vendredi 29 mai 2009

Mon Amour,

Sous le feuillage de mes chênes, je vous écris. Le vent est tombé, la chaleur me fait penser à vous qui savez m’en entourer. L’ombre du chêne que j’ai choisie pour vous écrire cette lettre est celle dans laquelle nous avons eu notre dernier échange avant que vous ne partiez. La même douceur, la même lumière. Vous vous souvenez ? Il faisait un temps magnifique. Les collines, au loin, fuyaient, de courbe en courbe. On voyait les brumes monter des vallées. Bientôt elles s’étendraient en couches irrégulières teintées de safran et de pourpre sous les derniers rayons de soleil.
Toute la journée nous avions tu notre tristesse, nous donnant le change afin de ne pas ternir les instants précieux que nous avions la chance de vivre encore. Nous nous étions levés tôt, écourtant nos moments de tendresse passionnée du lever du jour. Vos regards embués m’avaient prévenu des heures fragiles qui risquaient d’abîmer nos prochains souvenirs. Nous avons choisi la sagesse de ne pas verser dans le mélodrame.
Vous avez arboré cette robe blanche bordée de dentelles que j’ai si souvent pris plaisir à faire glisser à vos pieds mais que je ne vous ôterais pas à nouveau, gardant en mémoire votre apparition nacrée que tant de fois j’avais baignée dans mon désir amoureux.
Refuser de vous toucher, inventer des caresses dans la subtilité de nos pensées, nous promener par les allées flanquées de cyprès disciplinés comme en Toscane, en nous donnant la main à la manière de ces gens en vacances, boire un verre de vino nobile rafraîchi à la terrasse d’un hôtel qui nous avait accueilli en des moments de passion urgente et me contenter de la douceur de vos sourires émerveillés.
Avons nous réussi à tenir notre pari silencieux, à respecter notre souffrance en la remplaçant par cette sérénité nouvelle que nous devrons apprendre à vivre et que nous adoptions déjà en ces quelques heures précédant votre départ. Je le pense.
N’attendez pas trop longtemps avant de m’écrire. J’ai hâte à redécouvrir votre écriture serrée aux jambages minuscules, aux lettres qui s’épousent dans une sorte d’impudeur pour former des mots dont la beauté me bouleverse.


En attendant de vous revoir, j’irai retrouver notre chêne, souvent, à l’automne je l’empêcherai de perdre ses feuilles. Je n’irai pas graver nos initiales ni clouer votre cœur dans son écorce. Je lui parlerai comme je vous écris.
Et il me répondra.

Je vous aime.

lundi 25 mai 2009

Du Haïku japonais aux chefs-d'oeuvre de la peinture chinoise

Voici le courriel que je viens de recevoir de Clio. Je ne puis résister à la tentation de l’importer dans mon blog et de vous le faire connaître. Grand merci Clio pour ce moment d'émotion.


"C’est superbe !!!
Merci à mon amie Francine ( de Corse ) pour cet envoi .
Bisous à tout le monde et bonne semaine .
Francine Clio ."


"Déplacez le curseur de long en large. Lorsque vous verrez apparaître des cadres blancs, cliquez sur ceux-ci. C'est un tableau très célèbre en Chine. Les gens font la file pendant des heures au Musée de Shanghai pour le regarder. Ce tableau a été peint vers 1085-1145, pendant la Dynastie de la Chanson Du nord. Il a été repeint pendant la Dynastie Qing. Il mesure 5m28 de large et 24,8 cm en hauteur. Il est considéré comme un des Grands Trésors de Chine et a été exposé dans le Musée d'art de Hong-Kong, l'année dernière. Contrôlez la vitesse de déplacement avec votre souris. N'oubliez pas de cliquer à l'intérieur des carrés blancs et allumez votre son.
http://www.npm.gov.tw/exh96/orientation/flash_4/index.html
C'est incroyable. Prenez le temps de tout regarder. Souvenez-vous de cliquer sur les carrés blancs quand ils se montrent [il y en a 3] et mettez le son."

