mercredi 25 mars 2009

Après Binche, le Gilles de La Louvière font la fête


Du 22 au 23 mars, les louviérois ont donc fêté le carnaval de Laetare. Les gilles se lèvent très tôt, le dimanche matin, pour endosser leur costume traditionnel bourré de paille qui les transforment en bossus à la poitrine opulente.
Les portes des maisons de gilles sont ouvertes pour accueillir les voisins, membres de la famille et amis.
Sur les tables sont alignés les verres à champagne qui ne cesseront de se remplir pour les gens qui affluent et qui, plus tard, suivront les groupes se rendant au local où tous les gilles d'une société prendront leur petit déjeuner (huîtres arrosés de champagne).

La nuit fraîche résonne du bruit des tambours ponctués, de temps en temps, d'un petit air de clarinette signalant le début d'une aubade pendant laquelle les gilles dansent de leur pas caractéristique faisant claquer les sabots sur la chaussée. Parfois même, après le verre de champagne, c'est à l'intérieur des maisons qu'ils dansent sur les parquets, planchers, sol grossièrement protégé, en guise de remerciement pour l'accueil de leurs hôtes. Personne ne s'en offusque, bien au contraire, même si la maison tremble sur ses assises quand les coups de mailloches sur les grosses caisses crèvent les tympans.



Comme ils dansent à chaque endroit où ils ramassent un gille qui rejoint le cortège, le groupe n'avance que lentement. Petit à petit, toute la société est réunie pour entamer une journée qui sera longue et qui se finira par un dernier rondeau éclairé de feux de Bengale ou d'un feu d'artifice.
Pendant toute la journée et une partie de la nuit, les cafés ne désempliront pas, l'on boira beaucoup, du champagne ou de la bière.
Vers onze heures, les sociétés de gilles se rendront avec leurs fanfares au centre de la ville. Elles se déplacent à la vitesse des escargots. Chaque société s'arrête quand l'envie lui prend de danser, face aux musiciens, des faiseurs de bruit, tamboureurs, batteries et grosses caisses couvertes de peaux de veau, bugles, trompettes, bassons, tous cuivres tonitruants qui provoquent, chez tous, ces mouvements cadencés d'une transe communicative et incontrôlable. Le rythme vous gagne très rapidement, même si vous n'avez pas envie de danser. Moi-même ne résiste pas, bien que je ne sois pas né à La Louvière et que la danse ne soit pas mon fort..
Les groupes de gilles débouchent de toutes les rues adjacentes, notamment de la place de la Louve (voir photo), sur la place communale où tournera le rondeau traditionnel du dimanche midi. Ils forment une immense ronde, se tenant par le ramon (petit faisceaux de brins de bois) de la main droite dans la main gauche. Les rondeaux sont toujours spectaculaires et majestueux. Les fanfares jouent à l'unisson sous la conduite d'un chef, au milieu de la ronde multicolore et des chapeaux blancs (parfois colorés, à La Louvière).
Si, à la fin du carnaval, vous n'avez pas fait votre récolte d'oranges, c'est que vous n'êtes pas bien adroit. Soit les gilles vous les offrent, soit ils vous les envoient par voie aérienne, à vous de les cueillir au vol. Celles qui manquent leur but éclatent par terre et finissent par composer une salade d'oranges écrasées inconsommable, mélangée aux confettis, dans laquelle tout le monde patauge. Ne mettez pas votre costume de dimanche si vous voulez participer à ces festivités.


