportent leurs différences intestines sous le ciel de feu d'un Turquie de carte postale. Jacques Rogissart dans "Le rail".
-Les lecteurs qui ont vu la Turquie retrouveront ici bien de leurs impressions. Ils s'aventureront en outre dans les arcanes des coeurs et des corps humains. Roger Foulon dans "Nos Lettres".

Pour conclure:

Puis, le secrétaire de la ville de Nantes poursuivit:
- La passion, c'est la meilleure et la pire des choses, comme la langue d'Esope. Par essence, elle ne peut durer. Toujours elle se consume. Elle ne peut survivre que si elle n'atteint pas son objectif. Elle est synonyme de souffrance et d'absence.. Elle se nourrit d'un désir inaccompli. Et pourtant qui n'a pas connu la passion n'a pas vécu.


jeudi 17 avril 2008

Extraits de Ténéré


Naître à l'insu de soi à l'issue d'un passé de pierre l'âme déserte au coeur
Cela m'est arrivé plusieurs fois
Sans doute
Mais comment le savoir vraiment ?
J'ai désappris les certitudes
des pélerins du bonheur

Un jour très éloigné très lointain se mettre à marcher indéfiniment


Comme si je pouvais marcher au dedans de moi


par toutes les portes de mon vide
au travers des couloirs interminables
du dessèchement
Comme s'il était possible
de grandir à l'envers

Il me semble que le sel brûle
la vision des mirages
Le désert s'apparente aux plages
parcourues de part en part entre les dunes et la mer
par des adultes infantiles
épris de l'angoisse d'être seuls


J'ai pensé que les grains de sable
étaient innombrables
comme l'infinitude des grains d'amour
Ils chantent sous nos pieds
Ils enchantent l'enfant en nous
l'espace d'un non-temps


La tour de Pise de l'espoir
reste penchée sur ce qu'on appelle
le destin ou la prédestination
L'improbable m'est compté
par le boulier des astres
glissant sur leurs orbites
de lumière

Je ne sais si l'on peut marcher pieds nus
tant le sable est brûlant
dès le lever du soleil
et les pierres tranchantes comme des couteaux
affutés
Mes pas courent sur le fil à découdre
le moindre de mes efforts


Ces quelques phrases vous donneront peut-être l'envie de lire "Ténéré", 60 pages. J'en ai parlé dans mes messages du 3.05.07 et du 29.05.07. Il est toujours disponible. Commander le moi par mail. Pour 5€+port (au lieu de 12 €). A bientôt.

mercredi 16 avril 2008

Aiguille du Nil pour Coumarine


De fil en aiguille
de Nil en Nil
d'île en île
au fil de l'eau
je suis en retard sur le fleuve
je n'arriverai jamais au bout de sa source
qui se dérobe entre les rives
et s'éloigne quand je dérive

De nuit en nuit
le soleil vogue sur les sommets de sable
sur les ruines de nos pierres
sur les images décousues de nos pauvres rêves
et les faims qui n'en finissent plus

Accepter qu'après
il n'y aura plus rien
même pas le chas d'une aiguille
pour enfiler l'espérance



Le Nil transformé en lac Nasser
Janvier 2004

mardi 15 avril 2008

Le pavillon de la Ménara



Les dents brillantes du Haut-Atlas scintillent
la chaîne à l'horizon déroule
indéfiniment ses neiges éternelles
dans le ciel brumeux de fin février
au-dessus de la lisière verte des palmiers

Alors que s'y détache le pavillon de la Ménara
point d'orgue d'une portée Ravelienne
s'effaçant dans l'eau tremblante du bassin
vers où tendent toutes les lignes du décor
bassin où se noient frémissantes
les échappées mélancoliques de l'inspiration

Un enfant nage dans le silence aquatique
sa tête flotte minuscule
emportée par un clapotis régulier

elle glisse sur la surface glauque
creusant une ride fugitive
sur le visage impassible de l'eau



Enfin il jaillit nu le corps luisant
et s'ébroue comme un jeune dieu
Neptune a douze ans
dans son regard brillent le jeu
du rêve en mouvement et le rire
des sources de cristal

Le pavillon de la Ménara est pareil
à une pierre précieuse sertie dans un anneau
de paix étrange comme lorsque se dégage
de l'envers désertique du silence
la profondeur du centre des choses
et le vertige familier de l'attente

L'enfant nu a disparu
sans vraiment rompre la glace
du spectacle maintenant figé
immobile devant la toile de fond de l'Atlas
sur laquelle se détache le pavillon de la Ménara.


