jeudi 28 juillet 2011

Haïkus d'un été d'intérieur (suite) de jean Botquin

Par le saule pleureur
Les fleurs bleues de l'hibiscus
Se font consoler

Le vocabulaire
Se tait et parle sourd-muet
Dans le dictionnaire

Trois haïkus récents de Danielle Popeler.

Brume d'automne
Vol de canards sauvages
Gorges nouées

Crinières au vent
Liberté retrouvée
Ruades de joie

La pie voleuse
S'accrochait bec et ongles
Au sac de l'humour

mercredi 27 juillet 2011

Cristal. In Le Front Haut de Jean Botquin

Une bombe de cristal ? Non, rien qu'un souffle d'antarctique mélangé à du sable en fusion.
Le cristal, s'il vibre trop, s'il chante trop fort, se brise, se pulvérise. Alors, il peut nous percer le tympan et nous griffer le coeur. Alors, parfois, des aiguilles de cristal se logent sous les ongles et jusque dans la peau de notre âme.
Le cristal est comme un cri transparent et léger. Peut-être est-ce une voix de séraphin qui a perdu la tête ? Il est riche de brisures et d'éclats intérieurs. Se composerait-il de roches, de roses, de larmes pétrifiées, de pierres translucides, de regards limpides ?
Possible, mais je ne sais, il faudrait chercher plus loin, à l'intérieur des yeux et du coeur, dans les sphères à peine écloses, dans les bulles d'amertume, dans chaque goutte de rosée et retrouver ainsi, dans les cris suraigus, les vibrations des ondes d'une voix cristalline que je n'entends plus.

jeudi 21 juillet 2011

À Immouzer-du-Kandar. Poème inédit paru sur Facebook.

Le muezzin chante Allah Akbar, à Immouzer- du- Kandar
Avant la clarté du matin, il chante, le muezzin
tandis que les oiseaux s’éveillent

Elle
elle dort encore
un goût d’étreintes d’hier sur les lèvres

Lui ne dort plus

Il la découvre découverte
allongée dans un nid de souvenirs
dans un lit défait

Il la découvre encore ouverte dans un espace d’amour
dans un nœud de soupirs

La nuit chaude a fraîchi
le muezzin chante Allah Akbar
à Immouzer du Kandar

Ses rêves se sont enfuis comme une nuée de sauterelles
à l’apparition d’une nuée de moineaux

Elle est là dans toute sa longueur, dans le frémissement de sa peau
habitée par une mer de tourterelles blanches
prêtes à s’envoler dès son réveil
dès l’émergence de ses regards
à la pointe du jour

Elle est là entourée de tiédeur et de silence
disposé autour du triangle d’ombre et de velours humide
qui déjà s’éveillent dans son sommeil

Il est là dans sa respiration qui effleure sa bouche encore endormie
alors que les oiseaux s’ébrouent dans la rosée d’Immouzer-du-Kandar
et que chante le muezzin Allah Akbar

Jean Botquin

mardi 19 juillet 2011

Litanie pour la rose d'hiver. Poème inédit de Jean Botquin

Litanie pour la rose d’hiver

C’était l’hiver et la nuit
Quand naquit une rose tardive
Blanche et brûlante de froid

Dans le ciel immobile elle glanait des étoiles
Les pétales épanouis
La rose s’amincissait dans la nacre et l’argent

Elle dardait ses étamines vers le ciel immobile
Immense dôme serti de pierres précieuses d’un orfèvre fou
Elle jetait des regards vers la voie lactée et sa flore nocturne

Rose née dans le creuset d’un cœur antarctique
Rose nue dressée sur les ergots de ses épines glacées
Rose issue d’un cloître de vierges stériles
Au sein de l’hiver et de sa nuit sans lune
Au sein des ténèbres étoilés d’un Nord désertique

Rose dont le parfum transcende les parfums oniriques
Aux alcools saints des sacrements et divines magies
Rose qui se joue des caresses d’été et des idoles perfides
Rose écartelée par tous les offices des mers gelées
Rose gracile comme un chant qui s’éteint sous la neige

Plus rien ne pourra sauver ta froide nudité
Ton corps svelte et tes jambes galbées à la manière
Des flutes de cristal où je bois mon champagne.

Haïkus d'un été d'intérieur.

L'ombre des roses
S'effeuille dans un bruissement
D'ailes de soie froissée
+
Deux estampes annoncent
Leurs guirlandes de désirs clairs
Mais parcheminés
+
La fée meurt de joie
Devant un paysage
tracé à l'encre de Chine
+
Planant dans l'espace
On finit tôt ou tard par
Se mouiller les pieds
+
Baisers rabougris
Pareils aux vieilles figues
A la chair durcie
+
Une rose aphone dort
Pendue aux cordes vocales
Subtiles d'un ange
+
Pense à la rose qui
Une nuit d'hiver ouvrit ses
Pétales de givre
+
Jean Botquin

lundi 18 juillet 2011

Peut-être oui mais parfois ça m'arrive. Texte repris à la Mer Occitane.