La photo à côté se passe de commentaire. Voilà, les projectiles du printemps, des oranges sanguines qui alimenteront les jolis paniers d'osier des gilles avant d'atterrir sous vos pieds.
Le lundi après midi, c'est le grand cortège. Il prend son départ à la Place Maugrétout, avance lentement par la rue Albert Premier et aboutit à la Place Mansart. Il lui faut plus de deux heures pour parcourir un kilomètre. Une allure de crabes parce que les gilles ne se déplacent pas sans danser de tout leur soûl. Interminablement. Quand la danse finit, elle recommence. Les louviérois font tourner les chapeaux de plumes d'autruche d'un coup de tête. Solitaires et cependant unis les uns aux autres dans un groupe qui les associe, les gilles, pendant tout le carnaval ne feront que danser, à la fin presque comme des somnambules, mécaniquement. Ensemble ils dansent seuls.
Le cortège s'ouvre avec les deux sympathiques géants de la ville, Jobri et Jobrette. Ils sont suivis par un groupe de paysans bleus et blancs qui, eux aussi, jettent des oranges dans le public.
La cérémonie du brûlage des bosses , propre à La Louvière, a lieu le mardi soir sur la place Mansart. J'ai décrit cette scène dans ma nouvelle "Les Virgile" :Les gilles partent pour un dernier rondeau autour d'un gibet où un mannequin-gille est suspendu. Sous lui, quelques ballots de paille attendent l'exécution symbolique. Ils ont abandonné leur chapeaux et se tiennent par les paniers vides de leurs dernières oranges. Pendant que la paille est mise à feu, le rondeau se déroule au rythme lent et triste d'une complainte nostalgique.
...le feu éclaire les visages....Le ciel est noir au-dessus des escarbilles qui s'envolent dans la brise. Le gibet s'écroule dans un long sanglot tandis que les tambours et les caisses reprennent vie...et que les sabots réveillent la cadence."
























jeudi 19 mars 2009

Haïkus du vent


Quand la morsure
Du temps change l'espace
Le moi disparaît


Le vent de pierre
Cherche la mort projetée
Parmi les galets


Les gens simulent
De faux départs en gare
Des simulacres


La tombe s'ouvre
La mort se plie au mépris
Des anges déchus


Eros emprunte
Le linceul d'un thanatos
Qui se dénude
Photo de Pietro D. Perrone prise dans le cimetrière "acattolico" de Rome, le 15 mars 2009.
Haïkus de Jean Botquin

mercredi 18 mars 2009

Les Haïkus des noyés
























L'estacade
De glaives empalerait
Leurs passions


Ponton arrimé
A son infidélité
Seul en l'estuaire


Barque amère
Désemparée sur la mer
De ses reproches


Quel fardeau au bout
Des bras la ferait sombrer
Dans la tempête ?


Car la nuit pleurait
D'espoir sur son visage
Pendant sa nage


Aisselles emplies
D'odeurs d'algues marines
Et d'équinoxe


Sexe consacré
Aux presqu'îles d'écailles
Et totems criards


La reconquête
Ne passerait par l'oubli
Des blanches folies


Les îles gisaient
Démâtées sur leurs maigres
Battures de sel


Des serpents vert d'eau
Ahuris s'en échappaient
Sur leur peau gluante


Eux se débattaient
Pareils à des baudruches
Parmi les roses


Ils se disputaient
Une place où loger
Quelques hantises


Leurs ventres pleuraient
Des larmes virginales
La gueule en sang


Dépouilles damnées
A l'élégance rare
D'une autruche


Quels piètres pêcheurs
De rêves ils étaient l'un
Tout près de l'autre

Comment étais -tu
Licorne blanche blessée
Aux yeux pâles ?


Quelles labiales
Roses taisais-tu déjà
Quand tu parlais ?


Ô sabots onglés
Tes ouvertures closes
Tes joies renoncées.


Jean Botquin 18 mars 2009

lundi 16 mars 2009

Les Haïkus du Passeur







Le noyer étend
Ses bras couverts de feuilles
Sur son image

Les pies s'envolent
Leur vol perpétré, le bec
Soudé sur leur proie

Personne ne sait
Où germera l'amande
Suspendue dans l'air

Son coeur était dur
Comme la noix chipée par
La pie voleuse
Il était inondé
Sous un long fleuve soyeux
Au teint de thé vert
Une pluie tombait
Sur son corps dont le prénom
Flottait vers la mer
Ses cheveux prenaient
Le large, algues blondes
Portées par l'onde
Ce qui est tendre
Se durcit quand la brise
Dessèche le temps
Son nom est pareil
À la datte sucrée de
Leur espérance
Son prénom comme
Celui d'une île d'un
Océan tropical
Son surnom pareil
À l'orchidée blanche
Au lever du lys
Par la naissance
Des fruits les feuilles meurent
Oubliées du soleil
Une amoureuse
Des merles et corneilles
Faiseuses de pluie
Elle ouvrait porte
Et fenêtres sur les bois
De chênes rouvres
Ses pupilles d'or
Dansaient sur tous les sommets
Des forêts vierges
La peau d'écorché
Ne guérit plus de son mal
Qu'elle étouffe
Le mal enduisant
Le bout de ses doigts de fiel
Et d'amertume
Mal nié par elle
Sans l'avoir reconnu ni
Jamais éprouvé
Le mal contenant
La douleur du début et
Celle de la fin
La source des mots
Jaillira de la terre
En quelques gorgées

Cocon dévidant
Son fil de soie pour tisser
La peau de l'âme

Il l'a regarda
À travers le miroir bleu
Comme la source
Dans une gangue
Sa naissance de femme
S'éterniserait
Comment espérer
Le retour du sourcier noir
Quand la nuit survient ?

