jeudi 31 décembre 2009

"Mots et sang des femmes" d'Ariane François-Demeester, enfin réédité.


Voici une de mes lectures récentes que je n'ai pas hésité à préfacer, à la demande de l'auteure. C'est un recueil de poésie totalement incontournable.

Expliquez-moi pourquoi, ayant relu plusieurs fois le long poème d’Ariane François-Demeester « Mots et sang des femmes », j’ai eu envie de relire l’Ode maritime d’Alvaro de Campos, un des hétéronymes de Fernando Pessoa. Ce que j’ai fait sans plus attendre, d’une traîte, le livre ouvert entre le soleil et mon visage, allongé près de mon pommier.

Dans ces deux textes continus et presque de même longueur, il y a, j’en étais sûr, la même force, la même profusion verbale, la même richesse poétique, dont on sort envoûté, pris aux tripes, secoué, essoufflé, ému jusqu’aux tréfonds de son âme. Deux thèmes cependant totalement différents, deux poètes qui sont aux antipodes l’un de l’autre dans leur création.

Pour bien faire, il faudrait aussi préalablement reprendre la lecture d’un recueil publié par Ariane dix ans plus tôt, « Mots sans propriétaires », afin de mieux comprendre le cheminement de la poétesse vers l’appréhension du langage, vers ce stade d’une évolution où les mots sont à elle, ces mots dont elle a fait un ouvrage couronné (Prix Delaby-Mourmeaux, 1998), « Mots et sang des femmes ».

Quiconque a lu son dernier livre « Le temps des mangues vertes » sait aujourd’hui qu’Ariane est d’origine flamande; les circonstances de sa vie l’ont orienté vers le français qu’elle a donc appris plus tard. Le français n’est pas sa langue maternelle au sens strict, c’est à dire la langue enseignée par la mère, par celle qui donne la vie aux enfants, le sang, le sein et la tendresse. Ainsi, Ariane est née deux fois, cependant la seconde fois elle s’est mise au monde toute seule.

En plus de l’apprentissage du français qui deviendra sa langue d’écrivaine, elle est entrée dans le foissonnement de la faune et de la flore africaines qui s’est imposée à elle, avec sa structure verbale propre, ses sonorités vespérales et nocturnes, ses sombres résonances dont elle continua à vibrer longtemps après avoir quitté la jungle et les savanes.
Á travers cette expérience, à mi-chemin entre la préhistoire et l’histoire, Ariane découvre la génèse du langage où les mots sont d’abord des sons inarticulés – sifflements, grognements, imitations sonores- avant de s’organiser sur les créatures et les choses qui s’offrent aux regards, à l’emprise, au toucher, à l’odorat et enfin à la désignation et la signification.
Où peut-on mieux découvrir la naissance des mots que dans ce contexte archaïque où les sons viennent des femmes qui donnent naissance à la vie ?
En Afrique, le langage baigne dans un océan de couleurs, une végétation tropicale exubérante qui le transforme, chez les artistes, en une dynamique dont Ariane, à son tour, s’est appropriée avec un talent incontestable. Nous sommes loin de « Mots sans propriétaire »…

Retenons que, selon l’auteure, le langage primitif appartient d’abord à la femme qui le passe à ses enfants. Car les mots et le sang se confondent. Tandis que l’homme, ce chasseur chargé de nourrir les membres de sa tribu, n’en assure que le relais. Plus tard, cependant, vers la fin de ce poème aux allures éminemment baroques, les mots finissent par appartenir à un ensemble partagé dont l’homme fait partie.

Mais que se passe-t-il lorsque la femme renonce à jouer son rôle de metteuse au monde, d’entremetteuse de mots, elle qui détient le trésor du langage ? Par le fait de renoncer à mettre au monde, perdrait-elle le pouvoir de divulguer la parole ? D’ailleurs, est-il vrai qu’elle possède ce trésor ? Ne doit-elle pas constamment le conquérir ?
Je ne répondrai pas à ces questions dont la terrible réponse et l’affreuse souffrance constituent peut-être la partie la plus forte de ce récit-poème bouleversant.

Bien entendu, le poète qui comme tout un chacun hérite d’un langage est vite confronté au combat amour-haine qu’il porte en lui quand il veut l’utiliser et le dompter. Mettre un texte au monde, est-ce l’engendrer simplement ou le créer de toutes pièces avec beaucoup d’efforts ? La poétesse a beau affirmer :

ils sont à elle, les mots
pendant que la marée rythme le cercle
des ondes,
ils la bousculent,
elle les serre contre elle
mais il ne suffit pas de les dorloter
il est bon de les attacher par instant
telle cette lionne dont les morsures arrachent l’espace,
ou cet esclave qui dérobe la soie des discours,
ou encore ce dément propageant des cris solaires.

Cette conquête n’est jamais terminée, les mots ne se laissent pas faire et créent des surprises inattendues. La force contradictoire du poème d’Ariane François-Demeester est précisément d’affirmer cette vérité en démontrant le contraire tellement la maîtrise du verbe, dans ce texte, est grande et sa beauté voluptueuse incandescente.

jean botquin


Patch Editions, rue du Patch n°1c B1330 Rixensart Belgique. 12€.

Le recueil peut être obtenu également chez l'auteure, par la poste, au prix de 14 €, port compris.

