mercredi 31 décembre 2008

Agenda: le samedi 10 janvier 2009 à 16 heures, Grenier Jane Tony




Piet Lincken présentera "Le Front Haut" et la "Gondole de l'Orient Express" le samedi 10 janvier 2009 à 16 heures, au Grenier Jane Tony, qui a trouvé refuge à La Fleur en Papier Doré, rue des Alexiens 55, 1000 Bruxelles.Donc plus au restaurant Syrtaki, rue Saint Boniface à Ixelles.

Cette présentation sera suivie par un exposé d'Emile Kesteman sur le thême "La poésie est ouverture" et par des lectures de Marie Braam, récitante.


"Le Front Haut" a dix ans.
"Il est composé de quarante-sept morceaux de prose qui favorisent l'expression narrative et prennent la forme de contes, de fables, d'émotions restituées à partir d'images nettes. La poésie s'y inscrit par le rythme, la musicalité et un art de dire qui nous arrache à l'instant pour nous faire goûter la chair du monde." ( Quatrième de couverture.)


Ce recueil de textes n'a jamais été présenté en Belgique. Il a obtenu une distinction aux Joutes Littéraires de Bourgogne à Dijon, l'année de sa publication.

Quant à mon recueil de nouvelles "La Gondole de l'Orient Express", mon blog et la presse en ont beaucoup parlé.

La Fleur en Papier Doré est un haut lieu bruxellois fréquenté, à l'époque, par les surréalistes, le groupe Cobra, etc...C'est aussi le siège historique de l'association du Grenier Jane Tony. Il se trouve au bas du Sablon, non loin du Mont des Arts, à deux pas de la Clinique César de Paepe.
Venez nombreux à cette première séance.

dimanche 28 décembre 2008

Le livre de l'intranquillité de Fernando Pessoa

Avec une intention particulière pour Cristina


QUATRE PENSEES A PROPOS DU REVE cueillies dans le Livre de l'intranquillité.

Certains ont dans leur vie un grand rêve, et ils le trahissent.
D'autres n'ont pas dans leur vie le moindre rêve - et ils le trahissent tout autant


Si loin que je m'enfonce en moi-même, tous les sentiers du rêve me ramènent aux clairières de l'angoisse.


Un souffle de musique ou de rêve, n'importe quoi pour nous empêcher de penser.


Lire, c'est rêver en se laissant conduire par la main.

mercredi 24 décembre 2008

La porte s'ouvre sur le Nouvel An


Il y a une porte
à la fin de l'année
qu'on pousse du regard
comme on clôt le livre
sur ses derniers mots

Il y a une fenêtre
que l'on ouvre
malgré le froid
la pluie et le vent
malgré les souvenirs
encore récents

Il y a peut-être
quelques prières
qui se pressent
sous la lucarne et la cheminée
et qui s'inspirent
du chant de l'âtre
et de l'être
et de l'avoir été

Bientôt on fermera
chaque volet
sur chaque chuchotement
Que deviendra le frôlement
de soie des douze doigts
de l'année révolue ?

Vienne l'année nouvelle
au rythme de ses saisons
ces quartiers de temps
qui servent de repères
à la nuit de l'aube
sur l'escarpement du jour

Vienne le renouveau
dans notre clair de nuit
hésitant toujours
entre chien et loup
entre noces et matines

Dansent alors
les rondes d'espoirs
sur l'an qui se consume
avec le rêve d'irréel
dont s'habille le réel
pour ne plus décevoir.


J.B.





"La porta si apre sull'Anno Nuovo"

C’è una porta
Alla fine dell’anno
Che si spinge con lo sguardo
Come si chiude il libro
Sulle sue ultime parole

C’è una finestra
Che si apre
Malgrado il freddo
La pioggia ed il vento
Malgrado i ricordi
Ancora recenti

C’è forse
Qualche preghiera
Che si affolla
Sotto la lucerna ed il camino
E che ispira
Il canto del focolare
E dell’essere
E dell’essere stato

Presto si chiuderà
qualunque battente
Su ogni bisbiglio.
Cosa diverrà il contatto
Della seta sulle dodici dita
Dell’anno compiuto?

Viene l’anno nuovo
Al ritmo delle stagioni
Questi bugigattoli del tempo
Che servono da orientamento
Dalla notte all’alba
Sulla scarpata del giorno

Viene il rinnovamento
Nel chiarore della nostra notte
Esitante sempre
Tra cane e lupo
Tra nozze e mattini

Danzano allora
I vortici delle speranze
Sull’anno che si consuma
Con il sogno dell’irreale
Di cui veste la realtà
Per non deludere più.

traduction en italien de Pietro d. Perrone

Dérangements ordinaires de Jacqueline Dumas


Jacqueline est française. Elle partage sa vie entre Nyons et Bruxelles. Elle s'est enfin décidée à publier. Huit nouvelles étranges, inquiétantes, d'une écriture sobre, souple, classique. Un vrai style et de vrais nouvelles qui vous tiennent en haleine, avec des chutes qui vous font tomber de votre chaise. Non, je ne vous les raconterai pas pour vous laisser le plaisir de les découvrir, toutes différentes, mais empreintes de mystère, toujours de pure fiction même quand elles empruntent leur sujet à l'Histoire. J'ai adoré ! On se demande pourquoi elle a attendu si longtemps de nous offrir ce délicieux plaisir de lecture, car voilà une vrai écrivaine à l'art consommé, au talent de romancière (certaines de ses nouvelles sont de véritables petits romans).

15 € , une bagatelle pour la qualité de l'ouvrage publié chez Azimuts, une jeune maison d'édition située Cité Nicolas Deprez, 61, à 4040 Herstal, adresse courriel: editionsazimuts@yahoo.fr. Je pense que c'est là qu'il faut commander le livre, tout de suite si vous voulez passer la fin de l'année en compagnie de personnages vivants qui se permettent...,je ne vous dis pas, des choses drôles, amusantes, osées, horribles (mais bon, est-ce qu'elles le sont vraiment ?).

Jacqueline Dumas collectionne les prix littéraires en France et en Belgique. A titre d'exemple , je ne citerai que le prix du concours organisé par la bibliothèque de la ville de Namur en 2008 "Lettres capitales" et que tout le monde peut lire sur le web sous le titre " Deux rois pour une reine (Jaja Primata)" . La nouvelliste met en scène Blanche de Namur qui, comme tous les Namurois savent, a épousé un prince nordique. C'était au quatorzième siècle. Un vocabulaire, ni trop ni trop peu, qui vous plonge en plein Moyen-âge comme si vous y étiez. En lisant cette belle nouvelle je me suis dis:"Mais où va-t-elle chercher tout ça ?" Et, moi, qui suis aussi nouvelliste, j'ai été jaloux.

mercredi 10 décembre 2008

Le voyage de la Veuve


Le film de Philippe Laïk et Jean Samouillan « Le voyage de la Veuve » a donc été projeté mardi 9 décembre, à 20 h50, sur France 2.