N'est-ce pas merveilleux?
J'espère que vous lirez les haïkus de la Chambre noire avec autant de plaisir que vous avez eu à regarder cette peinture doublement vivante.

dimanche 17 mai 2009

Abbaye de Bonne Espérance


De vieux pavés à l'ombre de la lumière

Le ciel s'est éclairci mais la terre est noire


Le collège de l'abbaye



Dans un écrin de verdure, une tour se dresse, trapue entre les peupliers




Très loin d'anciens terrils se profilent comme des collines





Oasis de paix que l'on atteint à travers champs et chemins percés d'ornières

pleines d'eau et d'argile glissante


De temps en temps un tracteur emprunte la courbe du chemin en venant de la ferme de l'abbaye

en direction de Binche







vendredi 15 mai 2009

Sortie de presse de la Chambre noire début juin 2009

Pour lire les textes veuillez double-cliquer.
Ouf, le travail est bouclé. Mise en page, préface (voir message du 15 mai), avant propos, couverture, 4ème de couverture, correction des épreuves. Mes haïkus sont prêts à conquérir le monde de leurs 17 syllabes. C'est ma treizième publication et huitième recueil de poésie. J'ai confiance. Les Éditions du Cygne travaillent vite et bien, c'est un véritable plaisir.
12 € hors frais de port pour 230 haïkus, qui dit mieux ! Envoyez moi un mail de commande je me charge du reste à partir du 15 juin.
Vous avez vu la couverture ? C'est un morceau de mon pommier qui nous comble de fleurs chaque année. Toutes les fleurs sont apparemment pareilles, mais à regarder de plus près elles sont différentes, toutes ont leur individualité, leur personnalité. Chaque haïku est un instantané qui fixe son image sur le temps qui passe. Les instants se suivent, ils se ressemblent et pourtant...

jeudi 14 mai 2009

Respiration - Préface de Piet Lincken pour La chambre noire du calligraphe

RESPIRATION

Est-ce parce que l’on emploie un verset de 17 syllabes, disposées selon la science du haïku japonais -une seule ligne en japonais-, que l’on écrit un haïku? Certainement non. Et c’est là que se trouve la difficulté à la fois de parler du haïku et d’en commettre. Car, au fond, manier, dans notre langue occidentale, les finesses de cette écriture poétique est proche de la gageure. Certes, l’esprit peut y être, c’est-à-dire la brièveté, le moment présent, le lien de l’homme à la nature en fonction des moments de la saison (le kigo), les paysages, parfois de l’ironie et une certaine trivialité, etc. Mais, vraiment, comment savoir que « l’esprit y est », sans tomber dans un exotisme de pacotille?

Ne ratons pas l’essence même de cette poésie. Qui est déjà l’image directe, sans béquille philosophique, comme Buson (1716-1783) le souhaitait. Et depuis Buson, la période d’Edo, qui va jusqu’en 1868, beaucoup de choses ont changé, et ce déjà au Japon. C’est l’ère Meiji qui tourne le dos avec une certaine conception stricte des règles venant de Bashô (1644-1694), avec Shiki (1867-1902), fondateur du haïku moderne (on parlait avant de haïkaï), et bientôt le poète Kawahigashi (1873-1937) qui, anti traditionaliste, va ouvrir le haïku vers l’exploration existentielle de l’être. D’autres suivront, dont Nakatsuka qui mènera au haïku de « forme libre », rejetant la structure classique et l’usage du mot-saison. L’influence de la littérature occidentale a bien sûr poussé à ces remises en cause, faisant puiser le genre dans des considérations politiques, humanistes, sociales, l’épouvante d’Hiroshima donnant finalement à cette poésie une dimension pathétique, l’hiver nucléaire devenant une nouvelle saison, celle du néant…
Et pourtant. La simplicité reste de mise, la clarté du mot, la concision, un langage ambigu qui permet une multiplicité d’associations, et donc d’une liberté d’approche, dont le lecteur peut faire sienne puisque cette liberté, ces espaces entre les lignes, est un jeu de l’esprit et de l’œil, un jeu éminemment cosmique, qui retourne la pensée comme une formule zen.

