vendredi 14 août 2015

L'instant.

L'instant
Reste
rien qu'un instant
sur le bord du chemin 
sur la frange du temps
dans le geste d'attendre
dans le recueillement
la prière du moment
la feuille qui tombe
le point suspendu
Il s'arrêta
resta sur la pointe
d'un pied comme s'il allait
s'envoler le temps de baisser
une paupière
de cueillir le parfum d'une fleur
ou la perle de rosée
sur le brin d'une herbe
qui ploie
Reste
l'instant d'un baiser
le temps d'une grâce
le tintement d'un globe de cristal
qui se brise
Il s'arrêta
resta en souffrance
à la fin d'un mouvement
de rose qui trépasse
à la seconde immobile de l'onde
au moment où l'éphémère
devient durée
au bout de la vibration
de l'aile
surprise par le vent
Jean Botquin

Pessoa et Cocteau.

Lu dans le livre de l'intranquillité de FERNANDO PESSOA:
Certains ont dans leur vie un grand rêve , et ils le trahissent. D'autres n'ont pas dans leur vie le moindre rêve- et ils le trahissent tout autant.
Un Souffle de musique ou de rêve, n'importe quoi pour nous empêcher de penser.
Chapelle Jean Cocteau à Fréjus (2014).

jeudi 6 août 2015

Un cyprès du Sud

Le cyprès du Sud
Devant les fruitiers du Nord
S'effile sur le ciel
J.B.
Dans notre jardin.

lundi 3 août 2015

Une recension de Jacques Goyens.

Jean Botquin, Les quartiers de lune pâle, Editions du Cygne, 2015
Rendre compte d’un recueil de poésie est affaire délicate. On a l’impression de pénétrer dans un antre secret, de violer une intimité. C’est sans nul doute le cas de ces Quartiers de lune pâle, nouveau recueil de Jean Botquin.
La première partie, Gynécée – appartement des femmes –, renvoie tout naturellement à la femme et à l’amour. Le poète célèbre la femme avec l’ardeur de l’adolescent qu’il est resté. Dans Rhapsodies, le deuxième groupe de textes, le poète s’émerveille devant les beautés de la nature. Mais, sous l’innocence persistante, on devine une prise de conscience du temps qui passe et de ses effets. Le poème Adolescents se termine ainsi : Nous ne savions rien de ce qui nous attendait. La lucidité est bien présente. Le poème dédié à Federico Garcia Lorca souligne : Douceur et cruauté où se noient nos désirs. Un autre poème est consacré au Théâtre des illusions : et après, dans quel autre théâtre serons-nous surpris par la langueur des anges ? Manifestement, le poète amoureux de la vie songe à ses fins dernières.
Dans la troisième partie, Derrière mes verres fumés, la méditation se poursuit, se creuse, mûrit encore. À la réalité de la vie – le temps qui fuit inexorablement –, le poète oppose la force de ses rêves, qui prennent forme dans l’imaginaire poétique. Mais l’angoisse est bien présente. Plusieurs poèmes évoquent une apocalypse. Le poème Espérance peint les noyades, les raz-de-marée, les flétrissures et les déroutes. Il conclut en ces termes : L’automne est mort et je sais que l’hiver est éternel. La course vers l’abîme est inévitable. Le poète redoute d’être abandonné par les mots : ce serait la pire épreuve de sa vie. Sans que l’on sache qui aura le dernier mot, le rêve proclame une ultime fois sa puissance (Ce matin).
Dans un Avant-propos, Jean Botquin expose sa conception de la poésie : aussi éloignée du vers classique que des outrances obscurantistes de l’écriture automatique qu’il juge incompréhensible. Préface de Michel Cliquet.
Jacques Goyens

TENTAMINA

Un copain de collège m'a envoyé un cahier littéraire de l'université de Louvain (anno 1954) avec des textes d'un certain Jean Botquin. Poésie d'antan...Parfum et ésotérisme de jadis.
Sarabande
Cet oeil décillé pénètre mon oeil pâle.
D'espoir perdu, la goutte unique crève 
Seule sur l'onde ma conque danse.
Ton regard coupe un carré de chair bleue.
Mes paumes brûlent et ton haleine.
Croix de ma bouche scellée
Brûle.
Brûle sous ton dard: ma prunelle
Brûle aussi mon rêve en étoile
Brûle petite morte
Ambiguïté
La Raison de sa main froide.
Enserre le coeur nageant
Dans l'inconscience
Cette mer aux longues veines d'écume,
Cette mer des délices fatales
Où convergent mes dagues fondues en étoiles
Quand plonge le corps maigre des rares adolescences. Dans ton baume de frissons, d'équilibres tendus,
Et de chutes prolongées, les soirs, jusqu'à la mort
Mer secrète.
Un soleil surgit de ton sein qui saigne
Le soleil de moi-même en la nuit d amour même
Raison astre marbré à l'aube des coeurs,
Qui dans le sang baigne la rose
Et fige la rose saignée
Raison, l'immense envol des crépuscules précéda ta genèse
Mais que je plonge mon corps dénudé
Quand resurgit le dieu d'hiver à l'orient de mon âme
Que je sente enfin
De frisson en frisson
L'onde qui court
Court
Jean Botquin