Il relate très (trop) librement le transport de la guillotine de campagne du bourreau parisien Deibler, de Paris à Furnes, en Belgique, en mars 1918, en vue d' y exécuter un Maréchal des Logis artilleur flamand, Emile Ferfaille, condamné à mort à la suite de l'assassinat perpétré sur sa fiancée, de manière particulièrement odieuse, et que le Roi Albert n’avait pas, à juste titre, voulu gracier (la grâce étant depuis plus d'un demi siècle accordée automatiquement par le Roi des Belges qui commuait la peine de mort en détention perpétuelle).

Il s’agit du même sujet que François Sureau avait traité dans son livre « L’Obéissance », paru chez Gallimard. On se souviendra que cet auteur, salué par une presse mal informée sur le contexte historique des évènements auxquels Sureau s'était référé erronément ( voir les billets de mai 2007 du blog "Jean Botquin. Ecrits" et mes articles dans La Libre Belgique et le Vif Express), et qui notamment avait fait preuve d'une piètre connaissance de la géographie de la Belgique, avait pour cet ouvrage reçu un premier prix du roman historique. Sans doute n'y avait-il pas au sein du jury de ce prix un critique historique suffisamment informé, lui aussi.
Le livre de Sureau précédant le film de Philippe Laïk, on peut supposer qu'il l'ait lu ou qu'il s'en soit (vaguement) inspiré. Je pourrais supposer aussi qu'il ait découvert d'autres sources (Siegfried Debaeke) ou les miennes. Philippe Dutilleul de la R.T.B.F (buy buy Belgium) qui travaillait à un projet de film sur Deibler et Emile Ferfaille et avec qui j'avais été à Furnes pour visiter les lieux du crime a donc malheureusement été doublé. Dommage, le sujet aurait, je pense, connu un développement plus sérieux et moins grandiloquent.

Le film de Laïk a été tourné dans la Mairie de Tourcoing , le Fort de Seclin, la campagne de Bouvignies et sur un canal du Nord de la France (sensé, je pense, représenter le Canal de Nieuport ou un affluent de l’Yser ).

Comme dans le livre de François Sureau, Deibler et ses deux adjoints sont accompagnés d’une escorte (un sous-lieutenant, un caporal, des soldats et même une infirmière- Nannon qui vient rejoindre le groupe en cours de voyage-), mais au discours plus terre à terre. Un bombardement, en amont de la voie de chemin de fer, interrompt le déplacement vers Dunkerque où Deibler devait se rendre pour atteindre Furnes par la région côtière encore libre de circulation.
Ce qui devait arriver arrive, la guillotine bifurque vers le front et Deibler se fâche. Cependant Laïk lui fait penser et dire qu'il n’a pas le choix, devoir et conscience professionnelle obligent. Les obus tombent (de gros pétards qui, à un moment donné, forcent les personnages de l'escorte à revêtir des masques contre les gaz moutardes. La scène prend des allures de mascarade). Le caporal de l'escorte est tué, plus loin c’est un soldat, jeune et sympathique, qui passe l’arme à gauche. Tant de morts pour exécuter un criminel qu’on aurait pu fusiller tout simplement ! L’officier explique sèchement que Ferfaille n’est pas un criminel de guerre mais un assassin de droit commun qui ne mérite que la guillotine.
Une explosion met à mal les caisses de Deibler. Le voyage se termine ? Non ! Deibler fera monter la guillotine au bord d'une tranchée pour voir si elle tranche encore correctement, car il ne veut pas décevoir le Roi des Belges et le forcer, contre son gré, à gracier quand-même le meurtrier, la coutume voulant que le condamné ne soit pas exécuté si le couperet ne descend pas jusqu’en bas des bois de justice pour terminer son travail. Et l'on voit ainsi se dresser les bras de l' échafaud dans le ciel tourmenté !

A 5 km de Furnes, on passe la frontière belge (sic) – une fois de plus la géographie des Français bat le beurre, peu importe, le cochon-spectateur n'y verra que du feu.

Tout se met en travers de la route de Deibler, la nature (la pluie, et la boue – on se croirait dans la Bérésina de la campagne de Russie –) et la guerre.
Comme dans « Indigènes » des Sénégalais dont le plus bavard donne du « Monsieur de Paris » à tout moment, font leur apparition, presque un rayon de soleil noir sur fond d’anti-racisme ou de racisme ( selon le côté où l'on se place).
C’est ensuite au tour des Anglais à se manifester, accompagnés de prisonniers allemands, belle occasion pour l’officier français de donner une leçon de politesse et de morale internationale aux soldats prêts à découdre du boche innocent.
Et, j'abrège, à la dernière minute, la guillotine installée fièrement dans le Fort de Seclin risque sa peau avant de s’occuper de celle de Ferfaille, grâce à un obus ou une bombe qui la rate de peu .
On constate que le réalisateur a réuni tous les ingrédients pour que la mayonnaise prenne et que le film tienne l'écran pendant la durée qui lui est imposée. Tragicomédie, farce, j'étais disposé à m'amuser. Le début du film ne me déplaisait pas. J’adore les trains à vapeur anciens et leur voyageurs aux gueules patibulaires. Jusque là, l’histoire était assez conforme à la réalité que je connais bien. Hélas, je connais aussi la Flandre Occidentale et la région de l’Yser, celle de Tourcoing et de Lille d’où ma famille du côté maternel est issue et où j’ai passé de nombreuses vacances. J’ai eu du mal à lâcher bride à mon imaginaire. Epopée, voyage d’Ulysse terrestre, cheval de Troie cachant mal une guillotine rendue ridicule, discours rabâché sur les horreurs de la guerre et sur l’absurdité des hommes et des administrations qui nous gouvernent, je ne pouvais rien prendre au sérieux. Puis, trop c'est trop. Comment y croire quand la vérité connue est presque totalement étrangère à l’anecdote créée et amplifiée pour les besoins du spectacle. Car, lorsque Philippe Laïk déclare à un journaliste du Soir: "J'ai été sidéré. Tout ce périple dans un pays rongé par quatre ans de guerre, dans l'unique but de tuer une personne supplémentaire..." il oublie que le périple tel qu'il le raconte, c'est lui qui l'a inventé, en en remettant quelques couches, pour corser l'affaire et tenter de la rendre efficace aux yeux des spectateurs du film du mardi soir. Car, à l'époque, le voyage de la Veuve s'était relativement bien déroulé par deux trains consécutifs et un camion de l'armée belge. Des déplacements de guillotine n'étaient pas rares. Ils n'avaient pas de quoi étonner les contemporains d'alors comme aujourd'hui.

