mardi 29 mai 2007

A propos de "Ténéré"


Si Jean Botquin se retrouve en deuxième position du Prix Wilfrid Lucas 2006, c’est parce que le jury des Grands Prix Littéraires, se conformant à la demande de l’auteur, a examiné pour cette catégorie, ce « Ténéré » qu’il a souhaité soumettre à son jugement ! En effet, le même ouvrage aurait pu tout autant être couronné dans les « Prix Spéciaux », voire concourir pour le « Grand Prix de Poésie Mystique Pierre Dabin ». En effet, recueil en trois parties distinctes et ne formant, pourtant, qu’un seul tout au fond remarquablement cohérent, Ténéré allie à la fois la poésie libre, la prose poétique et, point d’orgue de ce recueil existentialiste, une nouvelle où, exprimant la pleine mesure de son talent de novelliste, Jean Botquin nous narre l’histoire de Fatma, l’insoumise, dont le destin légendaire semble lié au devenir de la Kabylie… Recueil au parfum d’ailleurs, humant le sable chaud et le silence statique du désert, Ténéré place d’emblée l’homme face à sa destinée. Confronté à ce lieu de non-vie apparente, l’auteur nous entraîne dans sa recherche de la spiritualité : de son enveloppe charnelle, chaque fois oubliée et chaque fois délaissée, pourquoi l’Esprit ne garde-t-il aucune mémoire ? « Naître une nouvelle fois sans renaître sans rien savoir sans mémoire sans traces sans marque aucune les racines oubliées… Cela m’est arrivé plusieurs fois sans doute/mais comment le savoir vraiment ? » Tout est quête et symbole, dans l’univers désertique où seuls subsistent des traces de vie, lorsque l’on prend pour tout bagage « le vide/et le vide du souvenir » mais, salvateur, subsiste et rayonne l’Amour et « les grains de sable/sont innombrables/comme l’infinitude des grains d’amour ». Une recherche de l’âme qui se poursuit dans les cinq textes en prose poétique qui suivent ce premier volet, l’Esprit éternel qui habite même ce « paquet de loques » que l’Homme « aurait dû serrer contre son cœur… sans avoir peur/de ce qu’il cachait sous ses hardes/et qu’il aurait lu dans ses yeux ». Un recueil difficile parce que dérangeant, mais dont la profondeur et la beauté de style valent largement, à son auteur, ex-aequo avec Rémy Silvestre, le deuxième prix Wilfrid Lucas.

Véronique Flabat-Piot
Vice-Présidente et déléguée Francophonie de la SPAF
Co-responsable des Grands Prix
Présidente-fondatrice ASBL « La Plume Vagabonde »

vendredi 11 mai 2007

L'arbre des Exécuteurs, en radio

Suite à cet article concernant "L'obéissance" de François Sureau, paru dans la Libre Belgique, article qui a déjà fait l'objet d'un billet sur ces Ecrits, Jacques Baudouin et Claude Delacroix animateurs du quoidien Flash Back diffusé en début d'après-midi sur la Une radio de la RTBF ont également marqué de l'intérêt et de la curiosité pour cet épisode singulier de notre histoire. Il en ont fait une émission, que l'on peut écouter et réécouter ici, entretien où il fut tant question de ce fait divers qui inspira François Sureau que de l'Arbre des Exécuteurs. Podcast donc.




mercredi 9 mai 2007

Marie Nicolaï présente "Boris et Boris" au Grenier Jane Tony


Le 5 mai dernier, Marie Nicolaï, m'a fait le plaisir de présenter "Boris et Boris", publié par Memory Press, au Grenier Jane Tony à Ixelles. Je rapporte ici quelques unes de ses réflexions :

"Alors que tant d’écrivains ne savent comment tourner autour du mot, Jean Botquin se joue des difficultés, de sorte que son livre qui, normalement, devait être un dur labeur au niveau de la composition, va tout seul!
Le romancier, dit-on, invente avec ses souvenirs...Boris et Boris, au début de la guerre 1940-1945, ont 12 ans. L’auteur en avait 8. La véracité du livre est telle que moi (Marie Nicolaï) qui en avait, à cette époque, 17, et donc plus à même, sans doute, de me souvenir, ai pu apprécier combien ce livre est vivant. Quelle mémoire et quelle imagination!
...L’exode durant lequel le père Lenoir, entrepreneur de pompes funèbres, trimbale le corps de sa fille Marie-France qui vient d’être tuée, dans un de ses propres cercueils est, je crois, unique, dans les lettres.
Les amitiés particulières (garçons ou filles) n’ont rien d’extraordinaire. Mais certaines parties-cul-ières peuvent, de la part d’ ecclésiastiques, paraître étonnantes, surtout décrites, page 34 et suivantes, comme Jean Botquin le fait, tout en épaisseur et en finesse.
Amitié particulière, en effet. A mon sens, Boris Remue, le fils du libraire, est réellement amoureux de Boris Lenoir, d’un amour véritable. Chez Verlaine, les manigances autour de Rimbaud ou de Lucien Létinois, par exemple, sont affolantes et perverses. Ici, les sentiments ont une retenue, une route barrée fort bien déterminée. S’agit-il d’une amitié ambiguë, comme on le lit sur la bande annonce du livre ? Je n’ai pas perçu cela; je crois que, pour Boris Remue, l’amour restera en ligne de mire l’image du petit garçon qui, dans un collège catholique à la foi pure et dure, sentait la lavande et représentait à jamais, malgré tout, le sexe opposé. Je me trompe ? "

samedi 5 mai 2007

L'arbre des Exécuteurs, nouvelle sève



Dans un précédent billet, je faisais référence au dernier roman de François Sureau, "L'Obéissance" et à ma réaction que le quotidien bruxellois La Libre Belgique a publiée en page "tendances" au mois de mars dernier. Comme je le précise dans cet article, j'ai eu lors de la rédaction de mon premier roman l'occasion de me frotter à l'univers très singulier des exécuteurs des hautes oeuvres de justice. C'est ce qui rapproche "L'obéissance" et "L'arbre des Exécuteurs".
Ce roman met en scène un cadre subalterne d’une entreprise financière multinationale, Lucien Ménager qui travaille dans un service de contentieux où il s’occupe de la récupération de créances litigieuses. La Chicago First Factoring est une entreprise paternaliste et autocratique qui exerce indéniablement une autorité dont l’influence menace jusqu’à la vie privée de chaque membre du personnel. On pense à une espèce d’univers orwellien surréaliste présidé par un Directoire Suprême qui a tout à dire. Roman étrange qui ressemble à un polar où l’on traite de bureaucratie, de syndicalisme, du monde des arts, de nouvelles spiritualités, de réincarnation. Lucien Ménager nous entraîne dans une enquête passionnante dont l’aboutissement lui sera fatal. Dans ce roman, l’invention transforme la réalité au point de la rendre burlesque. Conte moderne, farce, rêve prémonitoire, ce livre est un voyage dans un univers onirique qui transcende le quotidien.
A l'époque, j'ai publié ce roman sous le pseudonyme de Régis Maldague. J'étais encore à la tête de l'équipe des auditeurs internes crédit d'une grande institution financière. On devinera dès lors mes sources d'inspiration et l'appel fait à la complicité même de ceux qui pourraient se sentir visés mais qui décident d'en rire.
L’arbre des exécuteurs obtint le prix du roman Gustave Flaubert de l’Académie des provinces françaises à Mâcon en 1998. Il fut publié aux éditions Claude Dejaie. Ce roman n'est plus en librairie, mais il reste disponible. Avis aux curieux de l'estrapade... Il suffit de m'adresser un courriel.

illustrations d’Endre Szabo
254 pages 13cm x 21
couverture bichrome plastifiée
15 € + frais de port.

vendredi 4 mai 2007

Un amour délocalisé


Bruxelles, début mars 19..