Adresse: Ariane François-Demeester, avenue du Hoef, 26 Bte 1, B1180, Bruxelles, Belgique.




mercredi 30 décembre 2009

Les petites abeilles du musée d'Héraklion


Ce pendentif de fête (offrez le, il en existe d'excellentes copies) d'origine minoenne a été trouvé dans les ruines du site de Malia, en Crête. Il m'a inspiré le texte ci-après:


Face à face, deux abeilles,

En ce gracieux reflet de miroir,

Déposent une goutte de miel doré.


Deux abeilles, en arrêt,

Tant les vibrations des ailes sont rapides

Que leur mouvement se fige

Sous les doigts de l'orfèvre.


Et pour achever ce ballet,

Trois cercles d'or pur

Dardent leurs rayons,

Soleils ou symboles

Corolles ou miroirs

Suspendus dans l'air.


Puis, au-dessus des têtes courbées,

Une sphère en cage

Les surmonte,

Dans une ronde royale.


Pendentif ayant reposé

Où reposaient les courbes

Des prêtresses palatiales,

Reines abeilles sur le sein parisien

D'une épouse minoenne

Dont j'imagine le déhanchement,

Imprimant au bijou

Le rythme qui libère.


J.B.

mardi 29 décembre 2009

Poème inédit qui ne le sera plus. Jean Botquin.

Femmes
mélange de faces
dont l'immanence s'évanouit
dites-nous le secret qui menace
l'orgueil d'un galbe
dans l'attente de la flétrissure.

Ô saveur méprisable du désespoir.

Femmes
Seules limites à la mort et ses masques
dorés
suspendus à l'hiver tombal
qui nous échoit.

Que savez-vous des ombrages fous
des iris glauques dont la couleur tressaille
sous vos regards
et près de vos lèvres ?

Jean Botquin

mercredi 23 décembre 2009

Et si on évoquait la neige avec François Jacqmin ( deux extraits de "Le livre de la neige")


Une première chute de neige permit une
subite
simplification de l'étendue
On ne sépara plus
les hameaux et les clochers qui se succédaient
à l'horizon.
Les enfants comprirent spontanément et lancèrent
leur traineau
sur l'unique flocon qui recouvrait tous
les coteaux.


Lorsque la neige cessa de tomber, il neigeait
encore.
Un poudroiement minutieux
ajoutait
une frise posthume à l'oeuvre de la blancheur,
on ressentait
la présence d'infimes froissements, comme un mouvement abrasif du rien.
Tout tenait dans la plus petite fraction du possible.

mercredi 16 décembre 2009

Sous la plume d'Ariane François-Demeester, un commentaire sur "La chambre noire du calligraphe" dans LE BIBLIOTHÉCAIRE

"La chambre noire du calligraphe", recueil de Haïkus, est la treizième publication de Jean Botquin. Écrits en deux mois, ces tercets ravissent le lecteur par leur diversité bien qu'une sorte de lien, à l'arrière pensée de l'auteur, les unit. Le préfacier,Piet Lincken explique le haïku et son évolution, et commente aussi ces pages qui sont une gageure. Qui peut s'enfermer dans sa chambre noire pour donner naissance à ces jeux de l'esprit, à ces deux cent trente poèmes dont la clarté et la concision sont remarquables? Pourtant, parfois, une forme d'ambiguïté permet une double approche de ces versets qui, justement, rappelle que l'auteur, à l'imagination féconde, s'est aventuré dans un territoire étrange où l'on se défait de sa personne et où l'on recherche une plénitude souhaitée.

"Tous deux se noient
Emportés par le ressac
Des brumes noires",
"Quels piètres pêcheurs
De rêve ils étaient l'un
Tout près de l'autre"
Le classement en sept chapitres n'est pas arbitraire. Ils furent triés par thèmes et par ambiance.
Ariane François-Demeester.

Quatre Haïkus Chinois. Inédits de Jean Botquin.

Chimère Ailée (exposition Chine ING)


A Axel Gryspeerdt, rencontré hier à la nocturne

des TROIS RÊVES DU MANDARIN.


Le poète ivre
S'endort sur la montagne
Levée du néant

+

Le prunier ombreux
S'enveloppe de brumes
En pensant aux fleurs
+
Jade vert pareil
Au matin clair des neiges
Fondant au soleil

+

Le vieux mandarin
S'accroupit sous le sapin
Et attend la nuit

Jean Botquin






mardi 8 décembre 2009

Chambres et frontières. Dans Le Carnet et Les Instants.



Je reproduis ci-après l'article que Quentin Louis a consacré à deux recueils de poésie, celui de Michel Voiturier, paru récemment aux Éditions Clarisse sous le titre Dits en plain désert, et mon dernier recueil La Chambre noire du calligraphe, paru au mois de juin aux Éditions du Cygne, à Paris. Cet article est repris du numéro 159 de "Le Carnet et Les Instant, p.86.

Titre: Chambres et frontières.




Il y a des livres dont la lecture rassérène, comme si l'angoisse avait un moment décidé de poser là son bagage. C'est qu'ils parviennent à dire la vanité des choses de manière sereine, sans pour autant estomper la réalité. Les livres de Michel Voiturier et de Jean Botquin sont de ceux-là, graves sans métaphysique, initiatiques sans ostentation.