Du coup, le récit et les personnages me sont apparus comme artificiels, ridicules et misérables. Pourquoi n’avoir pas étudié Deibler et son horrible fonction de façon plus approfondie plutôt que de faire croire à ce qui n'a pas été et, je le concède, à ce qui aurait pu être dans le pire des cas, si Deibler avait vraiment été courageux ? Or, les véritables évènements et les mémoires de Deibler ont démontré qu'il était couard et qu'il avait peur de mourir et donc qu'il aurait vraisemblablement rebroussé chemin comme il a eu envie de le faire, à un certain moment du film de Laïk .
Par ailleurs, l’entourage notamment familial de Deibler ne valait-il pas que l’on s’y attarde ? Le personnage du meurtrier et son procès méritaient, eux aussi, plus d’intérêt.
Bien sûr, ce n'est pas ça que les réalisateurs ont voulu faire. Ils voulaient faire un film de guerre pour le nonantième anniversaire de la fin de la grande Guerre.
Que feront-ils quand il n'y aura plus de guerre à raconter? Et bien, ils en inventeront; ils ne manquent pas d'imagination.
Mais quel est donc " cet ami belge qui a raconté à Philippe Laïk l'histoire de l'exécution de Ferfaille , comme on a eu l'occasion de lire dans le journal "Le Soir", et qui l'a tant sidéré?
N.B. Consultez également le blog de Daniel Fattore et La traversée de la passion. Le premier a fait un commentaire sur le livre de François Sureau et le deuxième sur le film de Philippe Laïk. Voir la rubrique Liens de mon blog.

mardi 9 décembre 2008

Pour Jean Botquin debout sur la mer

Le texte suivant m'a été dédicacé par Yvonne Sterk, poète et ancienne journaliste free-lance au Moyen-orient.
Son dernier ouvrage "Le rempart de Sable " a été publié à l'Arbre à Paroles en 2002. Ce poème m'avait touché. J'espère que vous partagerez mon émotion.

Racontez-moi les Appalaches
où le vent chante à son berceau,
et parlez-moi de Trébizonde
dans le premier rire du jour.

Vous n'oublierez pas Andrinople
pour que j'y trace mon jardin.
J'habiterai l'heure qui passe
en ce pays de nulle part
dont on ne peut remonter l'ancre
dans la plus immense des mers.

Les Appalaches, Trébizonde,
le chemin qui mène là-bas
je m'en souviens depuis l'enfance
lorsque j'y allais quelques fois
par Andrinople et ses jacinthes.

lundi 1 décembre 2008

A mon ami d'enfance Léonard qui vient de nous quitter, le premier décembre 2008





Etre ton messager auprès de ceux qui t’aiment
C’est la mission que tu m’as confiée
Et que j’ai acceptée

Tu voyais s’approcher le temps du départ
Tu voulais éteindre le cierge qui pleurait sous la flamme
Tu as décidé de prendre à l’espace
La musique du silence et de l’offrir autour de toi

Tu étais au bout du chemin
En haut de la falaise
Face à la mer et son mystère
Face aux étoiles incertaines

Tu as dit à la souffrance qu’il fallait qu’elle se taise
Tu voulais enfin faire voler ton âme sur les crêtes
A la rencontre de la ligne d’horizon
Dans le crépuscule d’une fin et l’aube d’une renaissance

S’ouvre aujourd’hui l’estuaire des souvenirs
Dans le mouvement des vagues de la mémoire
Que ton corps s’auréole
Au lieu de tromper ton esprit

Que la paix survienne
Dans notre tristesse
Où tu t’allonges auprès de nous.

mercredi 26 novembre 2008

Où vont-ils ?

Train du soir - Paul Delvaux (1957)


Sans raison, le train s'est arrêté dans la gare, très longtemps.
D'abord les gens se sont regardés.
Ensuite, par les fenêtres, ils ont vus les quais de la gare, vides et éclairés, car c'est déjà le soir.
Seule, une petite fille attend sur l'autre quai sans bouger.
Les portières sont restées fermées pendant toute la durée de l'arrêt, interminablement.
Une femme s'est mise à hurler tout juste avant que le train ne s'ébranle.

Le train est donc reparti. Les voyageurs inquiets ne se sont plus posé de question. D'ailleurs, on peut affirmer que ceux qui dormaient ne se sont pas réveillés, même quand la femme a crié.

On monte dans le train comme on monte dans la vie. On prend sa place et tout se passe bien. Il fait encore jour. Les paysages défilent derrière les vitres. Quelques rares voyageurs plus attentifs que les autres reconnaissent les collines, et les arbres, et les maisons. Ou ils s'en souviennent vaguement comme s'ils les avaient vus dans un voyage ou une vie antérieure.

D'autres, plus nombreux, ne reconnaissent rien bien qu'ils aient l'habitude de faire le trajet, parce qu'ils ne regardent jamais rien. D'autres encore font semblant de reconnaître ce qu'ils voient pour se rassurer et ne pas avoir l'air stupides. La plupart cependant dorment et ne s'intéressent à rien. Ils vivent comme s'ils n'étaient pas là.

Plus d'un mangent, pris de boulimie voyageuse. A peine installés dans la vie, ils se mettent à grossir. Ils deviennent obèses. Ils se remplissent de nourriture et de vide. Ils croient tout savoir sur le voyage, les arrêts et les gares de campagne où personne ne descend plus même quand les gardes ouvrent les portières et sifflent pour rien.

Pourquoi sont-ils montés dans la vie comme on monte dans un train qui ne va nulle part ?

Enfin, longtemps plus tard, quand le train freine avant la dernière gare, ils meurent, oubliant qu'ils sont nés de rien et qu'ils se sont trompés de vie et de train.