Anaïs chérie,

A peine sorti de Lyon, le train s’arrête.
On nous annonce: « Par suite d’un acte de malveillance d’un voyageur, nous subirons un retard d’une demie heure. » Je n’en crois rien. La vérité est que ce train se sent coupable de nous séparer. Plein de remords, il veut retourner à la gare Perrache, comme moi, pour te retrouver sur le quai où je t’ai abandonnée, petite fille de soleil aux yeux baignés de nuages. Hélas, même si tu es dans mon coeur et ma tête, je te sais lointaine et pâle sur l’horizon de mon délire...

Tes caresses me font rêver et penser que nous ne pouvons plus mourir, désormais. L’amour est synonyme de vie, d’énergie, d’enrichissement. Il me fait exploser de l’intérieur, je suis un volcan, coulée de lave, larmes qui te fécondent. Et pourtant Anaïs, je sombre dans ce train où personne ne sourit, où tout le monde regarde sa montre et me reproche l’éternité que tu me fais vivre de façon tellement forte.

J’ai deux sièges, tu pourrais être à côté de moi, je te caresserais à travers l’étoffe de nos pantalons, tu t’ouvrirais, j’en suis sûr, pleine de ce miel que j’ai gardé dans la bouche...Ton siège est resté inviolé. Personne ne veut s’y asseoir de peur de s’y brûler. Aussi, j’y ai vite déposé toutes les clefs qui font palpiter mon désir, avec lesquelles j’ouvrais toutes tes portes. J’entrais de partout en partout. Suis-je sorti de toi ? Je ne suis plus rien d’autre que celui que tu as laissé après l’avoir annexé, inféodé, rempli, vidé. Et les clefs sont là, maintenant, pauvres instruments de torture de notre amour disloqué, délocalisé.

Le train, après une demie heure d’attente est reparti. A Dijon, j’ai changé pour Bruxelles. J’ai dormi, mangé un sandwich, bu un café. Je te revois, comme ce matin, au lever, après nos croissants. Dans mes paumes, ton corps lisse, mince, bouleversant. Je m’attarde aux endroits fragiles, estuaires, petites baies, golfes, fins de mers intérieures, débuts d’éternité, lèvres tendres que mes doigts assouplissent et qui m’érotisent à me rompre le coeur. Tu fermes les yeux...Je te vois, encore et encore, sortir de l’eau, tes cheveux mouillés aplatis sur le crâne, qui te transforment en môme brusquement désespérée, comme au bord d’un précipice que tu aurais cherché à ignorer, là, quelque part où l’être prend son envol.

Anaïs, tu te souviens, nous revenions de Grenoble. J’étais à ta droite. Tu lisais, je pense, Le Très-Bas de Christian Bobin. Ou peut-être un Paul Auster, je ne sais plus. Ma jambe gauche touchait ta jambe droite. Je sentais, à travers ce point, passer une énergie étrange qui, à la fois, me désangoissait et nourrissait mon désir. Je m’étais mis à t’écrire pendant que tu lisais. Je te posais des questions sur le papier. Est-ce que toi aussi tu me reçois pleinement comme je te reçois, cinq sur cinq ? J’écrivais, c’est la première fois de ma vie que je suis aussi proche d’une femme qui n’hésite pas à jeter un pont au-dessus de ses angoisses. Anaïs, ta sensibilité me bouleverse. A un moment donné, tu m’as embrassé au milieu d’une phrase de ton livre. Puis, je t’entendis à nouveau tourner les pages. Il me semblait que ce bruit léger affinait mon oreille par laquelle tu entrais en moi. Je baignais dans le halo de ton corps, dans ton irradiation. Ce jour-là, ton aura devait être très forte pour qu’elle m’impressionnât autant. Nous roulions ensemble dans la même direction comme un vrai couple, qui rentre chez lui. Le voyage nous réunissait au lieu de nous séparer comme aujourd’hui. C’était bon, paisible, tranquillisant. Oui, le bonheur est composé d’infiniment petits, de deux genoux l’un contre l’autre, de cette complicité secrète qui nous effleure à peine...

Pourquoi la navigation de nos corps emmêlés, la rencontre de nos fragilités, nos attirances chaque fois renouvelées doivent-elles s’entrecouper de malaises comme si le bonheur et le chant de nos sensualités ne pouvaient être complets...Oui, pourquoi ? N’avons-nous pas enfin mérité notre libération intérieure ?

Je t’embrasse de toute ma tendresse...


Noël


*


Lyon, fin mars 19..


Mon Noël,


Ne m’en veux pas, j’ai peur et pour tromper mon angoisse, je viens te parler, en pleine nuit. J’ai l’impression que je vis cela pour la première fois... Avant, avec P., le père de mes enfants, c’était autre chose. Un amour d’enfance prolongé, une espèce d’adolescence conforme au souhait des parents, même si au début ils n’étaient pas d’accord parce que nous avions commencé trop tôt. C’était, il me semble, un amour où nous reproduisions nos besoins d’être protégés, où je cherchais un père et lui une mère, quelque chose comme la continuation de la famille préexistante, où j’étais pareille à ma mère et lui pareil à son père.

Aujourd’hui, je transgresse mes interdits, je vis une espèce de folie, je me sens devenir femme comme si je ne l’avais jamais été. Je fais l’amour avec le soleil, Noël, car tu es mon soleil, c’est d’ailleurs ton signe. Tu éclaires mon corps, il me semble que je suis jolie, avant toi je ne l’étais pas, je ne pouvais me regarder dans le miroir, je ne savais comment j’étais faite. Tiens, regarde ces photos que tu as prises de moi, je ne m’étais jamais vue comme ça, je ne m’étais jamais regardée. Je ne savais pas que j’avais cette petite fente entre les jambes ou je l’avais oublié, cela ne m’intéressait plus. Quand je regarde mes seins, je vois et je sens tes mains qui les caressent. Tu me révèles, j’étais morte, je ne croyais plus que cela pourrait encore m’arriver. Quel miracle, je ressuscite ! Il y a un an, j’étais dans ce même lit où nous faisons l’amour, je ne pouvais dormir tellement je pleurais, tellement ma vie était détruite, j’étais malade de désamour et d’abandon. Maintenant, je ne dors toujours pas parce que je voudrais être près de toi qui es si loin, je ne pense qu’à cela, mon ventre te réclame, je m’ouvre rien qu’en regardant ces photos et en pensant à ton sexe...Ah ! Qu’il est beau, je le vois qui entre et sort de moi. Dans quelle position étions-nous pour que je le vois ainsi entrer et sortir, petit puis si grand ? Je t’aime Noël, je l’aime, c’est trop, c’est trop et pas assez. Ce lent mouvement quand tu me pénètres en douceur... Noël, Noël qu’allons nous devenir ? Je me dis : « Confiance, Anaïs, tu es une petite graine, prête à germer, à sortir de sa coquille, à grandir, ne te poses pas de question, le temps viendra où tu seras grande et forte. »

Merci Noël de m’avoir permis de m’aimer. Si je suis jolie aujourd’hui, c’est parce que tu m’aimes, sans toi je serais cette petite chose triste et laide qui ne sait aimer que les enfants des autres. Je t’embrasse, je descends le long de ton ventre, je pose mes lèvres, devine où, je le prends tout doucement dans ma bouche, tout doucement pour ne pas le réveiller, pas encore, pas maintenant, tu es trop loin...