Jean Botquin 16 mars 2009

jeudi 12 mars 2009

Haïkus d'un jeudi soir




Il ignorait tout
Du savoir et des rêves
Des premiers hiboux


Quel chemin choisir
Pour atteindre l'inconnu
Au bout du monde ?


J'ai compris pourquoi
Les âmes se dépouillaient
De leurs vêtures


Crispée sur de vains
Souvenirs elle goûtait
Le sel des lèvres


Leurs coeurs chaloupaient
Dans le silence menteur
De leurs illusions


Comme s'ils voulaient
Mourir ils parlaient d'adieu
Au seuil du matin


Les cris des oiseaux
Exprimaient le désespoir
Futile des fleurs


Deux encablures
A peine les séparent
Îles lointaines


Quand les bas-reliefs
Et médaillons s'affublent
De masques de mots


Les amours souvent
Se consument sur les flancs
De volcans éteints


Devant le soleil
S'engloutissant dans la mer
Les yeux en vigie


Autant d'espaces
Entre les gestes fixant
Les lustres aux cieux

mardi 10 mars 2009

Les Haïkus de l'échiquier










Le violon s'inscrit
En ovale dans le champ
Unique du coeur


Une musique
Anesthésiait le chagrin
Du violoncelle


L'insecte qui perd
Ses échasses ne peut plus
Se prendre la tête


L'aigle s'accroche
Au crépuscule doré
Pointant des ailes


Hiberne tortue
Au creux des terres d'hiver
Et de tes pensées


Marche de l'été
A l'automne sans suivre
Les traces de pluie


Quand les montagnes
S'accouplent, elles ouvrent
Les rideaux fermés

Ils dorment au sein
D'un tumulus de galets
sortis de leur lit


Serrez vos poings
Sur une graine qui ne
Pourra plus germer


Le val attendait
L'embellie du grand glacier
Quand neige fondait


Toi l'ensommeillée
Des neiges descendais vers
Brumes et torrents


Monstre abusé
Disait-il en regardant
Le lion sans tête


Le cri de la mort
Pareil à la trompette
Sans embouchure


Silence du corps
Inhumé dans l'absence
Orbites creuses


Parfois un aigle
Émerge de l'échiquier
Droit vers les nuées

Car à cloche-pied
Il joue à la marelle
Du bout des ailes


À tes oreilles
Deux étoiles filantes
Comme des piercings


Lui parmi les tours
Elle au milieu des reines
Sans cavaliers noirs


Toi mensongère
Brûle ta chevelure
Aux feux de la vie


Embrasée, elle
Se détournait du soleil
Vers son horizon


Ses jambes étaient
Aussi sveltes que la queue
D'une comête


Momification
Grande indifférente
De l'éphémère


Ô violoncelle
Ô Sarcophage royal
Du chant des momies


Ses yeux cueillaient
L'image des visages
À chaque page


Haïkus de Jean Botquin et photos de Marianne .10 mars 2009







dimanche 8 mars 2009

La Foire du Livre - Nicolas Marchal - Les conquêtes véritables.

En plein travail ? Une photo prise par Pascal Monda qui m'avait promis son passage le jeudi 5, en nocturne, au stand du Service du Livre Luxembourgeois.





Les conquêtes véritables, Prix Première de la RTBF, annoncé vendredi 6 mars à la Foire du Livre. J'ai donc eu la main heureuse quand j'ai défendu cet ouvrage en ma qualité de Président de Jury" Auteurs à suivre", en 2007.
J'ai rejoint Nicolas, Pascaline David, Joseph Duhamel (Promotion des Lettres) et les Editions Namuroises au stand 122b de la Foire pour fêter cet évènement dont je ne suis pas peu fier, vendredi soir vers les 20 heures, comme si j'avais gagné le prix moi-même.
Mais que faut-il donc faire pour que les gens se dérangent pour fêter un lauréat, pour que le titre d'un livre ne soit pas falsifié de conquêtes en enquêtes dans certains programmes , et le nom du préfacier écorché dans les articles de la presse, de Paul Emond en Edmond. C'est donc en petit comité que nous avons sablé le Crément d'Alsace, la salle étant vide au moment de la tentative de présentation.