J.B. 26 novembre 2008

N.B. Ce texte existe aussi en Italien sur le site Reppublicaindipendente (voir"liens")

dimanche 23 novembre 2008

Ode à l'Hiver











Couvre, Hiver, de tes regards de neige
le haut plateau strié de failles noires
Rompt le vallonnement
qui s'étale
à en perdre l'haleine du froid
argenté

Noie de tes brumes les encolures sylvestres
au-delà des fourrures épaisses dont se vêtent
les saisons oubliées
Allume tes chandelles frileuses autour
de nos regrets figés dans l'attente des fées
et des rêves tracés à l'encre de chine
sur les blancheurs d'outre-tombe

Glane, Hiver, les étoiles d'un firmament
trop lointain pour les semer sur la terre
en pluie de promesses inespérées
offertes au désespoir des vents
Brûle sous tes pas, Hiver, l'herbe et les feuilles mortes
Aspire les racines des pierres hors de leur morgue tenace
Que germe ton marbre parmi les cloches de glace
Que s'envolent les mauvaises années
sur les ailes des anges
et les sourires d'enfants.
J.B.
J'aime beaucoup "Le livre de la neige" de François Jacqmin (Editions de la Diofférence) chez qui je me retrouve un peu. Ainsi, le passage suivant:
J'ai du rassembler ma propre immensité pour tenir
tête à la neige
Sa paleur
ressemblait au système du néant vu à travers
le sommeil
Jusqu'ici
j'avais vécu dans une encoignure; je me sentais peu fondé à dire "il n'y a rien".
La voyant si blanche, je voulais
être digne de son enchantement sans emploi.

jeudi 20 novembre 2008

Thème pour une gare - A Paul Delvaux



Sur le quai désert un homme attend
immobile
Le train
on ne sait lequel
débouche du lointain
lentement comme s'il avait le temps

Aux fenêtres du convoi
mille visages interrogent le silence des quais

L'homme regarde le train qui passe et n'en finit
pas de passer
Oui mille visages de cire et de verre
un seul sourire peut-être capté dans un miroir
un seul probablement

Le train passe et c'est la dernière voiture d'acier
vert
que l'homme peut encore entendre glisser sans
bruit
sur le rail dont on ne sait quel lointain voyage

Et l'homme se noie dans la fin du cortège
des visages de glace qui se pressent comme des
mannequins nus
dans les vitrines d'un grand magasin de la place

Et l'homme pense mais pourquoi ne s'arrête-t-il
pas
tandis qu'il roule un peu plus vite vers la frontière
de la ville

Maintenant il se dresse, l'homme avec à ses pieds
la rose triste
qu'un main inconnue a sans doute jetée sur le
quai
au passage du train qui ne s'arrêtait pas

Il la regarde sans la voir
lui tourne le dos en haussant les épaules
et s'en va car elle ne reviendra plus

Le dernier train a disparu de la gare
inutile désormais


Ce texte publié en mai 2002 dans "Elégie pour un kaléidoscope" a été adressé à Paul Delvaux qui, en remerciement, m'a envoyé une carte postale signée de "la gare forestière".

Novembre



Un instant j'ai vu l'arbre transparent

en filigrane sur le ciel

une feuille translucide d'où s'évaporent les nervures

tel un tissu de radicelles

tel un fouet de pluie

tel un miroir de soleil d'eau picoré de rêves d'oiseaux

aujourd'hui envolés

à l'extrême des brumes d'un été déjà lointain

avec au centre des veinures

un coeur battant encore du souvenir

que recueillent les tombes

Dans tes yeux aussi je l'ai vu

l'arbre

dans tes yeux ouverts sur le vieillissement

de nos gestes et sur la solitude embaumée

des chrysanthèmes qui se fanent

Alors que les jours expriment la rouille

les fauves et les ocres lumineux

et que les vents accourent du fond des terres


J.B. 20 novembre 2008









mercredi 12 novembre 2008

L'écriture

Oeuvre chypriote à la FIAC 2008 de PARIS



Alors, Jean, tu écris toujours ?

Depuis 13 ans que je publie (difficilement), cette question m'est posée régulièrement, surtout de la part d'anciens collègues de travail (qui considèrent sans doute qu'il s'agit d'un passe-temps, ou d'un hobby, comme on dit aussi). Parfois, j'ai envie de répondre par une question: Je ne peux pas ? , ça te gène ?, tu crois que ça va me passer? Ce n'est pas si grave... Il y a dans cette question une espèce de jugement négatif qui m'est désagréable. Je sais bien que nul n'est prophète dans son pays.

Aussi, un jour, j'ai eu envie d'écrire ce que l'écriture représente pour moi.



L'écriture.




Les mots

je les ai mâchés comme de l'herbe à silence

à en vomir

j'arguais du globe de verre

qui m'isole du monde

je volais de place en place

tel un planeur dans la sphère

de ma nuit où je dormais

croyant m'immoler

La spéléo de l'écriture

la cagoule du meurtrier

qui n'a plus rien à avouer

la profondeur des eaux stagnantes

les aiguilles de ma chair de glace

tournées vers l'extérieur

comme celles d'un porc-épic

les stalactites de ma pauvre âme

plantées à contre-sens

Parfois je songe aux milliers de mots

que j'économise comme un avare

où sont-ils donc ? Me restera-t-il un regard de mime

un cri de sourd-muet

le langage du sémaphore

les gestes des clowns

à la bouche cousue ?

Les images se précipitent

comme un troupeau de bisons

dans un désert

Bousculade infernale à en frémir

après ce n'est plus que poussière

le grondement sourd de la fin du monde

la mort ou la folie d'Alzheimer

Langage de fou

ou de vieillard avant d'être vieux

absence de sens

tissage de contresens

hoquets sublimes de l'estomac

éructations

bruitage

tout se passe à l'intérieur du corps

qui ne fait que des bruits

de machine laborieuse

Ah! la belle alchimie mensongère de l'esprit

qui n'est que glouglou

borborygmes prétentieux

pétaudière

contradiction et foutaise

confusion

coma éthyliqie

Oui

plus de sons sur mes cordes vocales

cordes à linge délestées

cordes à sauter sans danseuses

cordes à vibrer sans musiciens

rien que des braises qui se consument

dans l'antre de ma cuisinière

et qui partent en fumée

On a beau articuler

les sons restent coincés

comme dans les rêves

l'oued est à sec

les lauriers desséchés

les pistes vont

nulle part

D'abord décoder

décrypter

démystifier

écouter les arbres

le vent

et les cigales

faire parler les hiéroglyphes des fleurs

respirer profondément

écouter la solitude et le peuplement de la mer

alors que tout chante

Entrer enfin dans le sang de l'écriture

alors seulement

sans se méprendre sur l'inévitable alternance

de la création où surgit la mort

à chaque instant

Car la naissance passe par la marée

le flux et la mouvance des flots

le sang et le sperme

la cendre

l'affolement

la multiplication et le cancer

l'anarchie et la mort

l'angoisse du néant

mais aussi la lactescence des mots

Tout se projette dans l'univers

même si c'est pour y mourir

la violence

la lave et l'ouragan

les fenêtres les portes s'arrachent au visage

les femmes s'ouvrent se déchirent

sous le scalpel de l'écriture

Tout dire ne jamais se taire

enfanter le sable des plages

les récifs de la mer

les arbres de soleil

l'inaccessible étoile

l'impossible archipel des mers australes

les enfers de nos têtes

nos peurs les plus secrètes

les mots de feu qui nous pénètrent

comme des pensées de chair

et des sexes en rut

Etre un fleuve

un océan

un gouffre

un aven sur le ciel

être la fange et la lie

dans laquelle germe

la vie.