Tu sais, Noël, ce qui me surprend toujours, c’est la vitesse du temps. Nous ne sommes qu’une virgule dans la phrase du temps, une toute petite virgule. Les gens sont sur des rails, ils ne s’en écartent pas, ils avancent tout droit sans réfléchir, sans rien vivre, peut-être même sans rien penser, rien qu’avec des images de la télé dans la tête, ils se réveillent, ils déjeunent à peine, ils travaillent ou font semblant, ils reviennent chez eux, ils mangent encore comme les oiseaux qui ne font que ça, ils s’endorment sans rien avoir vécu. Je préfère l’amour qui me fait souffrir, la souffrance de ton absence, ton éloignement à la banalité du quotidien. Je t’aime, n’oublie jamais. Ah ! que je t’aime !

Je viens de découvrir que l’amour est parallèle à la mort, comme la création, comme toutes les grandes choses. Je n’ai pas peur de la mort. Je voudrais mourir pour ce que tu me fais vivre. Tu es mon premier amour adulte. Chaque fois que tu me touches, tu m’affranchis. Tu me féminises. C’est vrai, je n’étais pas en règle avec ma féminité. J’espère que tu continueras à recréer la femme en moi, j’en ai besoin. Tu me fais évoluer. Je veux que toi aussi tu évolues. Les couples qui n’avancent plus sont voués à la destruction. Cette rencontre avec toi est un véritable chemin de libération, c’est inespéré.

Dans ma tête, je pense que j’ai tué ta femme, Castaneda dit que l’on porte la mort au bout de son bras. Il faut mettre fin à la situation triangulaire. C’est sans doute ce que m’impose l’analyse et la transgression de l’interdit. Dans mon esprit, je veux détruire le passé que tu avais toi-même condamné. Est-ce que je me trompe si je dis que toute ta vie tu n’as pensé qu’à ça, que tu attendais ce moment. Le moment de ta recréation. Le moment de ta (re)naissance, de ton retour à la vérité. Je l’espère...Nous avons écarté le cadre, nous avons osé aller au-delà. Déjà que mon cadre à moi n’était pas comme les autres, il avait la forme d’une étoile. Il fallait oser pour épouser la vraie vie. Pourquoi est-ce que l’amour me fait tellement mal ? Suis-je en train de vivre le deuil de quelque chose d’inconnu, de caché ? Je tourne tout cela dans ma tête afin de comprendre. Ce que tu m’as dit sur la spiritualité m’a beaucoup touché. Il me semble que je t’aime dans la verticalité, avec le haut et le bas, en parfaite harmonie.

J’ai fait un rêve. Je marchais sur un chemin qui longeait un chemin de fer. A un moment donné, le sentier s’est rempli de ronces, je ne pouvais plus avancer. Alors, pour aller plus loin, j’ai marché entre les rails. Plus j’avançais, plus je me sentais mal. Il fallait sortir de ces barres d’acier, de ce carcan. Heureusement, un peu plus loin, le chemin de ronces s’est transformé en chemin de pierres, plates, brillantes. Je me suis mise à chanter sur le chemin de pierres. Au bout de cette véritable petite route qui serpentait dans la campagne, il y avait une maison blanche. La porte s’est ouverte et je suis entrée. Je t’aime Noël. Je t’embrasse.

Ton Anaïs


*


Le temps passe, le ciel s’assombrit. De mars à septembre les voyages se sont succédés, les lettres se sont espacées...


*


Bruxelles, fin septembre 19..


Tu as raison, Anaïs, je n’aurais pas du venir, ça ne pouvait que mal se passer, tu n’étais pas disponible. C’est vrai, dans ce qui t’arrive, je suis impuissant. Comment t’aider à faire face à la fugue de Clémence ? C’etait votre problème, celui de P., le tien, pas le mien, seulement le mien, dans la mesure où mes visites à Lyon et ma présence auprès de toi perturbent ta fille qui se sent, sans doute, comme tous les adolescents du divorce, abandonnée.

Pour toi, je me suis comporté en égoïste, je n’ai pensé qu’à moi, à mon besoin d’être avec toi. Moi, je croyais stupidement que tu aurais eu aussi besoin de moi, surtout dans les circonstances que tu venais de vivre, et comme mon voyage était prévu depuis quinze jours, j’ai débarqué. Tu m’attendais à la gare. Tu m’as dit, tout de suite : Pourquoi es-tu venu ? J’avais envie de répondre : Parce que ! Parce que je ne peux vivre sans toi, que je t’aimais pour le meilleur et pour le pire, qu’aujourd’hui c’était sans doute le pire, que j’avais envie de te prendre dans les bras, te consoler, te dorloter comme une enfant, que je me serais comporté en lâche si je n’étais pas venu, que je me considérais aussi un peu comme le père de Clémence, puisqu’elle était ta fille, que c’était une preuve d’amour et non le contraire... Et puis, merde. Je suis venu parce que. Voilà. Parce que ! Comme s’il fallait tout expliquer ! Quand j’ai voulu t’embrasser, tu as esquivé mon baiser. J’ai compris que ce n’était pas gagné. Plus tard, tu m’as lâché quand-même : Je suis contente que tu sois là.

P. t’attendait avec Clémence qui t’a embrassé comme si elle n’avait pas fugué pendant cinq jours. Tu l’as giflée. Vous avez pleuré. Je suis sorti dans le jardin. Quand je suis rentré, Clémence était partie avec son père. Toi, tu étais effondrée dans le canapé, sanglotante, je ne savais que faire.

Ton fils est arrivé. Vous avez discuté jusqu’à l’heure du coucher sur l’amour et son caractère souvent possessif. Ce discours analytique, visiblement, m’était destiné. J’ai appris ce soir-là toute l’horreur des attachements qui aliènent l’identité de celle ou celui qui en fait l’objet. L’amour, c’est bien ce que vous pensiez tous deux, doit respecter l’autonomie de l’autre. Faut-il croire que l’amour quand il nous a envahi, finira, tôt ou tard, par submerger l’être aimé au point de mettre sa vie et sa liberté de vivre en danger ? Je peux me tromper, mais les gens qui s’aiment ne tiennent pas ce discours, ils ne se posent pas ces questions.

Ce que j’écris ne t’apprend rien. Je ne fais que décrire ce que nous avons vécu. Mais, réflexion faite, ce n’est pas inutile car tu n’as certainement pas perçu les choses de la même façon que moi.