Ce texte a été publié, il y a dix ans, et écrit bien plus tôt encore. Le pavillon de la Ménara est situé à quelques kilomètres de la ville rouge de Marrakech. L'enfant plongeait pour quelques pièces de monnaie. Le dessin est de Thérèse Van Beveren qui vit aux environs de Bruges. Nous avons travaillé ensemble pour faire "Triangles de la Nuit des temps". Au Maroc, février c'est déjà le printemps, les amandiers sont en fleurs mais l'Atlas est encore couvert de son manteau d'hiver.

mercredi 9 avril 2008

Le bonheur de vivre





En 2002, je publiais un recueil du titre « La mer occitane », écrit à la suite d'un séjour de vacances en Catalogne française, en 1998, avec la femme que j'avais rencontrée, peu avant ma mise à la retraite.
Après des années difficiles, je renaissais à la joie de vivre, grâce à la redécouverte de l'amour, dans sa plénitude et sa liberté. Un miracle inespéré! Je sortais d'un monde de mensonge, d'hystérie et de solitude insupportable.
Ma vie professionnelle s'étant terminée, je pouvais en recommencer une autre, celle à laquelle je rêvais depuis longtemps. Bien avant de quitter le monde des finances, j'avais expérimenté que l'écriture, l'agencement des mots, la construction de phrases, la création d'un imaginaire opposé à la matérialité, m'apportait une grande joie intérieure. Devenir un écrivain heureux, ou plutôt - restons modestes- un homme heureux qui écrit, ou heureux parce qu'il écrit, est-ce possible ? Etait-ce un objectif à atteindre ? Compte tenu des caractéristiques de la société où les gens qui écrivent cherchent leurs marques, ce bonheur-là, cependant, est difficile à réaliser. Très vite, la question de la réussite s'impose, comme dans toute entreprise humaine. Néanmoins, une chose est certaine, sans action l'harmonie est impossible. Encore faut-il ajouter que sans contemplation l'action ne peut, elle aussi, aboutir.
Il m'a fallu un long temps de réflexion avant de comprendre de quoi l'équilibre d'une vie se compose. Je commence, il me semble, aujourd'hui seulement, à en distinguer tous les éléments. La lenteur est sans doute indispensable à leur cohésion. Je parle de la lenteur du jardinier pour qui le temps est incommensurable. Je ne suis pas bon jardinier mais je consacre le temps qu'il faut à la contemplation de mon jardin car il me procure une grande sérénité. Et, dans mon jardin, je contemple aussi la femme qui m'a rejoint sur le tard de ma vie, en m'apportant son jardin pour que je l'aime comme elle. Et je les aime tous deux depuis près d'une décennie comme si je n'avais jamais aimé rien ni personne d'autre.
Souvent je pense que 1998 était l'année de mon big-bang, celui de la mer occitane, celui des couleurs catalanes, des abbayes romanes aux cloîtres jubilatoires d'où coulait et s'écoulait la félicité de ma renaissance tardive. Mes mains se parcheminent de plus en plus, je ne pourrai empêcher la mort d'accueillir mon bonheur.
Qui dois-je remercier ? Je ne connais pas le maître de l'Univers, je ne l'ai jamais rencontré. Je veux remercier mon père et ma mère qui m'ont donné la vie, et ma femme, la nouvelle et la dernière, celle qui, une fois encore, s'ouvre sous les roseaux de Provence pliés par la Tramontane.
Dois-je remercier Matisse à qui j'ai emprunté le titre de ce que j'écris, Le bonheur de vivre, ce tableau éblouissant sous le soleil de la Côte Vermeille, avec ces corps de femme qui s'offrent à la vie sous les oliviers ? Oui, sans doute, j'ai envie de le faire tellement je me suis senti envahi par l'exubérance de sa sensualité.
Nous sommes allés à Collioure, fêter notre anniversaire, l'anniversaire du big-bang. Nous avons retrouvé tout l'enchantement d'il y a près de dix ans comme si nous n'avions pas vieilli. Ni l'un ni l'autre. Et pourtant, je ne suis pas aveugle, je connais les rides de ma peau sous le hale du soleil et le vent du Marin, je sais mon souffle quand le chemin est plus aigu. J'hésite quand la vague est plus froide. Je ne suis pas dupe de moi-même. Je ne suis jeune que dans ma tête. Le corps vieillit, mais pas sa mémoire. Et mon coeur, lui, te regarde, ce vieux fou qui ne peut s'arrêter de te contempler quand le peu de vêtements dont tu t'habilles en vacances tombe à tes pieds pour te vêtir de mes regards sur ton corps tellement plus jeune que le mien...