lundi 10 novembre 2008

Alma de Saint Cloud











ALMA

La petite Alma de Saint Cloud
Est arrivée le 20 octobre, du ciel m’avait-t-on dit,
Du ciel ou de la terre, ça reste un beau mystère.
Et nous simplement de Belgique, petit pays voisin
Comme des mages frileux poursuivant la belle étoile
Sur les bords de la Seine.
C’est Tess le chat qui nous a ouvert la porte,
Il portait la clef à son collier,
Il miaulait d’une voix feutrée pour ne pas réveiller
La petite reine qui rêvait d’un pays lointain
Où tout le monde porte des noms à coucher dehors
Ou à dormir debout
Oseredzuk ou quelque chose comme ça,
Allez savoir.

Traduis-nous, Tess, dis-nous pourquoi
Ils s’appellent comme ça les gens de par là ?
De mémoire de chat, aussi longue que j’ai les moustaches,
Je n’en sais rien mais ils ont des prénoms que je comprend bien
Cécile qui chante et Arnaud qui peint, les deux grands
Rachel et Samuel les deux petits sages comme des images
Enfin, c’est ce qu’on dit car moi je n’en crois rien
Des enfants sages c’est triste et ennuyeux
Si vous voyez ce que je veux miauler.

Et il nous a tourné le dos
La queue droite comme un cierge de Pâques.
Antoinette et François derrière leur porte
Ecoutaient Tess sans respirer, tout guillerets.
La petite Alma, ils l’avaient vue déjà
Dans son berceau.

Ah ! quelle joie, la jolie princesse
Dont on dirait plus tard
Vous savez bien, la belle Alma
Celle qui est venue sans crier gare
Un jour d’automne et de soleil
Dans le cœur de ses parents
De la petite Rachel blonde comme les blés
Et de Samuel aux sombres mirettes de petit sorcier.

Alors, nous, on est
reparti comme les rois mages
Vers notre petit pays
Souhaitant tout le bonheur du monde à
La petite Alma de Saint Cloud.
J.B

mardi 4 novembre 2008

Où l'on reparle de la guillotine


Il y a quelques semaines, j'assistais aux funérailles d'une vieille cousine française (bien plus vieille que moi) et j'y rencontrai, entre autres membres de ma famille, Philippe Bonnefis, professeur de littérature française retraité de l'Université de Lille et professeur de littérature aux E.U d'Amérique. J'avais lu un de ses livres il y a quelques années. Son érudition et son écriture m'avaient déjà impressionné. C'était un livre sur la couleur bleue chez Giono "Le petit pan de mur bleu".
Au repas nous avons convenu de nous adresser nos livres par la poste, à titre d'échange. Ce qui fut fait dans la quinzaine suivante. J'ai terminé la lecture d'un de ses livres Sur quelques propriétés des triangles rectangles édité chez Galilée, 9 rue Linné à Paris, en faisant la file au Grand Palais à l'exposition Picasso ( deux heures, heureusement au soleil). Cet essai me passionnait, cela va sans dire. Même une clarinette nasillarde d'un musicien de rue ne parvenait pas à me distraire de ma lecture.
J'avais retrouvé le mot triangle comme dans Triangles de la Nuit des temps, une de mes premières publications poétiques (Memory Press) mais aussi un sujet qui ne pouvait que rappeler mon premier roman :"L'arbre des exécuteurs" dont-il a d'ailleurs abondamment été question sur ce blog, il y a un certain temps. Je ne résiste pas à la tentation de reproduire ici la dédicace de Philippe. A Jean Botquin qui, si je m'en souviens bien, s'entend parfaitement à ces choses sombres.
Le petit livre de Philippe Bonnefis est un essai entièrement dédié au triangle rectangle dans la littérature du 19ième siècle en France, en particulier le triangle de sinistre mémoire qui modernisa la guillotine antérieurement dotée d'une hache convexe. Cette fameuse machine s'il faut en croire l'essai de Bonnefis fit révolution dans les lettres de ce pays. Plus récemment, au vingtième et même vingt et unième siècle elle fait encore parler d'elle. Notamment dans un roman de Sureau dont la version cinématographique serait, paraît-il, en préparation...à la grande gloire du bourreau parisien Deibler.
Donc (quatrième de couverture) le couperet avait la forme d'un croissant. Une tradition (...) veut que ce soit Louis XVI en personne (...) qui ait suggéré que le fer de la guillotine soit taillé en biseau, que ce soit Louis XVI lui-même,..., qui ait finalement obtenu qu'on renonce au demi-cercle en faveur du triangle rectangle...

Mieux vaut en rire qu'en pleurer.

Le tableau ci-dessus appartient à la collection de la Banque Bruxelles Lambert (actuellement I.N.G.). Il porte le titre: "Marie Antoinette escortée à la guillotine" Peintre Zuka. Cette photo est également reproduite dans les exemplaires dits de prestige de L'arbre des exécuteurs.

dimanche 2 novembre 2008

Le cimetière


Elle y va tous les jours. Souvent à la tombée de la nuit à cause des bougies qui tremblent dans la pénombre, parfois le matin tôt quand les montagnes sont encore bleues.

La tombe est insaisissable. Elle est sûre que la tombe se déplace au fur et à mesure qu'elle avance entre les rangées. Jamais elle ne la trouve du premier coup. Il faut marcher plus vite qu'elle ou la prendre à contresens, presque par surprise. Cette partie de cache-cache avec ses parents aurait été amusante si elle ne s'accompagnait de la souffrance de les perdre à nouveau ou de la joie insupportable de les retrouver. Généralement, le soleil est déjà très haut quand, enfin, elle découvre la pierre tombale avec les deux noms l'un en dessous de l'autre. Le soir c'est plus difficile. Il lui est arrivé plusieurs fois de devoir escalader la porte pour quitter le cimetière ou de se faire chercher par le gardien qui lui avait mis un doigt sur l'épaule afin de la faire sortir de sa quête. Une fois, il lui avait dit:"Je vous observe depuis plus d'une heure, vous n'avez pas bougé comme si vous attendiez que l'on vienne vous chercher." Elle avait pensé sans répondre:" Il se trompe, j'ai marché tout le temps." Même qu'à un moment, elle avait failli courir mais s'était retenue pour ne pas réveiller les morts qui dormaient. L'apparence ignore souvent la réalité. Elle savait qu'elle devrait revenir le lendemain pour refaire le même chemin et qu'elle aurait le même espoir et la même crainte. Il y a des gestes qu'on ne peut que recommencer toujours. On se demande pourquoi.

