lundi 30 novembre 2009

Quelques haïkus de Saint-Cloud. (suite). Inédits de Jean Botquin.









Les amours d'antan
Passent du jour à la nuit
Comme des esprits
*
Lancinantes sous
Le ciel de la Défense
Surgissent vingt tours
*
Bois de Boulogne
Où quatre filles montrent
Leurs bonbons roses
*
Petites fesses
De travesti en forme
De pomme fendue
*
Deux dames au lit
Eboutent des haricots
Verts en parlant haut
*
Paris somnole
Sous un conte de rubis
Le jour se lève
*
Tess le chat perché
Nettoie les vitres avec
Ses pattes feutrées
*
Jean Botquin.


Salon des Editeurs indépendants du Quartier Latin (Paris), à la Mairie du sixième, Place Saint Sulpice






Quelques photos de cet évènement, notamment une des tours de Saint-Sulpice, le concert de Jazz dans la salle des mariages de la Mairie, la grande salle des exposants, mon éditeur Patrice Kanozsai des Éditions du Cygne, son stand et, bien entendu, La Chambre Noire du Calligraphe.









jeudi 26 novembre 2009

Haïkugammes. Inédits de Jean Botquin.

Contrastes

Hibiscus sur fond

De figuiers de barbarie

L'endroit à l'envers

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Il lui manquera

Toujours l'unique saison

Des jours éternels
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Une vie sans vie
Quand l'été la dessèche
De ses baisers d'or
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Prunelles gelées
Sur un hiver sans détours
Lorsque court le vent
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Et les faons dansent
Dans leurs mains qui s'unissent
A l'orée des bois
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Les bouches des fleurs
Sont avides de rêves
Dépourvus de sens
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Les steppes vibrent
D'un lumière tendre
De lune rose
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Un papillon monte
A l'assaut d'une feuille
Qui virevolte
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Rites intimes
Consécration secrète
Des aubes blanches
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Fuite éperdue
De l'éveil réinventé
Sur le bout des doigts
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Petit spasme qui
S'essouffle sur les rires
Des palpitations
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Agapes des mains
Au sein des estuaires
Fuyant vers la mer
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Matin du fleuve
Lui disait-il en soudant
Ses bras sur ses reins
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J'ouvre le secret
Et le galbe de nacre
Qui l'exprime
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Silence au sein
De leurs lignes d'ivresses
Creusées dans leur chair
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Il se dresserait
En l'espace réservé
Qu'elle choisirait
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La messe noire
D'un désir renouvelé
Chaque fois plus fort
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Tous deux se lovaient
L'un dans l'autre en quête
D'un espoir perdu
-------
Serions-nous sauvés
De l'incertaine marche
Aux regards bandés
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Le mur de l'océan
Déferle autour de nous
Pour nous écraser
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Elle se noye
En sirène travestie
D'écume blanche
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Fétu de paille
Sur les ailes du vent d'est
Vêtu de rose
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Le temps s'arrête
Là au terme de l'hiver
D'un songe amer
-------
Il reprend le pas
De qui a assassiné
Son innocence
-------
Il inventera
Un au-delà abrupte
Aux marches sombres
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Même fatigué
Il retrouve la force
D'étreindre sa peur
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Sournoise, elle
S'insinue dans son âme
Qui veille sur lui
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Elle ne peut rien
Contre l'espoir du souffle
De l'amour vivant
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Jean Botquin

mardi 24 novembre 2009

Bergeronnette. Jean Botquin. Inédit.

Merci à Christian Kerihuel pour cette belle photo de bergeronnette des ruisseaux.


Á l'automne, les bergeronnettes descendent vers les vallées, elles émigrent vers d'autres contrées, par milliers, sauf une, éprise de liberté ou forte tête qui n'en fait qu'à la sienne. Elle pense que, tant qu'il y a encore des insectes à gober et que le ruisseau gambade dans la prairie pour s'y regarder, elle n'a pas besoin de quitter le pays. Car la bergeronnette, personne ne l'ignore, compte sur son image pour se rassurer. Elle se dédouble. Elle devient son autre. En se mirant dans l'eau comme dans un miroir, elle n'est plus seule. Qui donc a parlé de solitude ?

