vendredi 28 février 2014

Chocolat con churros.

La Plaza Major
Un chocolat con churros
Derrière les piliers

J.B.
Plaza Major à Madrid

mercredi 26 février 2014

Haïku de Madrid

À Madrid une foule
Microscopique s'étend
Ballet de printemps

J.B.

Petits personnages collés sur un panneau
Feria d'art Contemporain 2014.

mercredi 19 février 2014

L'éveil. Une brève extraite du Front Haut.

L'éveil
Ils s'étaient réveillés l'un à côté de l'autre. Ils ne savaient pas qui des deux s'était réveillé le premier. Mais, éveillée, elle lui paraissait plus morte qu'endormie, comme si le sommeil lui avait ôté la vie. Elle lui faisait signe de son regard gelé, de son regard qui bougeait à peine ou qui cesserait bientôt de bouger.
Il ne savait pas s'il était de ce côté ou de l'autre. Lui disait-elle des choses qu'il ne comprenait plus, parce qu'il en aurait oublié l'existence depuis trop longtemps ? Ou, au contraire, ne disait-elle rien alors qu'il pensait avoir entendu qu'elle parlait ? Peut-être était-ce lui qui chantait d'une voix intérieure cherchant à étouffer sa propre voix - qu'il n'aurait pas reconnue - dans l'oreiller.
Quand ses mains se mirent à chanter telles des ailes blanches, on aurait pu espérer qu'il comprendrait ce qu'elle disait enfin. Cependant, il était dans son dernier rêve, celui qui précède chaque fois l'éveil, et dans lequel elle lui était apparue presque aussi froide qu'elle n'était au moment de s'éveiller.
On peut se demander s'il avait vraiment dormi, même s'il n'avait pas veillé toute la nuit à côté d'elle qui aurait fait semblant de dormir ou qui aurait choisi de mourir. Comment savoir s'il ne l'avait pas tuée en ne l'écoutant plus chanter de ses ailes blanches et en ne comprenant plus pourquoi ses yeux se taisaient.

Jean Botquin.in "Le Front Haut"

Dessin à l'encre de chine et à la fumée de lampe à pétrole
de A-M Mermoud. Genève

samedi 15 février 2014

En prélude à la Saint Valentin.

En prélude à la Saint Valentin.

Le galop

Ils galopaient à vive allure, tour à tour, la jument à la fine encolure serrée entre les cuisses de son cavalier qui lui battaient les flancs comme un dieu épris des vents, comme un fou montant à l’assaut de la démence, et l’étalon qui l’entraînait au rythme de la fougue de sa cavalière courbée sur le dos de sa monture, l’étreignant par la crinière, dansant sur ses reins et sa croupe à chaque rebond de la route. Ils galopaient, l’un et l’autre, tour à tour, sans que l’on puisse les distinguer, sans que l’on puisse seulement deviner laquelle des deux montures montait l’autre à folle allure sous la forêt des branches trop basses qui les griffaient au passage. À travers le gué des rivières, plus loin toujours sur les plages et la mer et les vagues qui déferlaient jusque sous leur ventre où elles éclataient contre leurs jambes en gerbes d’écume. Et leurs naseaux fumaient et l’amour les faisait se dresser dans le soleil où leurs robes écumaient de lumière. Et c’était un galop effréné dont on pouvait dire qu’il ne finirait jamais en entendant le bruit des sabots pinçant le sol avec une violence inouïe et toujours renouvelée. La folie de leurs corps écartelés par la transe et par leur course, leur ventres renversés et unis comme si l’étalon avait épousé la jument ouverte par violence, écrasée par la danse. La folie de leurs jambes ancrées, toujours plus vite, toujours plus fortement afin qu’elles ne cessent d’exaspérer la folie de leurs dos renversés. Ainsi passaient-ils depuis longtemps sans que l’on puisse les distinguer ni même deviner lequel des deux montait l’autre. On voyait les chevelures et les crinières enmêlées, les croupes écartées par l’effort superbe des montures.On croyait même qu’elles renâclaient tellement leurs fougues étaient confuses et contradictoires, tellement les hennissements de joie faisaient penser à la haine et au désir puissant de maîtriser l’autre et de le posséder. On ne pouvait pas les empêcher de galoper ainsi toujours plus loin, la jument ou l’étalon monté d’un cavalier ou d’une cavalière, pour échapper à l’angoisse qui les poursuivait dans les sous-bois, les prairies, les vallées, les plages…on ne pouvait pas.