La soirée s’est vraiment mal terminée. Tu t’es retirée pour te préparer à la nuit. Ton fils m’a prévenu que tu souhaitais dormir seule. Je me suis dit: « Elle n’a même pas le courage de me le dire elle-même. » J’étais terriblement vexé. Cela m’a rendu complètement fou. Je n’avais qu’une nuit à passer avec toi. Le lendemain, je prenais l’avion pour rentrer en Belgique. C’était un ratage complet. Oui, tu as raison, je n’aurais pas du venir...Je n’avais rien à faire dans vos histoires. Clémence qui avait traîné pendant cinq jours dans les couloirs des sous-sols de la gare avec des toxicomanes était revenue. Je suppose que P. et toi avez décidé de la faire examiner. Ah, j’espère qu’elle n’aura rien.

Dans ma rage, je me suis comporté comme un con. Ton fils parti, je me suis déshabillé, j’ai fait valser mes habits dans ta chambre, j’ai été me coucher sur le divan, avec tes chats qui sont venus ronronner sur mon ventre. Je n’ai pas dormi. Je sais, toi non plus. Inutile de revenir sur la journée qui a suivi. Une horreur ! Tu n’as pas attendu l’heure normale de mon départ pour aller retrouver Izaac Marcovitch, ton psychanalyste. Dans l’avion j’ai mieux réalisé combien la fugue de Clémence t’avait ébranlée. Je me suis mis à gamberger. Etais-tu en état de conduire ? Tu m’avais paru totalement déboussolée, perdue. L’angoisse me tenaillait de plus en plus. Je voulais te téléphoner dès mon atterrissage, pour me rassurer sur ton état, pour me calmer, pour te confirmer combien je t’aimais...Pas de réponse. A la descente du train, je me suis précipité dans la première cabine venue...Toujours rien. J’essaierais plus tard encore... Ce n’est que de mon bureau que j’ai enfin pu t’atteindre, le lendemain. Tu m’as dit: « Ce n’est pas parce que je m’appelle Anaïs que je suis une femme objet. » Cela m’a coupé le souffle. Toi, une femme objet ? L’objet de mon désir ? Oui, souvent ! L’objet de mon amour, tout le temps, toi la part androgyne de mon être, toi qui me complètes, dont l’absence me fait souffrir, toi dont j’ai besoin pour vivre ! Comment peux-tu penser que je puisse te considérer comme un objet ? Un objet que l’on manipule uniquement pour son plaisir ? Je ne comprends pas, Anaïs, je ne te reconnais plus. Est-ce le poids de nos passés différents qui fait qu’aujourd’hui tout te paraît difficile ? Qu’ai-je donc fait pour tant te décevoir ? Depuis dimanche, je m’interroge, je passe en revue toutes les phrases que j’ai prononcées et toutes celles que j’ai omises. Depuis quelque temps j’ai l’impression de ne plus être adéquat, de ne pas trouver les mots et les attitudes qui conviennent. Je sens chez toi une part de méfiance. Je ne parviens plus à émouvoir ton corps, il faut attendre la fin d’un repas pour que tu puisses te rapprocher de moi comme s’il te fallait un peu d’ivresse pour dépasser la frontière de tes craintes ou ton manque d’attirance. Usure du temps ? Insupportable effet de destruction de la distance et des séparations toujours répétées ? Ne faut-il pas toute une nuit pour, chaque fois, te réhabituer à ma présence. Et le reste du temps se passe ensuite dans l’angoisse du départ, dans la projection intérieure de ces images où nous nous voyons disparaître au loin. Peut-on encore vivre longtemps comme cela, sans redevenir les étrangers que nous étions ? N’est-ce pas pure folie ? Mais non, me dis-je, nous finirons par trouver une solution. Déjà, pensons aux vacances de Noël où nous vivrons quinze jours ensemble. Plus tard, je viendrai m’installer à Lyon ou toi à Bruxelles. Prenons patience... Ayons confiance. Nous avons tenu un an déjà, retrouvant chaque fois ce grand bonheur et la quintessence de notre profonde aventure. Que n’avons-nous pas vécu depuis le premier jour ! Combien de découvertes autour de nous et en nous ! Quelle joie m’as-tu apportée, même si elle devait cesser je ne pourrais jamais l’oublier. Les humains ne sont pas faits pour vivre seuls, quoique tu puisses en penser aujourd’hui contrairement à tout ce que tu m’avais dit et écrit. Tu m’as dit que je te faisais perdre ton identité. J’avoue ne pas très bien comprendre. En quelque sorte, l’amour serait un jeu dangereux qui te fait peur, il te ferait retomber en enfance...Est-ce vraiment cela ?

Nous sommes jeudi. Ton fils vient de me téléphoner. Oiseau de mauvaise augure. Il m’a transmis ton message. Tu as décidé que tu ne viendrais pas ce W.E. Tu as annulé ton billet d’avion. Tu ne te sens pas adéquate, il vaut mieux attendre un peu, ne pas se faire du mal, ne pas se parler pendant quelque temps, même ne pas se téléphoner...P. va prendre la garde de Clémence. Tu seras soulagée. Vous ne parvenez pas à vous entendre, tu te mets à crier sur elle, elle s’enferme dans sa chambre, elle utilise ton parfum, elle a failli faire une nouvelle fugue, elle t’avait volé le collier en argent que je t’ai offert, elle t’emprunte tes slips, c’est vrai qu’elle est presque aussi grande que toi... Non, ça ne va vraiment plus. Ton fils m’a tout raconté. Est-ce lui qui t’a convaincu de former mon numéro pour t’expliquer un peu ? Enfin peu importe, j’ai enfin entendu ta voix...

Tu sais, la nuit dernière, j’ai dormi dans les couvertures pour ne pas toucher aux draps que je te réservais. J’ai des mandarines, superbes, des oranges, des yaourts pour le petit déjeuner, de la minarine, celle que tu aimes, aussi du vin et de la bière pour plus tard et du whisky ( le whisky, au cas où tu ne viendrais pas, pour moi tout seul, pour me consoler, tu comprends). J’ai aussi de l’eau minérale pour la nuit, après l’amour (on a toujours un peu soif ) ou après le concert ou le cinéma.

Merci quand-même de m’avoir téléphoné. Soit, si tu préfères rester dans ton trou comme un petit animal blessé pour souffrir toute seule. Je veux respecter ton désarroi, ton désespoir dans lequel tu ne trouves rien à me dire. Je t’aime, bordel de merde, tu es ma dernière chance, je ne trouverai plus jamais quelqu’un comme toi.

Tu te souviens, ce que tu écrivais en août: « C’est une lettre vraie et sincère, pleine de fautes d’orthographe. C’est une lettre qui te dit que nous sommes au carrefour du chemin de la vie et que je choisis de faire route avec toi. Je t’aime et je t’embrasse, mon petit Noël à moi. » Moi aussi, j’ai choisi de faire route avec toi, Anaïs, à travers tous ces sentiments mêlés, contradictoires, difficiles à assumer, comme tu dis, à travers l’étrangéité qui nous habite et nous sépare parfois. Je sens monter du centre de mon corps une chaleur intense et tendre. Je voudrais te prendre par la main, t’amener tout contre moi, t’embrasser dans le cou, humer l’odeur de tes cheveux, sentir tes seins nus contre ma poitrine, ton ventre contre le mien. Je voudrais revivre tout ce que nous avons vécu ensemble à chacune de nos premières rencontres, partout où nous nous sommes aimés fort, profondément, parfois désespérément et dans l’angoisse de vie et de mort. Ne sommes nous pas tous deux d’un monde où les frontières n’existent plus ? Nos vies ne sont-elles pas définitivement fusionnées malgré l’inconfort des distances et des voyages ? Je t’embrasse, mon amour, viens, je suis là.. .