Et nous regardons les paysages maritimes qui s'étalent à nos pieds, dans le chatoiement des couleurs. Bien sûr, en vacances le bonheur est facile, la vie explose. Les nourritures que tu prépares avec soin et lenteur, comme la lenteur du jardinier qui soigne ses fleurs, flattent nos narines et comblent nos regards tandis que scintille le vin des coteaux méditerranéens, caressé par un ciel lumineux. Les instants, précieux entre tous, où l'on se penche sur la vie qui dure son temps d'éternité et de jouissance forment un collier autour de l'anse du port de Collioure où se bercent les barques catalanes multicolores. Dans quelque temps, elles déploieront leurs voiles latines qui se gonfleront d'un vent très fort, courant à travers les plages bordées de pins et de roseaux, celles d'Argelès, Saint-Cyprien et leurs réserves naturelles où je t'emmènerai tout à l'heure pour jouir du soleil, a l'abri d'une dune.
Je m'y sentirai comme chez nous, protégés par les arbres et les plantes qui nous entourent. Notre bon vieux cèdre, le saule pleureur dont tu coiffes et décoiffes les branches légères sous lesquelles parfois je me cache pour lire, l'arbuste à kiwis qui a pris comme support notre pêcher et qui, si on le laissait faire, envahirait tout le fond du jardin, le figuier et l'olivier, le pommier qui nous fournit du jus jusqu'au printemps, l'eucalyptus, le magnolia, le cyprès de Provence à côté du pampa qui vient de nous offrir sa première fleur, le laurier rose qui se chauffe près du vieux mur, le sorbier, les petits cerisiers un peu maigrichons, le prunus qu'un ami d'enfance nous donna en cadeau de mariage, la haie de thuyas et de cyprès que nous laissons pousser comme ils l'entendent et qui ont transformé notre jardin en oasis citadin, le noyer qui est venu tout seul grâce à l'une des pies qui squattent le cèdre. Il se pavane, notre jardin, devant la fenêtre plein Sud du premier étage, par où je le fais entrer dans la bibliothèque du haut où j'écris entouré de nos livres. Oui, nos livres, pas les miens, les tiens ou les siens. Nous les avons tous mélangés, comme nos vies, et nous venons de créer une succursale de la bibliothèque d'en haut au rez-de-chaussée, un mur plein de littérature, de beaux-arts et de belles reliures, éclairé par la lumière et les couleurs du paradis, nos invités permanents qui poussent la porte vitrée, même quand il pleut.
Le bonheur n'est pas une potion magique. Il est fait d'amour, de choses toutes simples, de parcelles de vie, de sensualité, de plaisirs, de caresses, d'attentions, de soleil sur la peau, de saveurs, de rencontres, d'amitié, de partage, d'action et de contemplation. Chacun crée son propre bonheur selon ses moyens et ses facultés. Le bonheur n'est pas le contraire de la tristesse. Le bonheur sans tristesses passagères n'existe pas.
A la fin de notre séjour à Collioure, la mère de mes enfants est décédée. Quand je l'ai appris, je n'ai pas été surpris. Elle était gravement malade depuis plus de deux ans, incurablement. Je pense qu’elle s'est battue comme la chèvre de monsieur Seguin contre le méchant loup, l'’ histoire que son père lui racontait quand elle était petite, la même qu'il raconta aussi à mes enfants. Ma fille m'avisa seulement après le décès de sa mère pour ne pas troubler nos vacances comme si elle savait leur importance pour notre vie. Ainsi, cette mort annoncée n'a pas porté ombrage au soleil de l'Occitanie.
Je ne l'ai pas revue. Je ne le souhaitais pas. Elle ne l'a pas souhaité non plus. D'ailleurs, à quoi cela aurait-il servi, sinon à raviver nos anciennes blessures. Heureusement, quand je rêve d'elle, c'est souvent l'adolescente que j'ai aimée qui sort de ma mémoire. Cette image est inoubliable, même si je pense qu'elle a fini par la trahir. C'est cette image que je veux garder comme souvenir.
Je n'oublie pas non plus qu'elle m'a donné mes enfants, mon fils, ma fille. Je lui dois ce bonheur, le bonheur de continuer à exister à travers eux quand, moi aussi, je serai mort, le bonheur d'avoir semé la vie, le bonheur du prolongement de moi-même...
Et toi, Marianne, la femme de ma cinquième saison, je te promets de ne jamais te quitter, même quand il sera temps de me fermer les yeux je serai encore là pour te rappeler tous les bons moments de notre vie. Même au-delà de l' échéance inéluctable, je continuerai à t'aimer, à gravir avec toi les pentes du Canigou jusque dans les nuages, à regarder descendre le soleil sur toutes les îles de notre amour nomade.
Ensemble nous avons transformé la maison où tu m'as accueilli, lui donnant chaque année plus de nous-mêmes, afin qu'elle nous ressemble et que nous nous y sentions bien. Oui, le temps et l'espace sont pleins d'une vie gratifiante. Il suffit d'ouvrir les fenêtres pour nous en convaincre.