Jean Botquin.

En vérité tu es le vent.

En vérité tu es le vent
Quand je ferme la porte derrière moi
Le vent d’ouest qui court sur le plat pays
Tu es le vent qui saute
Vers l’estran et les dunes
Tu es le vent d’automne

En vérité tu es le soleil
Tu caresses mon corps nu
Étendu au soleil du milieu de l’été
Ma peau se hâle
Sous ta tendresse
Les nuages fuient sous ton regard

En vérité tu es la pluie
L’onde qui me rafraîchit
Et soulage mon esprit
Le soir quand tout s’assoupit
Quand le soleil a disparu
Derrière les toits de la ville

En vérité tu es le vent
Le soleil et la pluie
Le printemps l’été l’automne
Et l’hiver
Toutes les saisons
Le sel de ma vie

J .B

dimanche 9 février 2014

Les silences à l'ombre des heures.

Il glanait les silences à l’ombre des heures
Il égrenait un chant solitaire
Tel un chapelet de corolles
Qui la nuit s’ouvraient
Comme en plein jour

Les saisons se feutraient de sommeil
Les espoirs s’endormaient
Au sein de l’attente
On pensait que l’espérance
Avait oublié d’hiverner

Sous les ponts de feuillages
Les heures silencieuses
Entraînées par la course du temps
S’arrêtaient seulement
Aux points d’orgues de nos portées intérieures

J.B.

mardi 4 février 2014

Cimetière.

CIMETIÈRE

Quittant l'amarrage des ports imaginaires,
Mes longs fantômes
Que l'aube disloque dans la brume des appareillages
Glissent sur le faîte des tombes, lentement
Si lentement, que déjà il est minuit
Et que se creusent les visages baissés sur l'espoir.

Les voiles voguent, pendant aux croix,
Quand le cri de la folle s'érige
Telle une lame saillant de la chair
Pour s'éteindre en sanglots parmi les roches.

Tandis que se meurent les ailes
Blafard, le visage colle ses lèvres à la grille,
Lèche la rouille, et saigne !

Et cette main agrippée à la pierre
Comme une griffe I - 0, grandit, grandit toujours.

Alors que glissent mes longs fantômes.
Pâlisse l'horizon : emportée, la prière souffre
Au loin sur la brise des morts.

Jean BOTQUIN. Poème publié en janvier 1955, dans « Lettres de Poche », à Louvain pendant mes études de Droit.

Un poème paru en 1953 dans Tentamina

C'est une joie qui transforme, parfois
Une larme de soleil sur une flaque d'eau
Une larme qui tombe et tombe encore
Toujours ...
Une perle dans une mer,
Le sable d'or d'une mer bleue, enfouie
perdue dans la nappe étendue.
Puis une pureté soudaine qui s'accroche et fleurit soudainement
au milieu d'une nuit :
Un rayon d'argent.:
Puis des lèvres
ô ces lèvres
lèvres roses, alors bleues.
Supplice : chair, corps, chairs vives.
Puis la joie d'une larme de soleil tremblante
Au bord des paupières lasses
Au bord de quelques cils.
C'est une blancheur obsédante :
elle scintille, elle est tentante,
Une blancheur
Et tout est noir.
C'est une lame qui vient
S'arrête
Et puis revient ...

Jean Botquin
octobre 1952, publication dans Tentamina (Les cahiers Littéraires des jeunes universitaires catholiques- Louvain)

Roger Brulard, docteur en droit, décédé récemment à Mons, Président du Cercle de Littérature de l’Université de Louvain, à cette époque, était le rédacteur en chef de Tentamina.