Cependant, la nature impose des limites à cette liberté et à l'insouciance de notre bergeronnette. Elle a beau se convaincre du contraire, le temps fraîchit. Les troupeaux ont regagné les vallées et leurs étables. Les insectes se font plus rares. Bientôt, dans le ciel l'hiver floconne, les brumes s'installent, le temps s'assombrit, les journées raccourcissent, le miroir de l'eau se ternit. Quand elle cherche son image sur le bord du ruisseau, elle ne voit plus que l'ombre d'elle-même qu'elle ne reconnaît plus. Et ses frères et soeurs sont loin.

Bientôt, c'est la disette, les insectes avec les animaux des étables se sont endormis. On voit de plus en plus notre oiseau imprudent hocher la queue sur les routes où roulent des voitures dotées de miroirs scintillants sous le soleil blanc et froid.
"Me regarder dans ces miroirs rapides, voler aussi vite qu'eux pour me reconnaître, pour savoir si j'existe encore, pense-t-elle."

Hélas, ce jeu-là est dangereux, vous le pensez bien. Un jour la rencontre avec un rétroviseur fut fatale. Assommée par l'envers de l'écrin dans lequel le miroir était logé et qui avançait plus vite qu'elle, elle roula sur le bord de la route, sans vie, aveuglée par le sang qui coulait de son petit crâne. Heureusement, les anges des oiseaux étaient là pour accueillir son âme trop vaniteuse -ils l'appelèrent Marguerite avec un sourire taquin-ne me demandez pas pourquoi .

Ces anges l'emmenèrent dans la grande cage dorée des passereaux du ciel où la solitude, paraît-il, n'existe pas.

samedi 21 novembre 2009

Un conte de saison. Jean Botquin. Inédit.

Les vents.

Il était une fois un vieux magicien qui faisait commerce des vents. On disait que son souffle était si fort qu'il courbait l'échine des arbres. Les vents, il les vendait pour deux fois rien. Aussi, toutes les petites filles du pays que les vents empêchaient de dormir, avaient vidé leurs tirelires pour en acheter. De toutes les sortes, les vents froids du Nord et de l'Est, les vents chauds ou tièdes de l'Ouest ou du Sud.
Les vents ne prennent pas de place, avait dit le magicien. Ils sont vides. On ne les voit pas. Avec un peu de doigté, on pourrait les comprimer dans un dé à coudre. Aussi dit, aussitôt fait. Le ciel se vida de tous les vents et les tirelires de tous les sous. Même l'alizé, dont la course est rapide, disparut dans un dé à coudre.
Silence ! Quel silence ! Plus de ululement des âmes dans les arbres. Les mamans se piquaient les doigts avec leurs aiguilles et le blizard ne couvrait plus de givre les barbes des papas. Les voiles des bateaux pleuraient aux matures tandis que les planches à voiles ne sortaient plus des remises.
La mer était plate et ne se lamentait plus.
Mais, quelques jours plus tard, voilà que les nuages se remirent à se bousculer dans le ciel, au-dessus des campagnes, pressés par un vent inconnu. Non, ce n'était pas le noroît ni le mistral, ni le tramontane ni le marin. C'était le sirocco qui soufflait depuis le désert dans le ciel déserté par tous les autres vents. Et le sirocco furieux poursuivait le vieux magicien qui courait, courait en soufflant toujours plus fort et en criant "pitié, pitié".
"Meurs, meurs marchant d'illusions. Qui sème le vent, récolte la tempête" disait le sirocco.
Depuis lors on raconte - mais peut-on le croire - que les nuits de grands vents, on entend le magicien voleur de l'argent des petites filles gémir depuis les nuages en mélangeant ses larmes de repentir à la pluie du ciel.