Que dire d'un livre qui parle du désert ?" La bienvenue n'est pas pour les nomades", prévient Michel Voiturier dont le recueil nous parle de limites, de frontières, de ce qui nous divise et aussi de ce qui tue. La première partie du recueil, "Perfidies de la frontière", peut se lire comme un seuil, un préliminaire. Elle se présente comme une suite de petits mythes d'origine en prose sur le thème de la frontière. Les titres mêmes de ces poèmes se font l'écho des limites ("Orée", "Barrière", "Remparts"). Ce sont des textes pétris de contemplation mais aussi de révolte contre les spoliations et les frustrations qui toujours déclenchent les conflits et les guerres. Michel Voiturier évoque ensuite un voyage vers le rêve d'un désert. Certaines pages pourraient se lire comme une collection d'aphorismes. Par exemple: " Quitter l'immobile pour accéder au trajet", " Au niveau du nombril de l'occasionnel maçon, la barrière laisse l'illusion de l'horizon" ou" Rien n'efface la volonté d'avoir", ou encore "Qui franchit la ligne est coupable". Dans une prose économe et juste, émaillée d'impressions, Dits en plain désert donne toute la palette des talents d'un poète dans le monde et hors des modes.
Impressionniste, Jean Botquin l'est aussi, lui qui entend faire "miroiter toutes les facettes de l'existence humaine et de l'univers". Il choisit la forme antique du haîku pour "tout dire en taisant presque tout". Soulignons que la plupart de ces poèmes ont connu une première publication sur le blog de l'auteur, banquier aujourd'hui à la retraite, qui vient de publier treize livres en treize ans...
Précédé d'une remarquable préface du jeune poète Piet Lincken, leçon magistrale sur l'histoire et l'actualité du haïku, La chambre noire du calligraphe est né d'un pari de l'auteur : traduire en 250 tercets une part de son imaginaire poétique de manière fugace et concise. Plutôt que de haîkus classiques, Botquin parle de versets, d'instantanés. La respiration qui traverse l'ensemble du livre forme une suite de poèmes d'amour, de nostalgie, de souvenirs, de voyages et d'itinéraires. D'autres parlent de la création littéraire et de l'espoir qu'elle contient. Le haïku de Botquin qu'il qualifie lui-même d'ascèse verbale qui force à l'essentiel et à la suggestion", se montre volontiers aussi gourmand d'allitérations que de sens :
Son coeur émigre
Au centre des migraines
Á fleur de cerveau,
ou encore
Comment mesurer
La passion qui dépasse
Sa démesure.
Deux livres d'évasion; l'un qui va vers le désert et l'autre vers la mer, avec lesquels on peut ouvrir grand l'espace ou simplement souffler.
Quentin Louis
.

lundi 7 décembre 2009

Chamsa, fille du Soleil. Le nouveau roman de Malika Madi


Le troisième roman de Malika Madi est en voie de parution aux Editions du Cygne, à Paris, dans la collection des romans francophones. Si tout se passe bien, le livre sortira de presse vers le début de l'année 2010. Il devrait être présent à la Foire du Livre de Bruxelles.
Malika m'a demandé de préfacer son ouvrage. J'ai accepté et j'ai pris plaisir à en dire le bien que j'en pensais. C'était aussi un honneur pour moi. Vous trouverez ci-après le texte de cette préface in extenso, en avant première. Je souhaite bon vent à Malika et à son roman qui, j'en suis certain, ravira ses lecteurs comme il m'a ravi.



Le troisième roman de Malika Madi, « Chamsa, fille du soleil », révèle un nouvel aspect de la pensée de l’auteure, déjà intéressée par l’étude de la condition de la femme, en particulier celle des milieux d’émigrés maghrébins dont elle est issue. Mais, ici, elle aborde un thème universel profondément ancré en chacun de nous, souvent dissimulé derrière des convictions religieuses ou des interdits.

Ce roman participe à plusieurs genres littéraires.
C’est d’abord un conte qui fait apparaître des personnages de conte, des bergers et des bergères, des princes et des princesses riches et puissants, beaux comme des dieux ou des déesses, des marâtres revêches, incultes et méchantes, des vielles fées détentrices de moyens aphrodisiaques qui décuplent le plaisir de l’amour.
Par contre, ce n’est pas un conte pour enfants car certains personnages sont fort doués pour l’exercice combien exaltant des fonctions amoureuses, et Malika Madi s’entend bien à le décrire de manière particulièrement savoureuse. Toutefois, ce n’est pas non plus un conte immoral, car les personnages sont purs comme des archanges bien que souvent futés comme des djinns.
S’ il s’agit d’un conte, rien n’est impossible ou invraisemblable. Chamsa rassemble toutes les qualités du monde, elle est surdouée, belle à damner un saint, ambitieuse, dotée d’un sens aigu de l’érotisme qu’elle appréhendait déjà avec ses jeunes amies dans le hammam de son village, perdu dans une vallée inconnue de la géographie actuelle.

Dans sa forme romanesque, la nouvelle œuvre de Madame Madi se présente aussi comme un roman initiatique et d’apprentissage. Nous assistons au développement d’une petite paysanne qui d’autodidacte deviendra une sommité universitaire dans les matières délicates de la physique amoureuse. Poursuivant l’héroïne dans son itinéraire, on pense inévitablement à Ovide et Horace, à « L’Art d’Aimer » et au Carpe Diem, à la jouissance épicurienne du moment.
Il n’y a pas que le corps et ses organes sexuels qui l’intéressent, hormis la langue de son prince ou de son assistante brésilienne qu’elle pratique couramment, elle étudie les langues étrangères avec grande facilité et les mathématiques n’ont plus de secret pour elle. Elle se joue aussi de la botanique ( qui permet à l’écrivaine de décrire somptueusement la végétation de pays tropicaux)…Pas étonnant qu’elle se trouve bientôt à la tête d’une des plus grandes bibliothèques du monde musulman. Prodigieuse petite Chamsa, on voudrait bien être à sa place !