A mon tour de vous recommander le livre de Nicolas Marchal qu'il faut absolument lire sans plus tarder.

Je reproduis ci-après un passage de l'article paru dans " Le Carnet et les Instants":
...le roman est drôle: un humour dévastateur, un sens de la scène burlesque, un art de la formule, une maîtrise de la parodie, des renversements et paradoxes, des anachronismes font que l'éclat de rire n'est pas rare.
...les comportements et ambitions de chacun des protagonistes, passés à la moulinette de l'ironie et de l'absurde, y compris l'ambition littéraire du narrateur d'ailleurs, apparaissent dans leur vanité mais aussi dans leur grandeur.

jeudi 5 mars 2009

Haïkus de mars (deuxième partie)







L'arc-en-ciel garde
Ses couleurs à l'aurore
Des épousailles


Les ailes étaient
Vagabondes en dansant
La ronde des lys


Avant l'impasse
C'était l'aventure voir
Les noces sacrées


Elle répétait
Son nom avec le sourire
Cruel du matin


Les sentinelles
Montaient leurs promontoires
Sur les arbres fous


Bronzes et ocres
Pleuraient leur nostalgie
Dans l'aube rouge


Au centre était
L'aurore immobile
Comme une statue


Il sautait raide
A la corde des pendus
En survivance



Les éperviers bleus
Habitent les flammes d'un
Cerveau endormi


A potron-minet
La tendresse anime
L'indifférence


Poule joyeuse
Piétine la tristesse
De tes deux pattes


Ne rie pas trop fort
Tu perdrais le goût du rieur
Avec quelques larmes


Dix-sept syllabes
Pour chanter les louanges
De l'imposture


Trois gouttes de vie
Suffisent à transformer
Le sang en larmes


La ligne de vie
Expire où s'érige
La croix de pierre


Paumes incisées
Guérissez vos blessures
En priant l'esprit


Lange ton amour
D'enfant incorrigible
Avec tes méprises


Folie maîtrisée
Par toutes les hantises
De l'aventure


Sur les terrasses
Blondit le fruit inconnu
Sans faire de bruit


Les chevelures
Se constellent de rayons
Sous les étoiles


Au fond de la mer
Les algues bleues s'enivrent
De l'odeur du sel



Quatre cygnes noirs
Emergent de deux miroirs
Au soir de l'oubli


Les amours naissent
Des profondeurs des abysses
Sans prévoir la nuit


Jean Botquin - 5 mars 2009



mercredi 4 mars 2009

Haïkus de mars







La sérénité
Froide et translucide
Polit le marbre


Corolle blanche
Ton parfum nous écoeure
Et givre l'âme


La fleur s'étiole
Entre les doigts qui parlent
L'idiome des morts






Sans leurs ogives
S'envoleraient les voûtes
Des cathédrales


Au gré des nuages
Les musiques enflamment
Les apparences


Comment mesurer
La passion qui dépasse
Sa démesure ?


Fenêtre close
Lèvres cousues sur quelques
Voyelles déçues


Vaines attentes
Quand les étoiles tombent
Du ciel sur la terre


Des toits en pente
Glissent les regards obscurs
Dans les ténèbres


La transparence
Des libellules sur l'eau
Se trouble la nuit

Vibre le rêve
Pareil au pouls fébrile
De la caresse


Part pêcher hasard
Ou destin sans trop d'égards
Pour les roseaux verts


Une barque bercée
Sur l'eau finit par couler
Au fond du ruisseau


Tombent les mots crus
Tels des gouttes d'acide
Sur le temps perdu


Son coeur ne pouvait
Plus servir à dessiner
Ses yeux d'opale.


Jean Botquin -3 mars 2009

lundi 2 mars 2009

Ho guardato (J'ai regardé)


Ho guardato...


Ho guardato attraverso quella porta.
O forse non era una porta, ma una finestra.
Ho guardato, sporgendomi verso quel vuoto oscuro.