Jean Botquin.

lundi 16 novembre 2009

Un article de Michel Ducobu sur les haïkus de la Chambre noire du calligraphe dans Reflets Wallonie Bruxelles La Pensée Wallonne n° 21

L’art du haïku traditionnel suit, en principe, un processus de sublimation (au sens chimique du terme), de réduction à la quintessence, à la nudité absolue du dire. Mise à nu de l’essentiel, pour reprendre les termes de Henri Brunel, spécialiste en la matière. Dans « l’Empire des Signes », Barthes avait déjà mis l’accent avec justesse sur sa légèreté, sa vacuité, son incomparable gratuité : le sillage du signe qui semble avoir été tracé s’efface : rien n’a été acquis, la pierre du mot a été jetée pour rien : ni vagues ni coulée de sens.
Depuis les grands maîtres du passé, le haïku a, bien sûr, évolué. Si la simplicité extrême reste de mise, le contenu s’est fait peu à peu plus intellectuel, plus philosophique. Il n’en demeure pas moins la forme poétique la plus dépouillée qui soit, la plus proche de l’esprit zen : être là, sans plus, sans chercher à développer un point de vue. Voir est suffisant. Voir clair et juste.
Jean Botquin a choisi la forme du haïku comme pari d’écriture et pratique d’ascèse verbale qui force à l’essentiel et la suggestion, ainsi qu’il le confie dans son avant-propos. Le résultat est surprenant : ses tercets sont subtils, mystérieux, parfois énigmatiques. Si quelques-uns s’alignent sur la tradition,

Alors il disait
La tendresse des jasmins
Au goût de poivre.

la plupart sont le résultat d’une réflexion profonde, d’une interrogation inquiète ou d’une observation ironique :

Elle répétait
Son nom avec le sourire
Cruel du matin.

Les amours souvent
Se consument sur les flancs
De volcans éteints.

Serrez vos poings
Sur une graine qui ne
Pourra plus germer.

Maximes fleuries dont les pétales s’étalent sur trois tiges fragiles…On aura compris que le poète a choisi le genre du haïku pour sa grâce familière et son immédiate séduction et qu’il use avec habileté de ses vers rapides et effilés pour créer un effet poétique autour de vérités parfois cruelles ou amères :

Tombent les mots crus
Tels des gouttes d’acide
Sur le temps perdu.

Une barque bercée
Sur l’eau finit par couler
Au fond du ruisseau.

Vaines attentes
Quand les étoiles tombent
Du ciel sur la terre.

Le lecteur fidèle à l’esprit de Bashô sera certes désorienté par la couleur sombre et la complexité de certains vers. Mais à chacun son parcours, son compagnon de route et sa chambre de méditation et de calligraphie !...


Michel Ducobu

jeudi 12 novembre 2009

Quelques haïkus de saison.

























Arrière-saison
Quelques ailes humides
sur l'herbe en pleurs
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Le soleil rabat
Sa course sur le noyer
Les noix s'écalent
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La nuit s'engourdit
Les paniers regorgent de fruits
L'âtre crépite
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Lourde campagne
Sous les mottes de terre
Les nuages courent
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Les coteaux pâles
Sèment des brumes froides
Aux pieds des vallons
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Un bruit d'horloge
Réchauffe le temps qui fuit
D'un pas régulier
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Poème décédé
Au goût de vent cru comme
Une poire verte
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Un clou chasse
L'autre dans un trou percé
Par un jeu de mots
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L'écho du poème
Transporte le cri
D'un amour nouveau

Jean Botquin 11 novembre 2009

mardi 10 novembre 2009

Agenda.

Salon du livre de "Tournai la Page", les 14 et 15 novembre, j'y serai, chaque fois de 15 à 19 heures.

Adresse: Halle aux draps.
Stand ET06, à l'étage, dans la Galerie.

Je dédicacerai "La Chambre Noire du Calligraphe". A cette occasion, je solderai certains de mes livres plus anciens. Profitez en.

Quand les feuilles tombent. Douze haïkus de Jean Botquin.