J.B.

La photo ci-dessus reproduit une allée du cimetière du Dieweg, à Uccle.voir www.pragstorage.com/photos_3/cimetiere_dieweg

C'est un des cimetières les plus romantiques de Bruxelles. Il n'est plus guère exploité et la nature l'envahit de plus en plus. Hergé y est inhumé.

vendredi 31 octobre 2008

L'enfant à l'endroit, l'enfant à l'envers de Nicole Versailles


Si vous lisez ce livre vous n'apprendrez rien que vous ne sachiez déjà, à tout le moins si vous avez mon âge, ou tout au plus un peu moins que moi, à condition de ne pas avoir perdu la mémoire des greniers encombrés de bons et de mauvais souvenirs.



Si vous êtes beaucoup plus jeune, vous serez peut-être un peu étonné que les choses se passaient comme cela dans nos familles, selon des schémas assez uniformes, en présence de parents assumant des rôles d'éducateurs assez rigides, motivés, à juste titre, croyait-on, par des convictions reçues d'antan et agissant pour le bien de tous, à commencer de celui des enfants et le respect de sacro-saintes règles ayant force de loi au sein des microcosmes familiaux.



On ne peut pas en vouloir à la narratrice d'avoir eu envie de faire renaître le passé et son enfance, même si certains ne l'ont pas trouvé à leur goût. Absolument rien d'injurieux en cela. Souvent les pères étaient absents et les mères déprimées et omnipotentes. Ou l'inverse. Ce fonctionnement des familles a laissé des traces, parfois très douloureuses. Comment s'en débarrasser sinon en en parlant, et, en l'occurence, O combien gentillement, avec retenue et amour. Il est possible qu'aujourd'hui on en aurait parlé plus tôt, on se serait expliqué plus jeune, ou on n'aurait peut-être pas du s'expliquer, les choses s'étant passées autrement. Et encore, il n'est pas sûr du tout que tout se passe simplement dans les familles d'aujourd'hui, recomposées ou non.



Alors, je retire ce que j'ai suggéré. Cet enfant à l'envers qui vaut bien l'enfant à l'endroit, il suffit de le regarder du bon côté, convient à tous les âges et à toutes les générations, surtout de la manière dont Nicole Versailles en a parlé, avec sa spontanéité habituelle et son savoir dire et son savoir écrire qui coule de source.





Tu vois Coumarine, j'ai lu ton livre. Et je me suis même permis de l'aimer beaucoup. Aussi je le recommande à tous ceux qui visitent mon blog.

mardi 28 octobre 2008

Auteurs à suivre aux Editions namuroises." Les conquêtes véritables" de Nicolas Marchal


J'étais président du jury qui a choisi ce lauréat parmi d'autres, ce qui est toujours tâche difficile et hasardeuse. Tout de suite, j'ai été séduit par "Les conquêtes véritables", ouvrage d'une grande finesse et d'une grande originalité. Il me semble qu'il se détachait du lot par sa légèreté, son humour et sa poésie. Un livre pas comme les autres qui mélange avec élégance les conquêtes guerrières et celles, plus subtiles, de la littérature, à travers Céline, Cendrars, Rimbaud, les dieux de l'Olympe de Nicolas Marchant, comme l'écrit Paul Emond dans sa jolie préface...Ce livre ne m'as jamais ennuyé. J'en ai fait plusieurs lectures et, à chacune d'elles, je découvrais d'autres choses. Quel plaisir de le voir enfin imprimé sous sa couverture rose !

Et au niveau de l'écriture ? Je copie Paul Emond:
Bref, un récit par bribes, jouant sur de multiples strates narratives et usant en permanence de l'ellipse, du discontinu, de la reprise, de la parallèle. Pas de temps mort, pas de transition pâteuse, sans cesse l'écriture est au plus vif. Roman aussi éclaté qu'éclatant. Mais roman montage aussi, et même roman macramé (...), car, qu'on ne s'y trompe pas , rien dans cette anarchie n'est laissé au hasard; aussi précise que discrète une architecture d'ensemble organise avec subtilité tous ces fils qui filent dans tous les sens.

La diffusion est assurée par les Presses universitaires de Namur, 13 Rempart de la Vierge, à Namur.
Tel 081 724884
Fax 081 724912

dimanche 26 octobre 2008

Toutes les bulles ne sont pas financières ou papales


La bulle



Une bulle ? Cela n'existe pas.

Vous dites ? L'illusion d'un vent, une membrane de nébuleuse éphémère, un futur éclatement de ciel prisonnier, un tremblement transparent d'une peau de lait avide d'air, une boule de phosphore sur le point d'exploser, qui se pose d'abord sur le doigt, un souffle, une queue de nuage qui s'effiloche, un monocle de sulfure ?

Rien, la bulle, tout, la bulle ?

Le vide élastique où je place mon mot, pour rire bien sûr, petit facétieux, à moins que ce soit une larme en bulle ou une bulle en larme, à moins que ce soit -pfuit - une échappée pour ne rien dire, un satellite insignifiant, un trou de l'air de ne pas y toucher.

Vous dites que ça n'existe pas ?
Nom d'une pipe, soufflez dedans, soufflez.
Voilà, les voilà, les bulles. Une, deux, trois, quatre. J'arrête. Je ne les compte plus. Elles sont là, irisées dans le soleil, elles montent, elles vous entraînent, avec leur air de bientôt vouloir se suicider dans l'atmosphère, nirvana, plus rien, la sérénité, non, encore un petit arc-en-ciel de poche, attention, ne touchez pas la bulle, elle est ensorcelée, elle est magique, attention, elle tremble comme un nouveau-né, non non ne la touchez pas, laissez-la vivre, elle n'en a plus pour longtemps.



J.B.

vendredi 24 octobre 2008

Charme du roman d'un académicien français aux nouvelles du conteur belge Jean Botquin

Voici l'article tel qu'il a été publié dans le supplément Iire de la Libre Belgique du 24 octobre 2008. Cliquez sur l'article pour le lire en grand.
Une plume au chapeau !

Agrandissez le texte en cliquant dessus.