Noël


Cette nouvelle est récemment parue dans "Etranger, j'écris ton nom", 29 auteurs belges mobilisent leur plume. Sous la direction de Hervé Broquet. Avec : Nicolas Ancion, Frank Andriat, Luc Baba, Fanny Barnabé, Isabelle Bary, Rose Berryl, Jean Botquin, Hervé Broquet, Daniel Charneux, Eric Clemens, Serge Federico, Vera Feyder, Félix Gutmacher, Françoise Houdart, Christophe Kauffman, Isabelle Kerstenne, Werner Lambersy, Yun Sun Limet, Pierre Lorquet, Raphaël Medear, Jean-Luc Pierret, Françoise Pirart, Jérémie Piscicelli, Myriam Rosman, André Schmitz, Bernard Tirtiaux, Michel Torrekens, Jean-Pierre Verheggen, Pascal Vrebos. Aux éditions Couleur Livres. ISBN 2-87003-459-8 – Février 2007.
Les bénéfices et droits d’auteur de ce livre seront versés au profit d’une association : la Coordination et Initiatives pour et avec les Réfugiés et Etrangers (CIRE).

jeudi 3 mai 2007

Ténéré et la Mémoire de l'Insoumise





Les aléas de l'édition sont tels. Mémor, qui en 2004 publiait le recueil de poèmes "Ténéré", n'est plus.
Dans ce recueil, écrivait l'éditeur, l'auteur exprime, en prose et en poésie libre, une réflexion existentielle sur le mystère du néant et de l'être. Fasciné par le désert, cette contrée du monde où l'homme se découvre seul face à lui-même, il s'aventure dans un univers de symboles et d'images dont la force confine à la folie. La beauté du désert culmine aux sommets de l'angoisse mais "les grains de sables y sont innombrables comme l'infinitude des grains d'amour". Et en effet, l'amour apparaît - ou réapparaît - dans la solitude de Ténéré, à l'instar d'une embellie inespérée.
Après cette méharée spirituelle, il prolonge sa méditation poétique en nous offrant quelques textes de belle prose, dont une nouvelle éblouissante.

Cette nouvelle dont il est question dans cette présentation, c'est "la mémoire de L'insoumise", texte couronné en 2004 par le Prix de la Communauté Française lors de la "Fureur de lire".
Je réédite ici in extenso le texte de cette nouvelle. Le recueil "Ténéré" est toujours disponible, mais désormais chez l'auteur. Adresse courriel dans la colonne de navigation, à gauche. (prix de vente 5€ seulement + frais de port)