Un conte, un roman initiatique , un roman de découverte de soi dans ce que nous avons de plus caché, un roman d’apprentissage de la vie et des connaissances, des techniques de l’amour sans pédanterie outrageuse, un roman tout court qui vous fait rêver d’amour, voire fantasmer de sexe. Les femmes libérées aimeront Chamsa parce que sa vie éclate sans fausse retenue et qu’elle nous apporte la joie des jouissances les plus belles qui souvent justifient à elles seules notre existence terrestre. Elles apprécieront également son sens de la liberté, son nomadisme libertin et sans attaches ( selon une des expressions de la Théorie du corps amoureux de Michel Onfray), son ambition qu’aucune frontière n’arrête.

Ce beau roman à l’éros léger, comme aurait dit Horace, se termine sur un message optimiste qui rapproche les cultures différentes, qu’elles soient d’Occident ou d’Orient. Et ce conte moderne au parfum des mille et une nuits nous apprend que l’ouverture des civilisations les unes aux autres est sans doute le seul moyen pour arriver à se faire entendre les peuples du monde, les uns avec les autres.


Jean Botquin

samedi 5 décembre 2009

Arrêt sur image. Inédit de Jean Botquin












La vieille dame

Tire la porte d'entrée

Et ouvre son sac


+++


Midi, elle va

Le silence empoché

Les volets fermés


+++


Elle marche là

A petits pas où le bruit

A quitté la rue


+++


Le chat ronronne

Derrière les volets clos

Rêvant d'absence




J.B.

mardi 1 décembre 2009

Bribes d'été sous un ciel d'automne.



La baie fait mine
grise sous une bruine
Ensorceleuse











Le liseron prend
Appui sur les bambous ronds
Et s'entortille







Jambes allongées
En dehors de toute autre
Considération



Sandales tristes
Cherchant une marcheuse
Aux pieds agiles
















Les palmiers-dattiers
A coté des vignobles
Boudent les raisins






Deux chaises niaises
Où personne ne s'assoit
De peur du vide

lundi 30 novembre 2009

Quelques haïkus de Saint-Cloud. (suite). Inédits de Jean Botquin.









Les amours d'antan
Passent du jour à la nuit
Comme des esprits
*
Lancinantes sous
Le ciel de la Défense
Surgissent vingt tours
*
Bois de Boulogne
Où quatre filles montrent
Leurs bonbons roses
*
Petites fesses
De travesti en forme
De pomme fendue
*
Deux dames au lit
Eboutent des haricots
Verts en parlant haut
*
Paris somnole
Sous un conte de rubis
Le jour se lève
*
Tess le chat perché
Nettoie les vitres avec
Ses pattes feutrées
*
Jean Botquin.


Salon des Editeurs indépendants du Quartier Latin (Paris), à la Mairie du sixième, Place Saint Sulpice






Quelques photos de cet évènement, notamment une des tours de Saint-Sulpice, le concert de Jazz dans la salle des mariages de la Mairie, la grande salle des exposants, mon éditeur Patrice Kanozsai des Éditions du Cygne, son stand et, bien entendu, La Chambre Noire du Calligraphe.









jeudi 26 novembre 2009

Haïkugammes. Inédits de Jean Botquin.

Contrastes

Hibiscus sur fond

De figuiers de barbarie

L'endroit à l'envers

-------

Il lui manquera

Toujours l'unique saison

Des jours éternels
-------
Une vie sans vie
Quand l'été la dessèche
De ses baisers d'or
-------
Prunelles gelées
Sur un hiver sans détours
Lorsque court le vent
-------
Et les faons dansent
Dans leurs mains qui s'unissent
A l'orée des bois
-------
Les bouches des fleurs
Sont avides de rêves
Dépourvus de sens
-------
Les steppes vibrent
D'un lumière tendre
De lune rose
-------
Un papillon monte
A l'assaut d'une feuille
Qui virevolte
-------
Rites intimes
Consécration secrète
Des aubes blanches
-------
Fuite éperdue
De l'éveil réinventé
Sur le bout des doigts
-------
Petit spasme qui
S'essouffle sur les rires
Des palpitations
-------
Agapes des mains
Au sein des estuaires
Fuyant vers la mer
-------
Matin du fleuve
Lui disait-il en soudant
Ses bras sur ses reins
-------
J'ouvre le secret
Et le galbe de nacre
Qui l'exprime
-------
Silence au sein
De leurs lignes d'ivresses
Creusées dans leur chair
-------
Il se dresserait
En l'espace réservé
Qu'elle choisirait
-------
La messe noire
D'un désir renouvelé
Chaque fois plus fort
-------
Tous deux se lovaient
L'un dans l'autre en quête
D'un espoir perdu
-------
Serions-nous sauvés
De l'incertaine marche
Aux regards bandés
-------
Le mur de l'océan
Déferle autour de nous
Pour nous écraser
-------
Elle se noye
En sirène travestie
D'écume blanche
-------
Fétu de paille
Sur les ailes du vent d'est
Vêtu de rose
-------
Le temps s'arrête
Là au terme de l'hiver
D'un songe amer
-------
Il reprend le pas
De qui a assassiné
Son innocence
-------
Il inventera
Un au-delà abrupte
Aux marches sombres
-------
Même fatigué
Il retrouve la force
D'étreindre sa peur
-------
Sournoise, elle
S'insinue dans son âme
Qui veille sur lui
-------
Elle ne peut rien
Contre l'espoir du souffle
De l'amour vivant
-------

Jean Botquin

mardi 24 novembre 2009

Bergeronnette. Jean Botquin. Inédit.