Quand je ne serai plus là - n'aie pas peur, ce n'est pas pour tout de suite- mes petits enfants remplaceront les enfants que la vie t'a refusés. Ils ont déjà commencé à t'aimer, je le sais, parce que tu les aimes. Ils auront pour mission de ne pas te laisser seule, de continuer une famille avec toi dans notre beau jardin.












mardi 8 avril 2008

20 mars 2008 - 426ieme soirée des lettres à l'A.E.B. La gondole de l'Orient Express.


Je reproduis, ci-après, le compte-rendu de la présentation de Guy Capelle, par Joseph Bodson, dans "Nos Lettres":

Jean Botquin dont la nouvelle éponyme de ce recueil a été couronnée au concours de nouvelles organisé à l'occasion du 100ième anniversaire de l'A.E.B., sera présenté par Guy Capelle, médecin, originaire de Courtrai comme lui, et qui fréquenta le même Collège.






Guy Capelle se réfère à la recension de France Bastia, dans Nos Lettres, où elle souligne l'imagination, la richesse, la précision du vocabulaire de Jean Botquin, sa sensualité aussi, une certaine ardeur de vivre.

Jean nous lit un passage de la nouvelle "Un amour délocalisé", la fin d'une lettre d'Anaïs. Une femme rêve qu'elle marche le long d'un chemin de fer, dans un chemin rempli de ronces, puis entre les rails. Elle trouve une maison blanche à la porte ouverte, y entre...

Pour le présentateur, Jean Botquin est un grand romantique, un amoureux. Mais d'où viennent donc ce titre, et la gondole ?