Voilà que La Libre Belgique, sous la plume de Jacques Franck, m'associe au charme littéraire d'un académicien français, Philippe Beaussant. Je rougis de plaisir et ne résiste pas à celui de vous le faire savoir, séance tenante.
Sous le sous-titre "L'oeil aiguisé d'un conteur" je lis avec vous:

Son imaginaire, toujours surprenant, débouche souvent sur un fantasque explosif, voire érotique. Qu'il évoque un cadavre repêché dans le Canal du Centre, l'acheminement en Wallonie d'une gondole dont son gondolier ne veut pas se séparer à l'heure de la retraite, les corps qui s'attirent ou se repoussent, il est de ceux qui aident à voir la vie, le monde, d'un oeil aiguisé, plus éveillé, plus insolite.

Le journal du Centre me fait honneur (semaine du 20 au 25 octobre)

Si vous voulez lire cette interview, cliquez sur le texte et faites le glisser de droite à gauche. Mon livre est toujours diffusé en librairie, notamment chez "L'écrivain Public" à La Louvière.

lundi 13 octobre 2008

Le temps des Don Quichotte

Illustration du peintre français Gustave Doré
pour le Don Quichotte de Cervantes, en 1863.


Les jambes écartées par l'échine de Rossinante, Don Quichotte chevauche à travers la Mancha.

Ombre d'une ombre irréelle, il avance sur les béquilles du rêve vers Cuenca. Il tourne le dos aux moulins invincibles qui coupent l'air à coups de rasoir gigantesque.
Il abandonne le combat inutile.
Il va vers Cuenca, la belle appuyée contre les parois du ciel.

Suffit-il d'un plat à barbe pour paraître chevalier ?
Qui n'a dans son sillage un Pança plus savant que lui-même ?
Tu sers ma pensée, Pança, tu me suis partout sur les chemins torrides et solitaires.
Tu justifies à toi seul mon besoin d'exister. Tu écoutes mon chant nostalgique et les horreurs joyeuses de ma dérision.

Suffit-il de la jupe odorante de Dulcinéa pour croire au repos éternel, à la résurrection du désert, à la pluie des illusions retrouvées ?

Nous avions le regard hagard et lourd de folie.
Nous étions enfiévrés et brûlants comme si le feu coulait dans nos artères.
La fièvre dansait sous nos tempes.
Nous étions fous, pareils à Don Quichotte, le chevalier à la triste figure qui traversait les hauts plateaux enflammés par nos tristes prières.


J.B.


Le carrousel



Cette photo d'un beau manège appartient à Fanfan (Id 19890) 13-5-2005. Je l'ai cueillie sur le Web Site Fond d'image.com .

Le carrousel

Sur le cheval, le blanc aux yeux d'ivoire, la licorne aux ailes d'ange, tu montes et tu descends, en tournant, tournant toujours d'un tour à l'autre. Et tu tournes dans les miroirs où je te vois autant de fois, mille fois, je crois dans ma mémoire. Tu apparais puis disparais, mes yeux te suivent, te poursuivent. Jusqu'où pourront-ils te voir à chaque tour et te revoir ? Seule sur le carrousel, tu montes et tu descends. Ton rire éclate, tu tournes dans ma tête aux sons des orgues foraines, tes cheveux dansent, tes reins se cabrent. Chaque fois tu pars et tu reviens, tu entres, tu sors de la lumière, tu viens du rêve, la nuit te va, ton sommeil traîne dans ma mémoire. Où suis-je donc ? Où es-tu donc dans cette ronde qui n'en finit pas. Ton sourire passe. Tu passes, tu tournes, tu te détournes, tu fuis, tu t'échappes rivée à ce cheval ailé qui ne peut s'envoler puisqu'il est de bois

J.B. Le front haut p.20

mardi 7 octobre 2008

Le Parc naturel de la Maremme ( Toscane-Italie)






































Quelques images de la Maremme que nous venons de découvrir.

Imaginez une plage de sable fin de plus de huit km couverte de squelettes d'arbres morts, blanchis par la mer et le vent, pins d'Alep, oliviers, chênes verts dénudés qui, le soir, prennent des formes dantesques à vous donner de la chair de poule . La plage et la mer au coucher deviennent lunaires tandis que les vagues s'éteignent dans un long chuchotement de larmes. Une espèce de peur commence à vous tenailler tellement la solitude s'agrandit autour de vous qui devenez minuscule. Vous vous êtes rhabillé, non pas qu'il fasse froid depuis que le soleil se cache mais parce que l'instant est solennel comme dans une église. On se mettrait bien à genoux dans le sable pour balbutier une prière dont on se souviendrait. Le sable est encore chaud. Et vous sentez la création du monde venir vers vous à grand pas.

A la lumière du jour, le Parc revit. Face aux chevaux, les petites vaches grises courbent l'échine pour vous faire admirer leurs cornes d'ivoire. Vous restez des heures à les regarder. Et elles vous regardent aussi avec une douceur presque insupportable. Vous vous sentez libres dans ce pays de fin du monde, au bout des terres habitées. Le temps, comme on dit, s'est arrêté. Vous oubliez d'où vous venez et où vous allez.

L'habitation qui nous a hébergés se trouve dans une exploitation agricole à Alberese, tout contre le Parc naturel de la Maremme.

Je m'appelle Europa









Marianne et moi revenons de la Maremme, cette région sauvage de la Toscane où paissent des petites vaches superbes aux cornes acérées, courbées et dorées comme des cercles solaires. En les voyant, j'ai pensé au jeune taureau de Pasiphaé de la civilisation Crétoise qui donna naissance à Minos, roi de Knossos en Crète, et qu'on appela le Minotaure. En Egypte ancienne, c'est une vache qui incarne la déesse de l'Amour, la déesse Hathor. J'ai raconté tout cela dans la nouvelle qui ouvre mon dernier recueil, en transposant de manière allégorique le récit de la mythologie crétoise dans un cadre moderne avec des personnages actuels, une famille comme il en existe partout et où l'entente est aussi difficile qu'en Europe d'aujourd'hui. Mon jeune personnage féminin qui se dore au soleil de la mer Egée fait un rêve qui rappelle étrangement les effusions de la nymphe Europa avec le superbe animal que Zeus a incarné pour la séduire. Animal sacré s'il en est, la légende ne pouvait mieux choisir.
Une dame m'a posé la question si mon récit était inspiré par un désir d'homme que j'aurais prêté à une femme ou par un véritable désir de femme ? Autrement dit, pareil fantasme est-il possible dans la tête d'une femme ? A vrai dire, je n'en sais rien, et je souhaite rester au niveau de l'allégorie. Cependant, ayant écrit ce rêve et l'ayant attribué à une femme, je me suis rendu compte de la puissance des images lorsqu'elles ont un caractère insolite et qu'elles sortent des normes. L'érotisme tel qu'il apparaît dans ce texte revêt un caractère sacré et quasi religieux. Ce qui est en train de se passer relève de l'ordre du possible; le rêve devient réalité. L'invraisemblable n'est plus.