Merci à Christian Kerihuel pour cette belle photo de bergeronnette des ruisseaux.


Á l'automne, les bergeronnettes descendent vers les vallées, elles émigrent vers d'autres contrées, par milliers, sauf une, éprise de liberté ou forte tête qui n'en fait qu'à la sienne. Elle pense que, tant qu'il y a encore des insectes à gober et que le ruisseau gambade dans la prairie pour s'y regarder, elle n'a pas besoin de quitter le pays. Car la bergeronnette, personne ne l'ignore, compte sur son image pour se rassurer. Elle se dédouble. Elle devient son autre. En se mirant dans l'eau comme dans un miroir, elle n'est plus seule. Qui donc a parlé de solitude ?

Cependant, la nature impose des limites à cette liberté et à l'insouciance de notre bergeronnette. Elle a beau se convaincre du contraire, le temps fraîchit. Les troupeaux ont regagné les vallées et leurs étables. Les insectes se font plus rares. Bientôt, dans le ciel l'hiver floconne, les brumes s'installent, le temps s'assombrit, les journées raccourcissent, le miroir de l'eau se ternit. Quand elle cherche son image sur le bord du ruisseau, elle ne voit plus que l'ombre d'elle-même qu'elle ne reconnaît plus. Et ses frères et soeurs sont loin.

Bientôt, c'est la disette, les insectes avec les animaux des étables se sont endormis. On voit de plus en plus notre oiseau imprudent hocher la queue sur les routes où roulent des voitures dotées de miroirs scintillants sous le soleil blanc et froid.
"Me regarder dans ces miroirs rapides, voler aussi vite qu'eux pour me reconnaître, pour savoir si j'existe encore, pense-t-elle."

Hélas, ce jeu-là est dangereux, vous le pensez bien. Un jour la rencontre avec un rétroviseur fut fatale. Assommée par l'envers de l'écrin dans lequel le miroir était logé et qui avançait plus vite qu'elle, elle roula sur le bord de la route, sans vie, aveuglée par le sang qui coulait de son petit crâne. Heureusement, les anges des oiseaux étaient là pour accueillir son âme trop vaniteuse -ils l'appelèrent Marguerite avec un sourire taquin-ne me demandez pas pourquoi .

Ces anges l'emmenèrent dans la grande cage dorée des passereaux du ciel où la solitude, paraît-il, n'existe pas.

samedi 21 novembre 2009

Un conte de saison. Jean Botquin. Inédit.

Les vents.

Il était une fois un vieux magicien qui faisait commerce des vents. On disait que son souffle était si fort qu'il courbait l'échine des arbres. Les vents, il les vendait pour deux fois rien. Aussi, toutes les petites filles du pays que les vents empêchaient de dormir, avaient vidé leurs tirelires pour en acheter. De toutes les sortes, les vents froids du Nord et de l'Est, les vents chauds ou tièdes de l'Ouest ou du Sud.
Les vents ne prennent pas de place, avait dit le magicien. Ils sont vides. On ne les voit pas. Avec un peu de doigté, on pourrait les comprimer dans un dé à coudre. Aussi dit, aussitôt fait. Le ciel se vida de tous les vents et les tirelires de tous les sous. Même l'alizé, dont la course est rapide, disparut dans un dé à coudre.
Silence ! Quel silence ! Plus de ululement des âmes dans les arbres. Les mamans se piquaient les doigts avec leurs aiguilles et le blizard ne couvrait plus de givre les barbes des papas. Les voiles des bateaux pleuraient aux matures tandis que les planches à voiles ne sortaient plus des remises.
La mer était plate et ne se lamentait plus.
Mais, quelques jours plus tard, voilà que les nuages se remirent à se bousculer dans le ciel, au-dessus des campagnes, pressés par un vent inconnu. Non, ce n'était pas le noroît ni le mistral, ni le tramontane ni le marin. C'était le sirocco qui soufflait depuis le désert dans le ciel déserté par tous les autres vents. Et le sirocco furieux poursuivait le vieux magicien qui courait, courait en soufflant toujours plus fort et en criant "pitié, pitié".
"Meurs, meurs marchant d'illusions. Qui sème le vent, récolte la tempête" disait le sirocco.
Depuis lors on raconte - mais peut-on le croire - que les nuits de grands vents, on entend le magicien voleur de l'argent des petites filles gémir depuis les nuages en mélangeant ses larmes de repentir à la pluie du ciel.