Ho sentito una forza venire da quegli occhi bui.
Erano mani, forse, che si sono aggrappate alle mie spalle.
Mi hanno scosso, spingendomi
verso quel vuoto oscuro.


Ho vacillato fissando i miei occhi in quel pozzo.
O forse ho tremato, impaurito per quell'orrenda vertigine.
Sono caduto , sentendo vorticare lo spazio intorno a me.

Mi sono trovato un un cielo senza luce,
in un caos senza ordine,
in un mare senza fondo.


Ho allungato le mani, spinto in fuori gli occhi,
ho tastato il vuoto, calpestato il nulla,
ho urlato nel silenzio, ho respirato senza bocca e senza naso.


Sono impazzito, per un attimo, anche se ricordavo il nome mio.
Ricordavo il nome tuo, e quello di tutti gli uomini di tutti i tempi.
Ricordavo il nome dell'amore e quello della tristezza.


Ricordavo i colori del cielo e dei fiori dei campi,
l'odore del mare e quello della primavera,
il calore della terra e quello della tua fronte.

C'era un riflesso di fuoco su quella finestra,
o forse non era un finestra, ma una porta.
Era un riflesso di fuoco, o forse era il sorriso del diavolo.


E' sceso il gelo nel mio cuore e si è fermato il tempo.
Sembravi viva, debole, pallida, come sempre.
Ma eri immobile, bella come una statua. Morta.

E' sceso il gelo, quando sei calata nella terra,
dove la morte si perpetua nella vita che continua.
E' sceso il gelo, e si è fermato il tempo, nel mio cuore.

Dovevi essere un angelo bellissimo, coi capelli ricci e biondi.
Dovevi essere giovane, e forte mentre indirizzavi il mio cammino.
Eri la mia Stella polare, tramontata presto nel buio della notte.


Ho guardato attraverso quella porta.
O forse non era una porta, ma una finestra.
O forse non ho guardato, sono caduto, sporgendomi verso quel vuoto oscuro.


J'ai regardé ... J'ai regardé par l’ouverture de cette porte. Ou peut-être n’était-ce pas une porte, mais une fenêtre. J'ai regardé, attiré par les ténèbres du vide. J'ai senti une force jaillir de quelques yeux noirs. Des mains se seraient-elles agrippées à mes épaules, des mains qui m’auraient secoué et précipité vers les ténèbres du vide? J’ai vacillé et mes yeux ont embrassé la profondeur du puits.
Ou peut-être ai-je tremblé de peur après cet horrible vertige. Je suis tombé, sentant l’espace tourbillonner autour de moi. Je me suis perdu dans un ciel sans lumière, dans le désordre du chaos, dans une mer sans fond. Les yeux exorbités, j’ai tendu les mains, j'ai épousé le néant, j’ai marché dans le vide, j'ai crié sans voix, j'ai respiré sans bouche ni narines. Je suis devenu fou, un moment, au point de ne plus me souvenir de mon nom. Mais je me suis souvenu de ton nom, et de tous les noms des hommes de tous les temps. Je me suis souvenu du nom de l’amour et du nom de la tristesse. Je me suis souvenu des couleurs du ciel et des fleurs des champs, de l'odeur de la mer et de l’odeur du printemps, de la chaleur de la terre et de la chaleur de ton front.
Il y a eu un reflet de feu sur cette fenêtre, ou peut-être n'était-ce pas une fenêtre, mais une porte. Il y a eu un reflet de feu, ou peut-être était-ce le sourire du diable. Le gel a immobilisé mon coeur et l'horloge s’est arrêtée. Tu semblais en vie, faible, pâle, comme toujours. Mais tu étais immobile, belle comme une statue. Morte. Le gel a encore durci, lorsque tu es descendue dans la terre, là où la mort se perpétue dans la vie qui ne s’arrête pas. La glace a gelé mon coeur et l'horloge s’est arrêtée. Tu étais le plus beau des anges avec tes boucles blondes. Tu étais jeune et forte pendant que tu me guidais sur mon chemin. Tu étais mon étoile polaire qui s’est éteinte trop tôt dans les ténèbres de la nuit.
J'ai regardé à travers l’ouverture de cette porte. Ou peut-être n'était-ce pas une porte, mais une fenêtre. Ou peut-être n'ai-je pas regardé, je suis tombé, attiré par les ténèbres du vide.


Texte de Pietro D.Perrone. Traduction française de Jean Botquin