Revenons à la Maremme que j'aimerais illustrer de quelques photos à faire rêver comme je cherche à faire rêver les lecteurs de mes nouvelles. Une de mes lectrices m'a confié qu'elle ne lisait pas les nouvelles comme elle lit un roman. Elle attend du nouvelliste qu'il construise ses nouvelles en laissant de la place au lecteur qui doit pouvoir s'approprier les personnages. Ces derniers ne ressembleront pas nécessairement au modèle de leur auteur. Le lecteur les verra comme il les imagine. Il les aimera s'ils correspondent à son attente ou ne les aimera pas. Il risque aussi de se faire une opinion sur leur auteur qui déçoive ce dernier. La nouvelle serait-elle donc un genre dangereux à manipuler avec prudence ? En tout cas, c'est un genre difficile.

Donc, voilà la Maremme, ce far-west italien.

jeudi 2 octobre 2008

La poésie

Hier j'ai lu un tas de choses sur la poésie. Chez Coumarine qui traite de tant de sujets, au fil des jours.
Aujourd'hui je reprends la lecture de La preuve par le miel, un livre de Salwa Al Neimi, une écrivaine Syrienne. Un livre vivant, vibrant comme un coeur dans la poitrine ou, en certains chapitres, dans le sexe d'une femme.
Et je tombe sur une page qui parle de poésie, que j'ai envie de reproduire ici:

"Toujours, il récitait de la poésie. Des poèmes entiers qu'il apprenait par coeur ou bien qu'il me lisait, et je l'imaginais en train de les réécrire, pour moi seule.

La poésie était-elle une des clefs de mon corps?

La poésie était entre nous. Il m'aimait avec les vers des autres. Lorsqu'il partait en voyage, il me téléphonait pour me donner le nom d'un recueil ou d'un poème. Je cherchais le poète, je lisais les mots et je me rendais compte qu'il était avec moi.

Pessoa, Cavafy, Char, Michaux et d'autres que je ne connaissais pas. Je suis devenue comme lui. J'apprenais les poèmes arabes que j'aimais, je les répétais pour lui seul.

La poésie était-elle toujours entre nous?

Avec lui, j'ai repris l'écriture de mes petits poèmes, rite initial de chacune de nos rencontres. Il s'enquérait de mes mots. En silence, je lui tendais le poème. Il lisait comme s'il partait à la découverte de ma face obscure, masquée par la frivolité et mes éclats de rire. Il découvrait ce que je n'osais pas m'avouer à moi-même. En silence, il repliait le papier avec soin et le glissait dans sa poche.

Mon corps était-il une des clés de la poésie?"

Sans commentaires.

mercredi 10 septembre 2008

Trois sculpteurs de grand talent





Mes coups de coeur à l'exposition qui se tient pour le moment et à partir du 17 septembre à l'espace Wallonie-Bruxelles rue du Marché aux Herbes, à Bruxelles. Agrandissez l'image en cliquant dessus pour lire le texte du catalogue en vente à l'exposition. Voir aussi mon message précédant. Allez y, vous ne le regretterez pas!

lundi 8 septembre 2008

Mots et images


Du 3 au 30 septembre, deux expositions organisées par l'Association Royale des écrivains Wallons (AREW) se tiendront à l'espace Wallonie-Bruxelles, 25-27 rue du Marché aux Herbes, 1000 Bruxelles. Un premier vernissage a eu lieu le samedi 5 à 16 heures pour les oeuvres de Guy Beyns, Marianne Saive, Henri Destrebecq, Raymond Drygalsky, Salvatore Gucciardo, Pol Magis , Rolande Quivron, Charles Theate. Un récital de poésie de membres de l'AREW sur le thème "Mots et Images" était assuré de manière fort heureuse par Alain Miniot et le Plaisir du texte. Le deuxième vernissage est fixé au 17 septembre. Cette fois se seront les oeuvres de Luce Daniels, Ariane François, Jean Willame, Michel Ciparisse, Nadine Fievet, Hélène Lambert, Marie Tournay qui seront à l'honneur. A cette occasion le plaisir du texte présentera un nouveau récital de poésie des membres de l'association.

jeudi 4 septembre 2008

Charte Mondiale des Artistes pour l'eau






Plus de 1,1 milliard de personnes n'ont pas accès à l'eau potable.




En l'absence du droit à l'eau inscrit dans la Charte des droits de l'homme ou dans la plupart des Constitutions des Etats démocratiques, des artistes et écrivains ont décidé de créer une Charte mondiale pour l'eau comme bien universel de l'humanité inaliénable et accessible à tous. Ils veulent que l'eau ne puisse devenir la propriété de certains et considéré comme un bien mercantile soumis aux lois du marché. En signant cette charte, les signataires s'engagent à défendre ce droit et à mener une action, à faire entendre leur voix auprès du public, à en faire une nouvelle source d'inspiration artistique.




Je dédicace mon texte sur l'eau extrait de " Le Front haut " à Riccardo Petrella et Pietro Pizutti, citoyens du monde "porteurs d'eau".Ce texte sera lu par Alain Miniot au récital de l'AREW du 5 septembre.

L’eau

Tu me demandes : « Raconte-moi l’eau ».
Alors, je cherche les mots qui subtilisent des voyelles à l’eau- e, a, u- des voyelles en cascade, en cataractes, en rapides, en torrents, des voyelles en ruisseaux, rivières, fleuves, mers, océans, pluies diluviennes, des voyelles de bruine, de givre et de neige.

Imagine la terre sans eau, le ciel sans eau. Mais non c’est impossible, elle est toujours là pour la soif, la fraîcheur, le bonheur de la voir couler entre les pierres, les herbes et les fleurs. Elle est là pour la force qu’elle a de lutter contre le désert et le soleil. L’inventeur de l’eau est un grand magicien. Si l’eau s’envasait pour toujours, trois voyelles mourraient. Le langage deviendrait aride, incompréhensible. Essaie de parler sans eau, la gorge sèche, la langue dure comme un galet. Autant être sourd-muet. Parole gestuelle qui parle de l’eau avec les doigts et les lèvres, avec l’haleine et le souffle torride des terres qui n’ont plus d’eau, presque plus de voyelles…
Ce texte vient également d'être publié dans le blog de la commune de Saint Hippolyte dans les Pyrénées Orientales, une région que je connais assez bien et qui souffre de façon chronique de sécheresse. Cliquez sur le lien"Le petit rapporteur.", cherchez l' article environnement, et vous le trouverez illustré de photos de cours d'eau de cette belle région qui s'étend au pied du mont Canigou.