Elle a été inspirée par un voyage à Venise. 17.000 italiens vivent à La Louvière, et c'est ainsi que lui est venu ce rêve, transporter une gondole sur le canal du Centre, devant la Cantine des italiens. Le rêve s'est réalisé, la nouvelle a été publiée à la Louvière, après sa parution dans le Livre Anniversaire de l'A.E.B.. A l'occasion d'un autre anniversaire, celui des accords belgo-italiens sur l'immigration, les autorités locales se sont mobilisées, ont fait venir, non pas une, mais deux gondoles à La Louvière. Preuve évidente qu'une fiction peut se réaliser, que les évènements que l'on invente sont souvent la réalité. La photo de couverture est d'un ami italien, le photographe Arfeli, que l'auteur a d'ailleurs fait vivre dans une de ses autres nouvelles.

La nouvelle est un art difficile...Le présentateur se souvient d'une réflexion de Charles Bertin qui en dit long sur le sujet.

Mon épouse m'accuse d'être paresseux...plaisante Jean Botquin, et de n'écrire que des textes courts. Mais en fait, il a un goût particulier pour les récits courts. Goût qui lui vient, sans doute, de ses humanités, et de sa carrière bancaire. La nouvelle doit être précise, condensée, ne peut renfermer aucune erreur. Cela se verrait de suite. De plus c'est une sorte de défi qu'il se lance à lui-même. Il faut laisser au lecteur le plaisir de lire entre les lignes. Un récit qui tient la route même s'il est fantastique ou surréaliste, du suspense comme dans un polar, une chute inattendue. Peu de nouvelles répondent à cette définition. Et l'on peut considérer Maupassant comme un maître du genre.

Une autre nouvelle est alors évoquée, où il est question du syndrome de Stendhal: une angoisse survient devant un excès de beauté, au point de causer des vertiges. En temps que médecin le présentateur croit qu'il s'agit plutôt d'un phénomène hystérique occasionné par une hyperventilation cardiaque au cours d'une admiration excessive des oeuvres d'art...

Cette nouvelle est un texte de commande pour l'atelier d'écriture de Montélier, sur le thème du journal intime. Jean Botquin a décrit un moment de crise d'un homme qui écrit pour se soulager, alors qu'il quitte sa femme pour rejoindre une italienne, Franscesca, en Toscane.

A une question du présentateur, Jean reconnaît qu'il attache beaucoup d'importance à l'érotisme. Sur ce plan, le livre de Jean Botquin est révélateur. A l'appui, il nous lira l'histoire d'Europe et de Zeus transformé en taureau, transposée dans la Crète d'aujourd'hui.

Mais il y a aussi ce côté candide, cet appétit de vie et d'amour. Cette finesse, cette délicatesse que l'on retrouve dans une autre nouvelle dont il nous lira un extrait, Le tambour d'or, évocation de souvenirs d'enfance.

Et c'est une raison supplémentaire qui lui fait aimer la nouvelle, cette possibilité de passer aisément d'un style à un autre.

mercredi 2 avril 2008

Des nouvelles de poètes

Paul van Melle dans "inédit-nouveau" écrit:

Qu'est-ce qu'une nouvelle ? La critique littéraire s'est cassé les dents sur sa définition. En fait c'est un peu tout ce qu'on veut à condition que se soit vif, clair, complet parce qu'on ne peut pas y ajouter un mot après son point final. Dans la lignée de Maupassant, un maître du genre, Jean Botquin, également poète et romancier, adore raconter. Dès les premiers mots, je suis saisi comme par un Dumas père, ce qui est une référence de plaisir. La nouvelle qui donne son nom à " La gondole de l'Orient Express" ( je ne sais pourquoi) n'est ni la plus longue ni la plus caractéristique du recueil. Je suppose que la beauté de l'illustration de couverture a guidé le choix. Mais on peut dire que chez Botquin tout est bon. Il semble d'ailleurs un des auteurs phares de l'éditeur. J'avoue une tendresse particulière pour le premier texte du volume. "Je m'appelle Europa ", vraie légende mythologique mais aussi confidence de cette femme devenue continent par amour...