Jean Botquin.

lundi 16 novembre 2009

Un article de Michel Ducobu sur les haïkus de la Chambre noire du calligraphe dans Reflets Wallonie Bruxelles La Pensée Wallonne n° 21

L’art du haïku traditionnel suit, en principe, un processus de sublimation (au sens chimique du terme), de réduction à la quintessence, à la nudité absolue du dire. Mise à nu de l’essentiel, pour reprendre les termes de Henri Brunel, spécialiste en la matière. Dans « l’Empire des Signes », Barthes avait déjà mis l’accent avec justesse sur sa légèreté, sa vacuité, son incomparable gratuité : le sillage du signe qui semble avoir été tracé s’efface : rien n’a été acquis, la pierre du mot a été jetée pour rien : ni vagues ni coulée de sens.
Depuis les grands maîtres du passé, le haïku a, bien sûr, évolué. Si la simplicité extrême reste de mise, le contenu s’est fait peu à peu plus intellectuel, plus philosophique. Il n’en demeure pas moins la forme poétique la plus dépouillée qui soit, la plus proche de l’esprit zen : être là, sans plus, sans chercher à développer un point de vue. Voir est suffisant. Voir clair et juste.
Jean Botquin a choisi la forme du haïku comme pari d’écriture et pratique d’ascèse verbale qui force à l’essentiel et la suggestion, ainsi qu’il le confie dans son avant-propos. Le résultat est surprenant : ses tercets sont subtils, mystérieux, parfois énigmatiques. Si quelques-uns s’alignent sur la tradition,

Alors il disait
La tendresse des jasmins
Au goût de poivre.

la plupart sont le résultat d’une réflexion profonde, d’une interrogation inquiète ou d’une observation ironique :

Elle répétait
Son nom avec le sourire
Cruel du matin.

Les amours souvent
Se consument sur les flancs
De volcans éteints.

Serrez vos poings
Sur une graine qui ne
Pourra plus germer.

Maximes fleuries dont les pétales s’étalent sur trois tiges fragiles…On aura compris que le poète a choisi le genre du haïku pour sa grâce familière et son immédiate séduction et qu’il use avec habileté de ses vers rapides et effilés pour créer un effet poétique autour de vérités parfois cruelles ou amères :

Tombent les mots crus
Tels des gouttes d’acide
Sur le temps perdu.

Une barque bercée
Sur l’eau finit par couler
Au fond du ruisseau.

Vaines attentes
Quand les étoiles tombent
Du ciel sur la terre.

Le lecteur fidèle à l’esprit de Bashô sera certes désorienté par la couleur sombre et la complexité de certains vers. Mais à chacun son parcours, son compagnon de route et sa chambre de méditation et de calligraphie !...


Michel Ducobu

jeudi 12 novembre 2009

Quelques haïkus de saison.

























Arrière-saison
Quelques ailes humides
sur l'herbe en pleurs
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Le soleil rabat
Sa course sur le noyer
Les noix s'écalent
---------------------

La nuit s'engourdit
Les paniers regorgent de fruits
L'âtre crépite
--------------------
Lourde campagne
Sous les mottes de terre
Les nuages courent
---------------------
Les coteaux pâles
Sèment des brumes froides
Aux pieds des vallons
---------------------
Un bruit d'horloge
Réchauffe le temps qui fuit
D'un pas régulier
---------------------
Poème décédé
Au goût de vent cru comme
Une poire verte
---------------------
Un clou chasse
L'autre dans un trou percé
Par un jeu de mots
---------------------
L'écho du poème
Transporte le cri
D'un amour nouveau

Jean Botquin 11 novembre 2009

mardi 10 novembre 2009

Agenda.

Salon du livre de "Tournai la Page", les 14 et 15 novembre, j'y serai, chaque fois de 15 à 19 heures.

Adresse: Halle aux draps.
Stand ET06, à l'étage, dans la Galerie.

Je dédicacerai "La Chambre Noire du Calligraphe". A cette occasion, je solderai certains de mes livres plus anciens. Profitez en.

Quand les feuilles tombent. Douze haïkus de Jean Botquin.


Soir et matin se

Confondent en ballades

D'incertitudes


Quand meurt l'automne

L'hiver accourt sur un lit

De feuilles rousses


La robe rouge

S'accorde au voile blanc

Qui se dénude


Elle ne sent pas

Le givre des caresses

Aux doigts cupides


Rouge aux lèvres

Fondu sur des mamelons

Désir d'un rêve


Léchée par le feu

Priant d'une voix rauque

Le ventre ouvert


Dors sur l'oreiller

Et le tapis de feuilles

Le visage offert


Cheveux dénouées

Pousse ta langue entre

Tes dents brillantes


Sa chair fragile

Se réveille par quelque

Frisson de la peau


Elle danse en rond

Entre les arbres qui perdent

Leurs feuilles jaunes


Déshabillée elle

Porte un doigt lumineux

Au bout du sein droit


Cueille la perle

Dans l'huître entrouverte

Avec les lèvres


Jean Botquin 10 novembre 2009

dimanche 8 novembre 2009

Rengaine dégaine. Inédit. Jean Botquin.


Henri et Marien
Henri pauvre Henri
Ta maîtresse est partie
Plus de fil à la patte
Ta bourse
Elle est plate
La bourse
Tu sais bien
Qui ne sert plus à rien
Vidée peu à peu
De tout son gratin
Sucée jusqu'à la moelle
Par la mante carnivore
Mais oui qu'elle disait
Je t'adore je te dévore
Henri pauvre Henri
Ta maîtresse est partie
Elle s'appelait Louise
Lou-Lou mon p'tit loup
D'abord pour Henri
Puis tous les amis
Aujourd'hui partis
Eux aussi
Louise est partie
Retrouver Marien son mari
Requinquée part tes soins
Cajolé par ta bouche
Chatouillée par tes mains
Marien beau Marien
C'est ta Lou-Lou qui revient
Regarde je suis belle
Chaude comme un jour d'été
Fraîche comme un lys
Mince comme un fouet
Juteuse comme une pêche
Vicieuse comme une catin
Marien mon Marien
J'ai joui pour rien
Tous les soirs et matins
Maintenant c'est fini
Henri ne me dit plus rien
Jean Botquin

vendredi 6 novembre 2009

Géométrie du point mort. Inédit. Jean Botquin.