LA MÉMOIRE DE L’INSOUMISE

À Malika Madi

Fatma a seize ans. C’est une Kabyle aux yeux bleus, aux cheveux de blé mûr, longs comme une sourate du Coran.
Une Kabyle au teint clair qui arbore un sourire de perles rares. À seize ans, c’est une femme accomplie, solitaire, sauvage, indomptée, indomptable. Une merveille.
Depuis qu’elle sait marcher, elle fuit dans la montagne du Djurdjura. Quand elle fuit, personne ne peut la rattraper.
Elle ne dit pas où elle va. Le soir, elle revient, les bras égratignés par les figuiers de barbarie, les yeux éclatants. Elle a suivi les méandres des ravins. Elle s’est reposée à l’ombre des genévriers et des caroubiers, elle a cueilli les fruits rouges des jujubiers pour se désaltérer et couper sa faim. Elle marche pieds nus, leur peau est tannée comme le cuir des semelles. Elle a grandi plus vite que les autres filles. Elle déniche les aigles et les éperviers. On la voit sur les crêtes des djebels courir comme si elle avait des ailes, s’envoler au-dessus des cimes. Parfois, son cri de femme-oiseau résonne en écho dans les gorges des oueds dont l’eau n’est plus qu’un souvenir. Et c’est comme un chant qui vient à la rencontre du ciel flamboyant.
Quand elle ne fuit pas dans la montagne du Djurdjura, elle écoute derrière les portes, surtout celle de l’école coranique où son père enseigne le Coran aux garçons. Ils ânonnent ses versets de leur voix pointue, en se dandinant d’avant en arrière. À force de les écouter, elle apprend les textes par cœur. Elle les connaît mieux que tous ces garçons dont on prétend qu’ils sont plus intelligents et qu’ils ont plus de mémoire que les filles. Quand elle les a bien entendus, elle les place comme des objets précieux dans l’écrin de sa mémoire. Sa mémoire ne la quitte jamais. Elle ne pèse rien, sa mémoire. Elle peut l’emmener partout avec elle. Dans les montagnes, souvent, elle ouvre l’écrin. Alors sa bouche raconte Allah et la musique rentre à nouveau en elle par ses oreilles, et par toute sa peau, par ses mains qui scandent les versets et même par le battement de ses pieds qui frappent le sol au rythme de la parole de Dieu.
Elle écoute le chergui et le vent de sable, les roches qui éclatent sous la chaleur du soleil après le froid de la nuit, elle écoute les lauriers aux fleurs roses ou blanches qui bougent dans le vent, elle écoute les dromadaires qui blatèrent au loin.
Elle écoute des voix mystérieuses qui viennent des grandes étendues bordant le Djurdjura. Elle ne sait pas si ces voix lui viennent de sa tête, de ses oreilles ou d’ailleurs. Ces voix parlent de la guerre qui sévit au Nord et dont les effets commencent à se faire sentir en Kabylie. Tout le temps, elle s’arrête pour écouter les vibrations du monde que la plupart n’entendent pas. Et, après, elle pense quand elle cesse d’écouter.
Et, alors, elle reprend sa course de gazelle que rien ne peut arrêter, et surtout pas les objurgations de son père, le marabout, ni de sa mère ni de ses frères. Elle n’est pas comme les autres, Fatma. Elle pense que les femmes sont pareilles aux hommes, qu’elles ont droit à la liberté, même pour faire la guerre et défendre leur pays contre les envahisseurs infidèles. Quand son père vient à mourir, le frère aîné de Fatma décide que le temps est venu de mettre de l’ordre dans l’indiscipline de sa jeune sœur. Fini de courir par monts et par vaux. La place d’une jeune femme est entre les quatre murs de la maison à faire le ménage et à élever les enfants. En clair, il veut la marier et s’arrange avec un cousin célibataire qui fera un très bon mari. C’est un homme courageux mais qui se sait ni lire ni écrire. Peu importe, il fera un bon père, respectueux des traditions ancestrales. On l’a prévenu du caractère épris de liberté de Fatma et il s’est promis de la mater.
Comment une gazelle du désert peut-elle accepter d’être mise en cage ? Elle ne l’accepte pas. Elle dépérit ou devient folle. Tout de suite elle a senti l’horreur de son incarcération matrimoniale. Les djinns du désert la visitent, surtout la nuit. Elle hurle aupoint d’empêcher le village d’Ourja de dormir. Les chiens se réveillent et se mettent à aboyer à la mort. Dès le premier matin, elle refuse de manger, elle déchire ses vêtements et menace de sortir nue dans les ruelles du village, elle se mutile, elle se couvre de cendres. On ne sait si c’est une véritable folie ou un simulacre. Le cousin essaye de maîtriser sa femme mais sans succès. Cette folie a duré pendant près d’un mois jusqu’à ce que, selon la coutume, le plus jeune frère de Fatma vienne la chercher pour la ramener dans la maison du père. On la traite en lépreuse ou en pestiférée. Elle est enfermée dans la pièce la plus obscure. La folie se guérit par une autre folie. La porte ne s’ouvre que sur un rai de lumière et une écuelle de viande bouillie et de légumes. Fatma n’est peut-être pas aussi folle que l’on dit. Libérée du joug d’un mari imposé par un frère dogmatique et stupide, fier de ses prérogatives héréditaires qu’il ne méritait pas, comme c’est souvent le cas, elle reprend l’équilibre de ses sens, se centre entièrement sur son intuition la plus sensible et retrouve une clairvoyance des plus aiguës. On pense à Camille Claudel, cette artiste extraordinaire, maintenue dans un état de folie destructrice par une famille guidée par des principes aussi socialement rétrogrades que les pires traditions religieuses tribales. Dans l’obscurité où elle est confinée, elle voit la guerre qui approche, elle voit l’esclavage de son peuple et la liberté lacérée par un drapeau tricolore. Il est temps de réagir. Ses poings sont en sang tellement elle les a frappés sur le bois dur de la porte. Jusqu’à ce que le frère cadet, qui n’en peut plus d’entendre sa sœur pleurer et gémir, ouvre et laisse passer Fatma qui dit : « Au nom de Dieu le Miséricordieux plein de miséricorde. » Et elle se met à réciter une longue sourate qu’elle rythme de sa voix mélodieuse et grave. Et son frère cadet la regarde ébahi. Il ne sait rien et ne comprend rien de ce qu’elle dit. Il ne comprend pas d’où elle tient cette science si ce n’est d’Allah qui lui souffle les paroles ou du prophète qui parle par sa bouche. Il va chercher les autres frères, à commencer par le frère aîné qu’elle terrasse de son regard bleu et qu’elle maudit dans de terribles imprécations. Fatma ouvre le livre de sa mémoire, page après page. Subitement tous prennent peur devant Fatma qui invoque toutes les forces du ciel comme un imam. Elle dit que la guerre arrive comme le chergui et qu’il faut prendre garde qu’elle ne détruise tout sur son passage, les hommes, les femmes et les enfants, les animaux et les étables, les maisons et la mosquée. Il faut s’armer, veiller, placer des guetteurs sur les toits des maisons d’Ourja car la guerre vient comme la mort. Il ne faut plus dormir.
Alors un des frères sort de la maison du père et ameute les gens du village. Il raconte qu’un miracle est arrivé. D’abord on ne le croit pas mais il faut bien se rendre à l’évidence. La voix de Fatma propage la vérité d’Allah. C’est la bouche de la fille du marabout qui parle comme la bouche d’un prophète.
On ne peut le nier, il faut croire ses oreilles. Les femmes ne peuvent détenir la vérité, on ne la leur a pas apprise. C’est donc le Dieu miséricordieux qui prononce la Parole, ô Miracle ! On dit que dans la chambre noire de sa folie, la lumière est venue comme une aurore et certains se prosternent devant elle et baisent ses pieds. Elle-même n’en revient pas et prend peur. Dieu lui impose une mission. Comment l’accepter sans mourir d’orgueil et d’angoisse? Alors elle se fait humble et petite pour enseigner comment faire et organiser la résistance contre l’ennemi qui va venir du Nord.
Les mois et les saisons passent. Nous sommes en 1854.
Fatma est à l’aube de ses vingt ans. La tribu de Ourja est prête. Les armes brillent, les balles sont fondues, la poudre bien sèche. Le maquis n’a plus de secret pour personne. Il faut attirer les Français dans les taillis où ils ne pourront utiliser les armes lourdes et où les chevaux seront freinés dans leur course. Le 17 juillet, les guetteurs du village d’Ourja voient monter au loin un nuage de poussière. C’est Randon et la cavalerie française. Ils ne trouveront que des maisons vides. Les combattants, les femmes qui font l’intendance, même les enfants ont disparu dans le maquis où ils se tapissent dans le plus grand des silences. Chaque caroubier, chaque repli du terrain est un piège. Les moudjahidins embusqués se préparent à ouvrir le feu. Inch Allah! Que Dieu les protège!
Les premiers cavaliers s’effondrent, la carotide tranchée par un combattant tombé du ciel. Le général Randon est surpris par la vitesse terrible de l’attaque, d’abord silencieuse. Il veut faire marche arrière. Mais chaque tireur a sa cible. Dans les gorges et les ravins, la fusillade ressemble à un long roulement de tambour répercuté en écho par les roches. Les chevaux s’écroulent, jambes brisées, désarçonnant leur cavalier. Le maquis fume de partout, les balles giclent, les couteaux et les baïonnettes s’enfoncent, les uniformes bleus et rouges se tachent de sang. Le carnage est terrible, Randon sonne le repli sous le youyou effrayant des femmes qui jaillit de partout. Les survivants se regroupent sur le plateau pour contre-attaquer à terrain découvert, avec toute la suprématie d’une armée moderne. Mais c’est sans compter sur Fatma qui a su insuffler à ses troupes un feu sacré que rien ne peut éteindre. Le corps expéditionnaire, ou ce qui en reste, est décimé. Randon remonte vers le Nord, échappant de justesse à la mort, ou pire, à la captivité, laissant derrière lui les cadavres de ses soldats que Fatma ira enterrer comme si c’était ses frères.
Pendant longtemps, on n’entend plus parler des Français d’Alger. Fatma a parcouru et parcourt son pays pour rallier tous les Kabyles à sa cause. Elle retrouve les courses de son enfance, ses regards se balancent comme des fruits lumineux aux faîtes des pins d’Alep, des thuyas et des acacias du désert, les herbes d’alfa ressemblent à la finesse de ses pensées et à la ferveur de ses prières. Même les fennecs se souviennent de son déhanchement de marcheuse infatigable tandis que les serpents des sables reconnaissent le froissement de ses sandales.
À Alger, les Français se comportent comme des conquérants. La tête de Fatma est mise à prix. Le maréchal Randon – ses revers de guerre en Kabylie ne l’ont pas freiné dans sa carrière – est convaincu qu’il suffira de faire disparaître Fatma pour que la Kabylie tombe entièrement entre les mains de la France. Les Kabyles finiront par courber l’échine et mordront la poussière, même dans les douars les plus reculés. C’est une question de temps et de ruse. Paris ne veut plus de pertes humaines et exige des délais. Il faut en finir, une fois pour toutes.
Randon désigne le capitaine Ferchaux pour former un commando de forces spéciales, des jeunes qui n’ont pas froid aux yeux, parfaitement aguerris, connaissant les coutumes des Kabyles et leur langue, capables de se métamorphoser en
moudjahidins ou en ouvriers agricoles et en bergers. Ces hommes vont infiltrer les lignes kabyles afin de retrouver Fatma, le lieu où elle vit et se terre avec ses fidèles. Après, ce sera un jeu d’enfant. Ferchaux se constituera prisonnier auprès de ses hommes qui le mèneront comme s’ils étaient des Kabyles jusqu’à Fatma. Ferchaux répugne à jouer ce jeu qui lui paraît indigne d’un officier français mais Randon ne lui laisse pas le choix. Qui veut la fin, veut les moyens! Il n’y a pas à discuter.
Le capitaine s’est présenté, entouré de ses hommes déguisés en parfaits Kabyles, les mains nouées derrière le dos, à l’entrée du douar. Il se disait porteur d’une proposition de paix. Fatma ne s’est pas méfiée. Elle l’a fait entrer et a proposé aux hommes de le délier.
– Je suis le capitaine Ferchaux. Je suis chargé de signer un accord avec vous. Vous êtes bien Fatma, celle qu’on appelle
chez nous la Jeanne d’Arc du Djurdjura ?
– Je suis bien Fatma, celle qu’on appelle chez nous l’insoumise…
Une partie des faux Kabyles a sorti ses armes. Les hommes de Fatma n’ont pu réagir. Elle s’est retrouvée maîtrisée par quatre bras qui eurent tôt fait de la bâillonner et de lui bander les yeux. Quand les habitants réalisèrent ce qui s’était passé, le commando et sa prisonnière étaient loin...
Le 28 juin 1857, la Kabylie perdait sa liberté pour plus de cent ans.

