samedi 30 novembre 2013

Les anges noirs

Des anges noirs se baignent à marée haute tels
des cygnes égarés sur les flots
Quelques pleurs de guitare résonnent encore
avant la tempête qui s’annonce à l’horizon
Des vents lointains mugiront bientôt
En soulevant des nuages processionnaires
au-dessus des plages enténébrées

Debout il compte les coutures de son ventre
Il les touche de ses doigts
Il pense qu’il a beaucoup vieilli
Son corps se recroqueville dans son cerveau
Il entend l’écho de voix guerrières
Dans ses oreilles se succèdent le froissement d’étoffes rugueuses
et le vagissement des algues

Le temps de l’horloge est révolu
Quelques baigneurs passent en pleine nuit
Ils passent mais ne s’arrêtent pas
Leurs pas crissent dans le sable
Ils vont et marchent en attendant la vague
porteuse d’espérance

Cependant
Pour espérer il faut croire
Croire aux arbres
Les noyers et les cèdres
Les oliviers et les cyprès
Les acacias du désert

Mais le temps s’est arrêté au minuit des indicibles


J.B. novembre 2013

vendredi 15 novembre 2013

Le Sacre de la mer occitane

Et alors comme un sacre
comme on entre dans une église
ou une maison occitane réverbérée
par les mers qui les épousent toujours plus
qui s'épanouissent par les porches ou les vestibules
du silence et de la pureté de nos sens

anoblis par l'adoube de notre nudité
et de notre fragilité
et de ta beauté
par l'exubérance de ton corps
en mouvement marchant vers la délivrance intérieure
sur les sentiers de sable sur les tapis de fleurs
sur les pelouses ombragées des arbres de vie
s'élançant vers le ciel et qui nous recouvrent
de leurs bras de feuillage et de leur amour intemporel

Et alors comme dans les noces les plus
longues de l'aube au seuil des matins solitaires nous embrassâmes toutes les roses tremblantes de la nuit occitane
derrière les portes abandonnées derrière les paravents de fraîcheur où s'étaient réfugiés les oiseaux
après notre réveil et plus loin encore
derrière les haies des jardins où toutes les saisons s'effeuillaient tels les astres amoureux à la pointe du jour

Et alors les greniers se remplirent du vol des oiseaux que les lucarnes accueillaient à bras ouverts et les coffres anciens soulevèrent à leur tour en grinçant leur couvercle pour laisser s'échapper les crinolines impatientes
les soies fébriles et les chevelures de vieilles poupées assoupies dans l'oubli

Et alors les jardiniers apparurent vêtus d'adolescence
Les statues perdirent leur insolence Les promeneurs se prirent par la taille tandis que les enfants poussaient leurs cerceaux vers le fond des jardins.


J.B. Dernière page de "La mer Occitane"

samedi 9 novembre 2013

Oui parfois ça m'arrive

Oui parfois ça m'arrive
conscient ou inconscient
harponné par la main froide
d'une nuit sans sommeil ou d'un astre
cruel qu'étrangle la mer glanant l'impossible
ça m'arrive alors que tu dors paisible sur l'onde
naissante où ton sommeil t'emporte
comme un esquif
un frisson de lune par la fenêtre qui t'éclaire
le visage d'un sourire nocturne
tandis que je divague toujours plus
sur les glaciers de l'insomnie
qui me supplient de ne pas les oublier comme si
c'était possible ou souhaitable
jusqu'au moment peut-être où le soleil te caressera
les lèvres avant de te réveiller avec une nuée
d'oiseaux qui portent sur leurs ailes le visage
d'une vierge endormie et la promesse
d'une remontée silencieuse
à la surface de la nuit débouchant
sur la fontaine du jour
où frémiront le triangle d'ombre de la rencontre
et la crypte au velours humide
dont s'écartent les lèvres
afin d'accueillir la mer des tourterelles
goûtant encore les étreintes d'hier
et leurs chuchotements

J.B. in "La mer occitane" p.65

LE DERNIER VOYAGE A COMMENCE

Maintenant le dernier voyage a commencé l'empreinte nouvelle 
dans l'empreinte ancienne
à travers la longue plage déserte
de la côte occitane
immobile
entrée en cette vacuité de l'âme d'où naît le renouvellement
et l'oubli du passé
et la marche du temps
et les instants d'éternité
le temps d'un reste de vie
dont chaque moment compte sur les vingt doigts
qui me restent
et dont je te serai redevable
comme de tout désormais