Il l'assoit
En équilibre
Au centre du cercle d'ombre
Dans le périmètre de l'incertain
Il la place
Statue de cire
Aux hémisphères glacés
A l'intersection des méridiens
De leurs pensées
Son rire éclate
En billes d'acier
Et étincelles minérales
Son rire explose
En cascades
Du fond de son gosier
Ricoche sur l'émail
Et le transperce
De ses couteaux
Il la dépose
Robot géométrique
Entre les parallèles
De sa désincarnation
Son rire remplace
Les béances de son regard
Son squelette danse
Sur les charnières
De l'inconscient
Il l'assoit et la place
La déplace et la repose
D'une case à l'autre
Sur l'échiquier
De son rire
Où elle s'expose.
Jean Botquin

mercredi 4 novembre 2009

Les quatre bigotes.. Ritournelle inédite d'un jour très lointain.

Dans un salon de thé
Celui qu'on sirote
Á petites lampées
Papotent quatre bigotes
Au collet monté

Madame Claire de l'Incompétence
La femme de l'huissier
Chante de sa voix aiguë
De l'intelligence la vertu
Entonnant de tout coeur
L'hymne à la joie sereine
D'un Beethoven claironnant
Ses kermesses foraines

Ses yeux volent au secours
De Madame Chaste de la Pudibonderie
Qui écrase sous ses dessous
Entre ses fesses rondes
La moiteur de sa honte
Faisant semblant d'ignorer
Ce qu'il faut cacher
Á la face du monde

Quant à Colombe du Saint Esprit
Cette dame blonde au petit esprit
Elle inspire cela va de soi
Grâce à l'excellence de son quant à soi
La piété revêche des grenouilles
De bénitier du dernier évêché
Tombé en quenouille
Au sein d'une Église du siècle passé

Et parmi ce quatuor
Trône enfin la ténor

Madame Particule de l'Avarice
Qui dispense sans artifices
Quelques conseils et radotages
Datant tous d'un autre âge
Enrobés de salive
Sur la glisse de ses vocalises.

Jean Botquin

Bien entendu toute ressemblance avec des personnes connues est le fruit du hasard et d'une malveillance de mauvais goût de ceux qui l'auraient imaginée.

lundi 26 octobre 2009

Les haïkus de Saint-Cloud

Foire internationale d'Art contemporain.- Galerie Nadia Vilenne- Louvre




























Librairie Wallonie-Bruxelles près du Centre Georges Pompidou.


Les deux abeilles
Ouvrent leur ruche tapie
De paroles d'or

Deux personnes sur
Un banc regardent la rue
Aux yeux fatigués

L'auto vert pomme
Oublie le landeau replié
Sur un long trottoir

Les gens vont vite
Sans se soucier des heures
Qui m'interrogent

Bras nus la mariée
Pont Neuf sous la pluie fine
D'un rire frileux

La manif monte
Callicots verts en tête
Les gens déchantent

Dieu soulage moi
De la surface noire
De la lumière

Le ciel d'automne
Prend quelques couleurs pastels
Du haut des arbres

Le canard jette
Un regard dans la chambre
Où ils s'éveillent

Le héron lève
Son bec pointu au-dessous
De gros nuages blancs

Un autre héron
Tourne son dos d'airain
Aux draps de lin clair

Jean Botquin 26 octobre 2009










mercredi 21 octobre 2009

A Robert et Jo, mes amis.


Je dédie cette traduction d'un texte émouvant "Vanaf Vandaag" de Rob De Nijs, à toi, Jo, qui a perdu Robert le 29 septembre 2009. Mais non, tu ne l'as pas perdu...comme tu le liras.

A partir d'aujourd'hui.

Aujourd'hui je t'inhume en moi
Pas dans la terre, pas dans cette caisse
Pas près de ces arbres dans la brume du matin,
Tu n'es pas là-bas, tu es en moi, dans mon refuge.

Aujourd'hui je t'inhume en moi
Pas près de cette pierre là dans cette longue rangée
Tous ces vieux noms , tu n'as rien à y faire
Aujourd'hui je t'inhume en moi.

Comme ça je peux te parler et te répondre
Comme ça tu continues à vivre dans ma vie
Oui, prends mes yeux et regarde avec moi
Prends mes pieds et cours avec moi
Maintenant nous allons à la maison, nous deux, ensemble
A partir d'aujourd'hui tu vies en moi.

Aujourd'hui je t'inhume en moi
Je ne te chercherai pas où tu n'es pas
Reste avec nous, ici, où tu connais tout le monde
Je garde ta place à notre table.

Nous allons rire et faire des projets
Je dormirai avec toi et te réveillerai
Viens, prends ma bouche et ris avec moi
Prends mes mains pour nous sentir
Ce que tu voulais encore faire
C'est moi qui le ferez
A partir d'aujourd'hui tu vis en moi.