Soir et matin se

Confondent en ballades

D'incertitudes


Quand meurt l'automne

L'hiver accourt sur un lit

De feuilles rousses


La robe rouge

S'accorde au voile blanc

Qui se dénude


Elle ne sent pas

Le givre des caresses

Aux doigts cupides


Rouge aux lèvres

Fondu sur des mamelons

Désir d'un rêve


Léchée par le feu

Priant d'une voix rauque

Le ventre ouvert


Dors sur l'oreiller

Et le tapis de feuilles

Le visage offert


Cheveux dénouées

Pousse ta langue entre

Tes dents brillantes


Sa chair fragile

Se réveille par quelque

Frisson de la peau


Elle danse en rond

Entre les arbres qui perdent

Leurs feuilles jaunes


Déshabillée elle

Porte un doigt lumineux

Au bout du sein droit


Cueille la perle

Dans l'huître entrouverte

Avec les lèvres


Jean Botquin 10 novembre 2009

dimanche 8 novembre 2009

Rengaine dégaine. Inédit. Jean Botquin.


Henri et Marien
Henri pauvre Henri
Ta maîtresse est partie
Plus de fil à la patte
Ta bourse
Elle est plate
La bourse
Tu sais bien
Qui ne sert plus à rien
Vidée peu à peu
De tout son gratin
Sucée jusqu'à la moelle
Par la mante carnivore
Mais oui qu'elle disait
Je t'adore je te dévore
Henri pauvre Henri
Ta maîtresse est partie
Elle s'appelait Louise
Lou-Lou mon p'tit loup
D'abord pour Henri
Puis tous les amis
Aujourd'hui partis
Eux aussi
Louise est partie
Retrouver Marien son mari
Requinquée part tes soins
Cajolé par ta bouche
Chatouillée par tes mains
Marien beau Marien
C'est ta Lou-Lou qui revient
Regarde je suis belle
Chaude comme un jour d'été
Fraîche comme un lys
Mince comme un fouet
Juteuse comme une pêche
Vicieuse comme une catin
Marien mon Marien
J'ai joui pour rien
Tous les soirs et matins
Maintenant c'est fini
Henri ne me dit plus rien
Jean Botquin

vendredi 6 novembre 2009

Géométrie du point mort. Inédit. Jean Botquin.

Il l'assoit
En équilibre
Au centre du cercle d'ombre
Dans le périmètre de l'incertain
Il la place
Statue de cire
Aux hémisphères glacés
A l'intersection des méridiens
De leurs pensées
Son rire éclate
En billes d'acier
Et étincelles minérales
Son rire explose
En cascades
Du fond de son gosier
Ricoche sur l'émail
Et le transperce
De ses couteaux
Il la dépose
Robot géométrique
Entre les parallèles
De sa désincarnation
Son rire remplace
Les béances de son regard
Son squelette danse
Sur les charnières
De l'inconscient
Il l'assoit et la place
La déplace et la repose
D'une case à l'autre
Sur l'échiquier
De son rire
Où elle s'expose.
Jean Botquin

mercredi 4 novembre 2009

Les quatre bigotes.. Ritournelle inédite d'un jour très lointain.

Dans un salon de thé
Celui qu'on sirote
Á petites lampées
Papotent quatre bigotes
Au collet monté

Madame Claire de l'Incompétence
La femme de l'huissier
Chante de sa voix aiguë
De l'intelligence la vertu
Entonnant de tout coeur
L'hymne à la joie sereine
D'un Beethoven claironnant
Ses kermesses foraines

Ses yeux volent au secours
De Madame Chaste de la Pudibonderie
Qui écrase sous ses dessous
Entre ses fesses rondes
La moiteur de sa honte
Faisant semblant d'ignorer
Ce qu'il faut cacher
Á la face du monde

Quant à Colombe du Saint Esprit
Cette dame blonde au petit esprit
Elle inspire cela va de soi
Grâce à l'excellence de son quant à soi
La piété revêche des grenouilles
De bénitier du dernier évêché
Tombé en quenouille
Au sein d'une Église du siècle passé

Et parmi ce quatuor
Trône enfin la ténor

Madame Particule de l'Avarice
Qui dispense sans artifices
Quelques conseils et radotages
Datant tous d'un autre âge
Enrobés de salive
Sur la glisse de ses vocalises.

Jean Botquin

Bien entendu toute ressemblance avec des personnes connues est le fruit du hasard et d'une malveillance de mauvais goût de ceux qui l'auraient imaginée.