Peut-être oui mais parfois ça m'arrive d'aborder la nuit les ruines de l'île la plus éloignée de la mer occitane d'où dérivent les châteaux tels des navires sur des brumes de pierres telles des coques ébréchées dans le mugissement des trompes marines et des sirènes de guerre

Ils se perdent en châtre-murailles en trompe-l'oeil en mansardes closes
en portes condamnées avant que de servir en fenêtres murées avant que de s'ouvrir en couloirs n'ayant jamais mené nulle part sinon vers la vase des ports où grouillent des créatures bifides hermaphrodites se nourrissant de limaces aveugles et de mollusques écrasés nains incapables de se hisser hors des cloaques dans lesquels débouchent les caves et les celliers abandonnés

Depuis l'éternité ils fomentent d'obscurs travaux sous des monceaux de gravats puants surnageant à peine les débordements des marées

Aux équinoxes les architectes fous
s'enlisent dans les marécages des desseins et des plans dont l'absurdité torture le cerveau de ceux qui survivent encore aux sangsues sanglantes

C'est ainsi que l'on voit des édifices déments construits au départ d'un ciment craché par les gueules béantes des éléphants de mer et de poutres putréfiées par le cancer des plages se précipiter dans le gouffre des falaises sur lesquelles dansent des incubes au sexe flamboyant les ceintures dénouées sur leurs hanches aiguës

mardi 12 juillet 2011

L'heure du sommeil - Poème inédit

L’heure est tendre
Les enfants dorment
Au cœur du fruit de la nuit
Saveur de pêche
Au sein du sommeil
Fleurs de paupières baissées
Et de petites mains
D’écrevisses roses
Qui papillonnent à la surface
Des rêves

Vous dormez jusqu’à l’aurore
Vous comptez les étoiles
Vous regardez le tapis
Du marchant de sable
Qui recouvre les yeux
Tissage d’orient zébré
De rouges et de bleus

Vous êtes dans les bras tranquilles
Des houles lentes des mers
Combien de sourires apaisent
Vos peurs d’oiseaux
Combien de baisers calment
Vos craintes
Enfants qui êtes
Endormis

Jean Botquin

Quand le regard s'embrume

À Nicole

Quand le regard s’embrume

Au fond des yeux grésille
Mon kaléidoscope
Fragments de verre
Où se dédoublent les mensonges de la vue
Images superposées qui troublent la vérité
Puzzle perturbé aux oriflammes d’or
Aux gueules de sable
Fractions de lumière
Issues de cristaux explosés

Les couleurs divaguent
Se mêlent aux vagues
Créent mon vague à l’âme
Je remue les images
Qui perdent la tête
S’abîment déroutées
Au fond de mes yeux
Où elles s’embrument
Parmi les paysages qui tremblent

Ah que d’horizons
Embellis par le chant
Des arcs-en-ciel
Et par la douleur refoulée
Des larmes


Jean Botquin

mercredi 6 juillet 2011

Fernando Pessoa, grandeur nature au Brasileira à Lisbonne




Asseyez-vous à sa table et prennez un p'tit café avec Fernando Pessoa. Il vous dira peut-être:


Seul, sur le quai désert, en ce matin d'été,

Je regarde du côté de la "barre", je regarde l'Indéfini,

Je regarde, et j'ai plaisir à voir,

Petit, noir et clair, un paquebot qui entre.


Début de l'Ode Maritime. (Alvaro de Campos)

lundi 4 juillet 2011

Les témoins disparus. Poème inédit de Jean Botquin

Les témoins disparus

Embrasée la plaine de nos témoins
Sillonnée par des antilopes désemparées
Aux regards éclairés de fureur noire
Les pupilles crucifiées par la course
Dans les herbes aiguës des savanes

Embrasée la plaine des derniers témoignages
Par tant d’atroces orages
Portés par des pluies diluviennes
Au large des fagnes méprisées
Alors que piétinent
Les palétuviers enlisés
Dans la boue des mangroves
Et coulent les euphorbes blessés

Embrasée la plaine des non-retours
Sombrant sous des nuées de sauterelles
Ou sous des tempêtes de sable noir

Où sont les sentinelles de nos émotions
Qui tremblent dans la chaleur des mirages
À l’insu des rêves tropicaux
À l’extrême des marécages
Et de l’haleine fétide des oiseaux carnassiers

Les lances de nos mensonges sont dardées
Sur nos cœurs
Elles portent la mort aux témoins éperdus
De nos démarches inutiles
Pareilles aux caravanes qui se perdent
Dans les déserts circulaires

Février 1987