Enlèves cette croix et toutes ces fleurs blanches
Déchire ce journal où on cite ton nom
Viens, prends mes yeux et regarde avec moi
Prends mon coeur et vis avec moi
Car ta mort maintenant est passée, depuis aujourd'hui tu vis en moi.

Je vivrai deux vies avec toi en moi.

Traduction de Jean Botquin.

mercredi 14 octobre 2009

Le NON-DIT parle de mes Haïkus sous la plume de Michel JOIRET. N°85 Octobre 2009. P.17

L'esprit clair et informé de Piet Lincken "ramasse" avec une rare intelligence, les cailloux blancs jetés par Jean Botquin sur le chemin des mots. En évoquant l'immobilité silencieuse du haïku, il identifie le genre et met en lumière l'extraordinaire "liberté d'approche" du créateur. Dans la chambre noire du calligraphe, Jean botquin développe des images transversales qui illustrent les déplacements secrets de la pensée, qui paraphent un moment d'existence et qui déterminent le rapport mystérieux entre le créateur et son expressivité. Le haïku n'est pas à la portée d'un seul styliste. Il se met "hors jeu" de lui-même et dénonce outrageusement celui qui le profane distraitement. Reconnaissons à Jean Botquin le bien-fondé d'une posture créatrice dont il maîtrise les exigences implicites. Le poète s'inscrit dans un glissement sémantique permanent:
"Elle dit l'émotion
Qui rapproche la tête
Du coeur sur la main";
"Silence du corps
Inhumé dans l'absence
Orbites creuses",
jouant avec les mots, les affichant parfois pour l'énonciation d'un mystère qui le dépasse:
"Son nom est pareil
Á la datte sucrée de
Leur espérance";
"Pieds sur des phrases
De verre ils marchent niant
Leur fragilité".
Maître d'une métaphore dont l'un des termes développe la suggestion plutôt que l'équilibre formel, Botquin cultive aussi le non-sens et le paradoxe:
"Il sautait raide
Á la corde des pendus
Encore vivants."
Ici, tout est invention, tout est réel, tout est mobile. Le jeu porte autant sur les capteurs que sur l'information sensorielle. En privilégiant "le peu", le poète trouve, presque naturellement, les pièces d'une attitude philosophique cohérente. Jamais anecdotique et cependant légère, l'écriture glisse le long des points topiques de la pensée et retombe pour amorcer une nouvelle séquence. C'est ainsi que se compose une toile dont la pièce manquante ne se pose jamais. Mais en est-il autrement dans l'amorce d'un art de vie ?
Les sculptures de sable ne sont-elles pas avant tout un emprunt à la durée ? De fait, la réalité du haïku convenait parfaitement à l'oeil kaléidoscopique de Jean Botquin. C'est en passant l'habit que le moine est véritablement habité...Le jeu de rôle prend, à cet égard, la pleine mesure du calligraphe qui cogne inlassablement à la vitre de l'instant.
michel joiret
La Chambre Noire du calligraphe,
Jean Botquin,
éditions du Cygne, Paris, 2009.

lundi 12 octobre 2009

Roisin-La rencontre des écrivains du Hainaut.



Leszek Helinski
guitariste compositeur
Patricia Beudin
Conteuse et animatrice d'ateliers d'écriture









Cette rencontre est organisée, chaque année, au mois d'octobre, au Centre provincial d'hébergement et de formation de cadres, à Roisin, par la Direction de la culture de la province du Hainaut.

Ce lieu est dédié à la mémoire d'Emile Verhaeren qui y passa de nombreuses vacances.

C'est pourquoi chaque année nous y déposons une gerbe de fleurs au pied de son buste dressé à la lisière du bois.

C'est pourquoi aussi j'ai eu envie de reproduire un poème de Verhaeren que j'ai choisi dans "Les apparus dans mes chemins".

La disparue

Elle était comme une rose pâlie;
Je la sentais discrète, autour de moi,
Avec des mains de miel, pour ma mélancolie.

Sa jeunesse touchait à ses heures de soir;
Quoique malade, elle était calme et volontaire
Et m'imposait et sa tendresse et son espoir.

Aucune ardeur, qui domptait par secousse;
C'était de la sentir si droite, en son amour,
Qui me tenait dans sa contrainte égale et douce.

Elle peut-être a su lire le texte obscur
De mes rancoeurs et de mes lourds silences
Et, dans ma volupté, tuer le lys impur.

Sainte pour moi et claire et lentement
Comme une étoile, un soir d'ombre légère,
Seule, elle s'en alla fleurir le firmament.

De purs rayons illuminent son coeur,
Depuis qu'en des dortoirs de lune,
Elle est dormante, au clair de son nouveau bonheur.

Elle est morte, sans bruit, tout doucement,
Mais si calme, dans l'humble pose
De l'agonie et de la paix de son moment.

Ses bonnes mains de consolation
-Oiseaux d'espoir- se sont levées
Vers sa lointaine et attirante assomption,

Là-haut, en un jardin si rempli de fleurs d'or
Et si rayonnant d'aube et de calme lumière
Que les ombres des fleurs y sont de l'or encor.

...
Ces quelques strophes, seulement, d'un poème beaucoup plus long nous donnent déjà un goût d'automne et de désespoir doux et nostalgique. Qui n'a pas une disparue, réelle ou fictive, à qui s'adresser quand l'automne survient dans l'or du soleil et des feuilles ?