Un jeune homme vient
en toute innocence
pour poignarder

écrit par exemple Abe Kan’ichi (né en 1928), nous jetant à la fois dans l’inachevé et dans la prise de conscience d’un fait, à la manière d’un traumatisme qui s’avère libérateur de la conscience au point de déplacer les repères commodes de l’ordinaire.
Il est inutile de rappeler les expériences de divers ordres menées autour de cette écriture dans la littérature occidentale du XXème siècle à commencer par Kerouac, Philippe Jaccottet, Guillevic, Bonnefoy, ou sur un autre registre Christian Dotremont et ses logogrammes, mais c’est sur ce registre de l’espace et de l’immobilité silencieuse que se crée encore le haïku ou ce qui s’en rapproche.
Et c’est cela que nous sentons dans ces textes de Jean Botquin. D’abord, l’effort de passer par le filet de cette forme, de traverser ces mailles comme l’on se purifie de quelque chose de lourd et d’encombrant, il y a de la catharsis dans ce travail, pour qui s’aventure à cet effort et s’en remet au dur labeur (le labeur de celui qui reste sous une giboulée de grêles pour ramasser les pommes). Ma foi, nous l’attendions bien de la part d’un poète qui titra par exemple l’un de ses recueils Le Passeur d’un fleuve trop court[1]. Ou bien encore cet « Itinéraire », extrait de Le front haut[2]:
« Chemin à la fois prêté et emprunté, chemin qui nous conduit vers une destination toujours inconnue. Itinéraire peut-être interdit. N’est-il pas sans arbre et sans ombre? N’est-ce pas un chemin lunaire sur les toits de la ville?
(…) Peut-être un chemin de neige où nos pas glissaient sans laisser d’empreintes. L’itinéraire semblait printanier même en hiver. La nuit, il suffisait de lever la tête pour entrer dans les étoiles jusqu’à l’aube. »
Ou plus loin encore, dans le même livre:
« Tu me demandes: ‘Raconte-moi l’eau’.
Alors, je cherche les mots qui subtilisent des voyelles à l’eau -e, a, u- des voyelles en cascade, en cataractes, en rapides, en torrents, des voyelles en ruisseaux, rivières, fleuves, mers, océans, pluies diluviennes, des voyelles de bruine, de givre ou de neige. »
Oui, il ne manquait plus à Jean Botquin que cette rencontre avec cette forme ouverte, qui permet de tout dire en taisant presque tout, qui permet d’être en continuité avec une poétique ancestrale mais toujours ancrée dans notre modernité.
Ainsi, ces textes dissociés, ces haïkus distribués et rangés en plusieurs parties m’ont-ils donné une impression de totalité, sorte de « chaînes de poèmes », donnés et repris, à la manière de l’inspiration et l’expiration d’un souffle.
Respiration donc, qui va bien loin en dedans de soi et bien loin au-dehors de soi. C’est pourquoi, il est bon de les lire, « les poumons ouverts, une dernière fois, le cœur gonflé d’espoir, juste le temps qu’il faut pour faire le pas (…) »[3].
Piet Lincken

[1] Ed. Memory Press, 1998
[2] Ed. Memory Press, 1999
[3] in Le front haut, Jean Botquin, p.60

lundi 11 mai 2009

La chambre noire du calligraphe.


"La chambre noire du calligraphe" paraîtra sous peu aux Éditions du Cygne à Paris, dans la collection Poésie francophone.

Préface de Piet Lincken.
Écrivain et compositeur belge. Poète (Des éléments premiers, Ed. Atelier de l’agneau, 2004, J’ai cru voir un dieu pour le Festival d’auteurs de la Communauté française de Belgique, 2008...), dramaturge, nouvelliste, il écrit des textes de réflexion sur la littérature et l’art (Le silence de Järvenpää, in Interférences, Passage d’encres n°34, Paris, mars 2009...). Il a organisé entre autres au Centre Culturel de l’Ambassade du Japon à Bruxelles Little suite for haïku en janvier 2009.
Données techniques:
Couverture quadrichrome plastifiée de 13 sur 20 cm, 80 pages.
Illustration de couverture: photo de l'auteur.

Prix: 12€


ISBN978-2-84924-082-3

lundi 4 mai 2009

Le pommier de notre jardin

Pommier s'inclinant
Sous la promesse de fruits
Au goût du futur

dimanche 3 mai 2009

Premier mai . Ballade en Thudinie et à l'abbaye d'Aulne

Plain chant d'ogives
Arc-boutées dans le ciel bleu
A l'orée du soir
Regard indiscret
Sur une blanche mariée
Et notes noires

Les épicéas
En rideau sur l'abbaye
Couvrent les ruines
La pierre veille
Sur les coteaux encerclés
De vertes prairies
Clique de tambours
A la gloire du pecket
En pays de Sambre
Val d'un mystère
En méandres de Sambre
Dans un miroir d'eau