mercredi 2 mai 2007

François Sureau revivifie (involontairement) "L'arbre des exécuteurs"



Je me suis intéressé à la dernière décapitation belge lorsque j'écrivais mon premier roman "L'arbre des exécuteurs", publié sous le pseudonyme de Régis Maldague, en 1996. Il me fallait une généalogie de bourreaux et des évènements judiciaires réels dans lesquels je pourrais puiser pour construire mon récit. A l'issue de ce travail, j'en savais presqu'autant sur ces personnages que François Foucart sur Anatole Deibler, le bourreau qui officia à Furnes. Dans mon livre, je raconte l'histoire "fantastique" d'un récupérateur de créances qui, après le décès de son père, découvre qu'il est le dernier descendant d'une "lignée d'exécuteurs des hautes oeuvres de Justice" belge. Cette découverte lui est insupportable; il devient fou de honte et de culpabilité. Farce tragi-comique qui, hélas ou comme de juste, se termine, bien entendu, par une exécution.

Avant "L'Obéissance", j'ai pris connaissance de l'ouvrage de Siegfried Debaeke "De laatste Onthoofding" (la dernière décapitation) (1). Abondamment illustré, il permet de revivre la réalité dont s'est servi François Sureau pour raconter son histoire qui, roman oblige, s'écarte souvent de la vérité historique.


Debaeke nous apprend qu'entre 1914 et 1918 la Cour militaire belge prononça pas moins de 219 condamnations à mort dont 12 seulement furent exécutées, soit 11 pour des crimes dits de guerre( passibles du peloton d'exécution ) et 1 pour un crime de droit commun, l'assassinat perpétré par Emiel Ferfaille (26 ans, né à Menin) sur son amie, enceinte de ses oeuvres, Rachel Rijckewaert à qui ce maréchal de logis artilleur avait fait des promesses de mariage mensongères. Cette belle blonde de Furnes connut une mort atroce à coups de marteau, complétés par une strangulation au moyen de la corde que le meurtrier utilisait pour lier des légumes sur sa bicyclette. Après, il l'avait enterrée et recouverte de déchets de culture maraîchère. Quel était le mobile de ce meurtre prémédité? Ni plus ni moins, garder sa liberté pour continuer à s'amuser avec d'autres filles. Il y avait belle lurette que Rachel était remplacée. On le voit, la guerre n'empêchait pas le sexe, que du contraire. Circonstance aggravante, Ferfaille ne se soucia pas le moins du monde d'une petite vie (un embryon de quatre mois), en gestation.

A une époque où la peine de mort existait encore dans les textes ( art.8 Livre I Chap II du code Pénal de 1867. "Tout condamné à mort aura la tête tranchée... "), compte tenu du contexte de la guerre et de tous ses excès, et malgré le fait que depuis 55 ans la peine de mort n'était plus appliquée, -le Roi graciant (2) chaque fois le condamné-, on peut comprendre le cas de conscience du Roi Albert I et du Ministre de la Justice Carton de Wiart, d'autant plus que la grâce aurait doublement protégé le condamné mis à l'abri du risque de mourir au front, en étant incarcéré à vie.

Le Roi, ayant donc décidé, devant l'horreur de ce crime crapuleux, de faire un exemple, il y avait deux raisons pour choisir la décapitation: d'une part, la loi qui la prévoyait pour les crimes de droit commun et, d'autre part, son aspect spectaculaire; le peloton d'exécution ressemblant trop au pur règlement de compte et à ce qui se passait dans les tranchées. Encore fallait-il une guillotine...

Dire qu'à l'époque des faits que nous venons de commenter, il n'y avait plus de guillotine, en Belgique, de même que de bourreaux, est inexact. Selon Debaeke, le dernier exécuteur des hautes oeuvres de justice était un certain Pierre Nieuwland, mort en 1929. Seulement, lui et ses deux adjoints, n'ayant jamais exécuté personne, ils n'avaient pas la main. Après le refus d'Albert I, on pensa, à un certain moment, à faire venir la guillotine de Bruges. Cette idée était impraticable car il fallait traverser le front de l'Yzer pour atteindre Furnes, située dans la partie contrôlée par l'Armée belge et non, comme l'écrit François Sureau, en zone occupée par les Allemands. Sur ce point la fiction bat le beurre. De plus, pour quelle raison les Belges seraient-ils passés du côté de l'ennemi pour exécuter un des leurs ? Le romancier exagère...

Par contre, au sud, la voie entre Paris et Furnes, même au pire des offensives allemandes, est libre et l'est restée jusqu'à la capitulation allemande. Le voyage d'Anatole Deibler, le bourreau prêté par la France, et de ses valets, Henri Desfourneaux et Louis Rogis dit gros Louis, et de la guillotine de campagne, plus petite que celle de Paris, peut débuter avec le train Paris Gare du Nord - Dunkerque.... sans sauf-conduits ni passeports internationaux délivrés par les ententes de Berne qui sont pure invention romanesque.

