mercredi 21 janvier 2009

Les petites dames de Pacheco

Du côté paternel, mon frère, ma soeur et moi avons eu deux tantes. La tante Maria qui est morte pendant la guerre, en même temps que sa fille Henriette, toutes deux asphyxiées après une coupure de gaz de ville. La guerre, ce n'est pas celle de Gaza, ni celle de l'Irak ou de l'Afganistan, mais notre guerre, la grande, la mondiale, celle qu'on a juré de ne plus refaire. Jusqu'à présent on a tenu promesse. C'est bien. Et l'autre tante, Marguerite, la coiffeuse, que nous appelions "ma tante", comme si nous n'en avions qu'une. Après la mort de Maria, c'est vrai, elle était devenue "ma tante", la seule, aussi bien la tante de ma soeur que celle de mon frère, et même de mon père qui l'appelait "ma tante" alors que c'était sa soeur. Maman aussi disait "ma tante" en ajoutant Marguerite. Comme il n'y en avait plus qu'une, on ne pouvait pas se tromper. Ma tante avait, en dehors de son travail de coiffeuse, un coup de main magistral dans la préparation des frites qui baignaient dans l'huile frétillante en compagnie d'un ou deux oignons que nous nous disputions à la fin de la cuisson. Ma tante avait un mari que l'on avait baptisé "mon oncle". Mon oncle se nommait François. Il avait fait la guerre de 14-18 et était plein de décorations. Il avait perdu un doigt, non pas à la guerre, mais dans son jardin potager, à cause d'un clou rouillé. Cela ne l'empêchait pas de couper la viande qu'il connaissait bien car il avait été garçon boucher. Il connaissait très bien Bruxelles aussi comme Teddy, leur petit chien. Un jour, je suis descendu du tram 15 en oubliant Teddy. Je pleurais en marchant vers la maison de ma tante, à Saint Josse. Teddy m'attendait sur le pas de la porte. C'est comme ça, je n'invente rien.
Ma tante a commencé à vieillir après la mort de mon oncle. Elle a fermé son salon de coiffure. Elle a été installée dans un home à la rue des Alexiens, pas loin de la Fleur en Papier Doré. Elle a continué à faire des frites quand j'allais la voir. Puis un jour, j'ai appris qu'elle était à l'hospice de Pacheco, malade. Elle y avait été transportée d'urgence. C'est là que je l'ai revue au milieu de vieilles dames assises sous le préau. Heureusement, son passage à l'hospice ne fut qu'une fausse alerte.
Cela m'a inspiré le petit poème que voici:

Les vieilles dames
Les vielles dames de Pacheco
assises côte à côte
sous le préau
midinettes
mi-momies mi-squelettes
minaudent
dans leurs fauteuils d'osier
perruches ou perroquets
coquettes qui caquettent
à coups de bec
à coups de canne
à petits coups de cruauté
Si d'aventure elles s'aventurent
l'une derrière l'autre
dans le jardin
à petits pas détricotés
si d'aventure elles s'aventurent
sous le couvert
du feuillage vert
pour respirer
un air plus sain
mi-figue mi-raisin
ce n'est que tracassin
fondu sur l'oreiller de la tristesse
Poème extrait de Elégie pour un kaléidoscope.

12 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci pour votre passage sur mon blog et merci de l'avoir mis parmi vos liens (j'ai fait la même chose aujourd'hui). Au plaisir de vous retrouver sur http://journalpetitbelge.blogspot.com

Anonyme a dit…

Mon ami Jean;
Ton poème me surprend par cette cascade de mots.
Des mots qui tombent comme un bruit que fait la pluie quand elle frappe à ma fenêtre.
Et j’entends cette musique mystérieuse et silencieuse. Cette musique des mots.
Alors je ferme les yeux et plonge dans un rêve.
Et je me mets à rêver tout doucement tout simplement.
Merci à toi poète.

Mohamed

Anonyme a dit…

je découvre ces dames ,les mots
qui parlent la vie la guerre la mort
l'hospice .....amicalement

vendamont .blog50.com

pierperrone a dit…

Jean, tu es un vrai poete.
Ta poesie est, comme à dit Mohamed El Jarrudi, musique.

Si tu veux, je voudrais mettre ta poesie sur mon blog, où je voudrais l'en traduire en italien.

Je suis heureux que tu passe dans (sur) la repubblicaindipendente meme s'il est en italien. Tu pourrais utilizer google translator pour une traduction. Un peu (aussi beaucoup) imprècise, parfois un peu comique, mais ainsi on peut comprendre au moins le sens.

Puis-je t'appeller "mon ami", comme Mohamed (même si nous nous n'avons jamais rencontré en personne), et citoyen de la republicaindipendente ?
J'en serais "fier" (google translate, est-il correct?).

jean.botquin a dit…

Merci vendamont d'être venu de Normandie me dire bonjour.

Bien sûr Pietro, appelons nous "amis". Cela me ferait plaisir que mes petites Dames se retrouvent dans un blog de romain, en français et/ou en italien qui devrait bien se prêter au côté musical du poème...

Anonyme a dit…

Je parle de vous aujourd'hui sur http://journalpetitbelge.blogspot.com Bon dimanche!

Cristina a dit…

Je reviens après bien des problèmes d'ordi!!!
Ton poème est très beau et me transporte dans mes souvenirs de l'enfance...où on me racontait la guerre et je ne comprenais pas trop?
Bonne nuit, Jean.

jean.botquin a dit…

Bonne nuit à toi, aussi Cristina...

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