Maintenant j'écris nu
sur la plage dans la position de ceux
qui adorent la vie et le soleil
j'écris sur le papier bleu
du ciel de tes yeux
la plus longue lettre d'amour
que j'ai jamais écrite

Nous nous sommes baignés
une dernière fois avant de partir
dans la liberté de n'être rien que nous-mêmes

La mer s’évapore de nous
comme d’une robe de pluie
comme d’une robe de lèvres
le soleil se fraye un chemin dans les creux
les plus intimes de nos corps
qui s’ouvrent sous la lumière

JB in "La mer occitane" p.66-67

mercredi 6 novembre 2013

La mer fenêtre de mon écriture.

Oui
la mer
fenêtre de mon écriture
où vagabondent les vagues enchaînées qui
roulent multicolores sur la glauque résonance des
galets et sur les coquillages tapissant les plages où

crissent nos pieds nus miroir des algues marines
ridé par le roulis des nuages refuge des pêcheurs de
roches volatiles aux aurores d'écume banc de
dorades aux écailles électriques en fuite des
vagues affolées par les étoiles de mer perdues loin
des ancres fantômes des bateaux ivres loin de tes
seins dorés émergence lyrique des flots surpris par
ta nage profonde comme l'amour qui me dresse à
t'attendre sur le rivage jusqu'à ce que je te renverse
dans l'éclat des mouvances bleues à la manière
d'un pêcheur retrouvant l'origine
de la mer et le sel des bouches
desséchées par le soleil occitan
tandis que je te soude à mon
corps insatiable et que
ton cri épouse mon
cri triomphant
à l'aube de
la mer
OUI


J.B. in "La mer occitane" p.50

La statue brillante



Alors que le jardin se remplissait d'allées et venues
de chants portés à bout de voix parmi les roses trémières et les lilas dont se parfumaient les statues
les seules qu'on aurait pu trouver sur son chemin et qui parlaient un langage incon
nu
sculptant des brûlures profondes
dans l'écorce des derniers cerveaux
à l'écoute de nos mystères

alors que des promeneurs attardaient leurs regards sur les statues de chair dressées
dans la froide impudeur du marbre

alors que l'éden de nos ardeurs prenait la teinte des aurores de l'hiver

alors marchaient leurs ombres qu'ils avaient égrenées
dans leur sommeil
comme un chapelet d'angéliques amoureuses au milieu
d'un ballet désordonné
de statues brillantes
et de sourires d'enfants ironiques
au-delà de leurs cerceaux
qui faisaient des cercles
de plus en plus grands dans le jardin
comme des orbites stellaires

J.B.in "La mer occitane" p
.20

vendredi 1 novembre 2013

Tu me regardais

Tu me regardais
toi la femme de la cinquième saison
qui me faisais naître de ma chrysalide
vieil invalide des temps jadis
papillon de la nuit de ma jeunesse
enfin éternelle

J'étais ton accouché
toi ma fille
née du crépuscule des conches
au vert profond des calanques

Je ferais de toi la soeur d'un poème
l'amante de mes paroles
la maîtresse de mes refrains
la mère de mes chants
les plus tendres

Je te porterais sur les mains nues
de nos plages
je serais ton père et ton frère aîné
interdits
l'amant de toutes les nuits occitanes
le pêcheur attentif de tes plaisirs
enfouis
au plus profond
de la mer

J.B.in "La mer occitane" p.49

Le jardin de la côte occitane

De jardin en jardin
au bord des côtes occitanes
sous le souffle de la tramontane
alors que des maisons jadis se sont enfuis
les voleurs de nos incertitudes passées

toutes portes et fenêtres ouvertes
aux nouvelles écritures symboliques
d'un soleil sur l'extrême nudité
de la terre déraisonnable

toutes portes et fenêtres ouvertes
sur l'accueil des plages
où nous avons choisi de crucifier nos corps
dans le septembre tardif de ma vie
le phallus d'or plongé dans le cercle de ta parole
et le renoncement et le refus de la vieillesse
et la reconnaissance d'une vie nouvelle
comme une Amérique
dont le vent nous grifferait enfin
les yeux à peine ouverts
encore endormis sur la naissance
celle qui fit ce que tu fus
dans le jardin du bord de la côte occitane

J.B in "La mer occitane" p.23