Il n'en reste pas moins que le voyage n'est pas sans risque car le front anglais est ébranlé sous les coups de buttoir des Allemands. Et du côté d'Amiens, les Bois de justice ont bien failli flamber. "Le monsieur de Paris" s'énerve et commence à avoir peur de mourir, cela ne lui est jamais arrivé. A Dunkerque, on change de train pour Furnes où un camion de l'Armée belge les attend, sur lequel on transborde "la Veuve", sous escorte militaire. Furnes est bombardée par l'artillerie allemande. Quelques maisons de la grand-place sont détruites. On se résignera à officier dans la cour de la prison qui regorge de prisonniers. En attendant la "grand-messe", Deibler et ses acolytes logent à l'"Hôtel des Arcades" à la Panne où il fait plus calme. Avec un jour de retard, Emiel Ferfaille, après une nuit d'un sommeil de plomb- on aurait dit le sommeil du juste- est conduit à l'échafaud, à l'aube, pâle et ne comprenant pas ce qui lui arrive. "La Veuve" rouge lui tend les bras. Comme dit le peuple: "Il va éternuer dans le sac. Il l'a bien mérité." La grand-place qui aurait été pleine, si les Allemands étaient restés tranquilles, est vide.

Trente personnes seulement assistent à l'exécution, le nez sur l'échafaud, dont une fillette de 13 ans. Le corps est amené au cimetière d'Adinkerke afin que son âme, du moins pour autant que les meurtriers en aient une, ne puisse plus déranger celle de Rachel qui repose en paix dans celui de Furnes, sous les bombes. Quant à Deibler, "l'artiste", il a juré qu'on ne l'y prendrait plus. Il a vu la mort de trop près, et, pour une fois, c'était la sienne. A son retour à Paris, il ne quittera plus la ville et, dans ses mémoires, il commet un lapsus dont François Sureau s'empare. Il écrit qu'il est allé à Furnes pour exécuter un meurtrier de deux femmes et que le mobile était le vol. Le monsieur de Paris avait perdu la tête.

(1) 1996, éditions de Klaproos

(2) Après la guerre et les exécutions de la répression, le roi recommença systématiquement à gracier les condamnés, sur proposition du ministère public. Après la Deuxième Guerre mondiale, il y eut encore 2940 condamnations à mort dont 242 exécutions pour crimes de guerre. Cependant, il faudra attendre 1996 pour que le Parlement abroge la peine de mort et la remplace, dans les textes, par la détention perpétuelle.





Ce texte est paru dans La libre Belgique du 19 mars 2007 sous le titre "La dernière décapitation belge" : www.lalibre.be.
Légendes des images de ce billet : le Roi Albert Ier sur la plage de La Panne, plus bas, un portrait d'Anatole Deibler, Monsieur de Paris

mardi 1 mai 2007

A propos de "Boris et Boris", petite revue de presse



• En quatrième de couverture :

"Au cours de la guerre 40-45, deux élèves portant chacun le prénom de Boris se retrouvent sur le même banc d’une classe, dans un collège qui pratique un enseignement catholique rigoureux. Ce n’est pourtant pas leur homonymie qui rapproche les deux amis, mais sans doute leurs différences. Le premier est sportif, épicurien et pragmatique. Le second, plutôt efféminé et de nature fragile, rêve d’un amour purifié de toute incidence charnelle. Il idéalise à outrance Hélène, une jeune fille à qui il ne cesse d’écrire des lettres plus mystiques que galantes.

Au fil des ans, entre le sportif et le poète, les liens vont se resserrer, dans une atmosphère trouble où la hantise du péché et la culpabilisation vis-à-vis du sexe prennent des dimensions obsessionnelles.

Jean Botquin aborde avec un réalisme sensible le roman d’une adolescence perturbée par la guerre, la mort, l’intolérance et l’éveil d’amours interdites, des thèmes essentiels qui opposent les croyances religieuses aux progrès de la pensée et continuent à peser sur l’actualité."

• Jacques Franck dans La Libre Belgique :

"(...) Jean Botquin, lui, évoque son adolescence dans les années 40 sous une forme romanesque. Deux garçons, tous deux prénommés Boris, sont aussi différents que possible: l'un, parfois brutal, sportif, chef scout, épicurien, pragmatique, l'autre, frêle et doux mais volontaire et tenace, doué pour la poésie et l'introspection, et rêvant d'un amour purifié de toute incidence charnelle. Ils fréquentent le même collège, sont fascinés l'un par l'autre et bientôt liés par une amitié vraie, non dépourvue de résonnances sensuelles sans glisser pour autant aux «amitiés particulières», comme disait Roger Peyrefitte. Très tôt, deux cousines distillent leur séduction dans leurs coeurs et leurs désirs.

Ecrit avec autant de finesse que de réalisme, l'éveil intellectuel et affectif de ces deux adolescents dans la Belgique de la guerre et de l'après- guerre, permet à Jean Botquin de brosser le paysage de ses propres années de formation: le poids de la guerre, une petite ville de province, un milieu familial catholique, les livres qu'on lisait, la sévère éducation religieuse et morale d'un collège où les prêtres étaient comme obsédés par le péché de la chair mais sous leur soutane «se cachaient aussi, fort heureusement, des hommes cultivés (qui) nous ont appris à écrire, à construire, à structurer, à réfléchir, à argumenter, à démontrer». Juste hommage qu'accompagne le constat ironique que ce moralisme étroit n'empêchait ni les expériences érotiques, ni pour certains le progressif abandon de la foi.

Depuis dix ans, libéré de ses obligations professionnelles, Jean Botquin publie des romans, des recueils de poésie, outre un «Teneré», Grand Prix de la nouvelle de la Communauté française, dans le cadre de la «Fureur de lire» 2004. Le temps n'aura fait qu'aiguiser des talents révélés dès «Lettres de poche».

• Marie Clotilde Roose, sur le site du Cercle de la Rotonde :

"Après Ténéré, présenté au Cercle en 2005, l’auteur a signé un livre dans cette même collection « Merlerouge », consacré à l’adolescence de deux élèves au collège épiscopal Saint-Martin, Boris et Boris. La guerre 40-45 est aussi au centre du récit, atteignant de plein fouet la vie familiale et affective des garçons, même si les conflits intérieurs semblent plus violents encore à propos de l’endoctrinement « concentrationnaire », le contrôle abusif du milieu ecclésiastique sur les jeunes esprits. Boris Lenoir, plus doué et plus sensible que les autres, souffrira intensément du « bourrage de crâne entretenu » par les éducateurs, leur « casuistique empoisonnée » à propos de la « chair » marquée par le sceau du péché. Son ami homonyme, narrateur devenu adulte, retrace l’évolution de leur relation intense, marquée d’attirances et de disputes, jusqu’au couperet saisissant de la chute. On pense parfois à l’univers d’André Gide ou à celui d’Herman Hesse, dans Narcisse et Goldmund. A la fois témoignage et récit haletant d’amours et haines adolescentes, ce livre ouvre les yeux du lecteur sur une époque particulière, dont les exigences et limites ne sont plus d’actualité : à la fois on respire (hors du carcan étouffant des impératifs religieux) et on regrette certains aspects du passé : une formation humaniste nettement plus poussée, qui faisait apprécier Homère et Cicéron dans le texte… En cette narration, les considérations de l’adulte prennent parfois le dessus sur le ton, la pensée de l’adolescent, mais jamais ne parasitent la beauté de l’écriture, souple, vive, coulant de source. C’est un portrait d’histoire dans tous les sens du terme, propre à susciter de véritables débats pour aujourd’hui, littéraires, éthiques et pédagogiques."

Boris et Boris est publié chez Memory Press : cliquez ici pour commander