jeudi 29 janvier 2009

Woman in art

Avant de lire "Le front haut", le poème qui a donné son titre à mon recueil de poésies en prose, ouvrez le lien:
www.wikio.fr/video/2035?start=15&count=15&sort=0
Mettez aussi le son de vos hauts-parleurs. Regardez et écoutez.
Puis lisez "Le front haut".


Elle est là devant lui, une nouvelle fois, le front haut, le regard mince comme un filet d'eau.
Il la regarde.
Elle n'est ni belle ni laide.
Il croit l'avoir reconnue entre toutes les femmes parce qu'elle sait dire les choses de l'intérieur et donne une âme à tout ce qu'elle habite.
Elle occupe l'espace du vide comme l'air, comme l'espérance du matin.
Elle est tellement présente que le coeur vous en bat plus vite et que l'on s'imagine l'aimer toujours plus alors qu'elle ne peut que refuser ce qu'on lui offre. Il y a un tel repos dans son visage au front haut, une telle absence de violence qu'on ne peut y croire.

Pourtant, étrange cime de profondeur que rien ne démentait, brisures anciennes, sourires que l'on voyait apparaître à la manière de nymphéas presqu'irréels disparaissant peu après comme les étoiles s'éteignent à l'aube.
Il était déconcerté, il ne pouvait se réfugier dans la neige fondante de ses yeux, se coucher avec elle dans le silence dont elle recouvrait la nudité de son front qu'elle avait haut, tellement haut comme un escarpement, comme une falaise de questions, comme une blanche défense.
Ce front parlait aussi de tristesse.
Il la disait avec la parcimonie de ses rides et la clarté de ses tempes.
Bien sûr, le rêve appareillait enfin sur la mer ensommeillée.
Mais elle le chassait toujours de justesse comme un mauvais présage.

Après cette lecture, refaites le lien pour regarder encore ces 90 visages de femme qui s'enchaînent et vous comprendrez que la femme est un être d'exception, mystérieux, auquel, nous les hommes, ne comprenons sans doute rien.

Ce montage vidéo est l'oeuvre d'un américain Philip Scott Johnson (l'énigmatique Eggman 913). La musique est celle de Yo-yo Ma jouant la Sarabande de la Suite pour violoncelle n°1 de Bach.

mardi 27 janvier 2009

Les petites dames à l'italienne


Une traduction musicale de Pietro D.Perrone


Ceci n'est pas une illustration du poème mais une fresque de la chapelle della Madonna de San Brizio du Duomo d'Orvieto en Ombrie (Italie).
Photo prise par Marianne en septembre 2008
Vecchie signore
Le vecchie signore di Pachecò
sedute fianco a fianco
sotto al porticato
sempliciotte
mezzo mummie mezze scheletri
battibeccavano
nelle loro poltrone di giunco
cocorite o pappagalli
ciarliere civettuole
a colpi di becco
a colpi di canna
a piccoli colpi di crudeltà
se per avventura si avventuravano
l'una dietro l'altra nel giardino
a piccoli passi malfermi
se per avventura si avventuravano
sotto il manto
di foglie verdi
per respirare
un'aria più salùbre
mezzo di fico mezzo d'uva
non è che una seccatura
sciolta sul guanciale della tristezza.
Un tout grand merci Pietro !



mercredi 21 janvier 2009

Les petites dames de Pacheco

Du côté paternel, mon frère, ma soeur et moi avons eu deux tantes. La tante Maria qui est morte pendant la guerre, en même temps que sa fille Henriette, toutes deux asphyxiées après une coupure de gaz de ville. La guerre, ce n'est pas celle de Gaza, ni celle de l'Irak ou de l'Afganistan, mais notre guerre, la grande, la mondiale, celle qu'on a juré de ne plus refaire. Jusqu'à présent on a tenu promesse. C'est bien. Et l'autre tante, Marguerite, la coiffeuse, que nous appelions "ma tante", comme si nous n'en avions qu'une. Après la mort de Maria, c'est vrai, elle était devenue "ma tante", la seule, aussi bien la tante de ma soeur que celle de mon frère, et même de mon père qui l'appelait "ma tante" alors que c'était sa soeur. Maman aussi disait "ma tante" en ajoutant Marguerite. Comme il n'y en avait plus qu'une, on ne pouvait pas se tromper. Ma tante avait, en dehors de son travail de coiffeuse, un coup de main magistral dans la préparation des frites qui baignaient dans l'huile frétillante en compagnie d'un ou deux oignons que nous nous disputions à la fin de la cuisson. Ma tante avait un mari que l'on avait baptisé "mon oncle". Mon oncle se nommait François. Il avait fait la guerre de 14-18 et était plein de décorations. Il avait perdu un doigt, non pas à la guerre, mais dans son jardin potager, à cause d'un clou rouillé. Cela ne l'empêchait pas de couper la viande qu'il connaissait bien car il avait été garçon boucher. Il connaissait très bien Bruxelles aussi comme Teddy, leur petit chien. Un jour, je suis descendu du tram 15 en oubliant Teddy. Je pleurais en marchant vers la maison de ma tante, à Saint Josse. Teddy m'attendait sur le pas de la porte. C'est comme ça, je n'invente rien.
Ma tante a commencé à vieillir après la mort de mon oncle. Elle a fermé son salon de coiffure. Elle a été installée dans un home à la rue des Alexiens, pas loin de la Fleur en Papier Doré. Elle a continué à faire des frites quand j'allais la voir. Puis un jour, j'ai appris qu'elle était à l'hospice de Pacheco, malade. Elle y avait été transportée d'urgence. C'est là que je l'ai revue au milieu de vieilles dames assises sous le préau. Heureusement, son passage à l'hospice ne fut qu'une fausse alerte.
Cela m'a inspiré le petit poème que voici:

Les vieilles dames
Les vielles dames de Pacheco
assises côte à côte
sous le préau
midinettes
mi-momies mi-squelettes
minaudent
dans leurs fauteuils d'osier
perruches ou perroquets
coquettes qui caquettent
à coups de bec
à coups de canne
à petits coups de cruauté
Si d'aventure elles s'aventurent
l'une derrière l'autre
dans le jardin
à petits pas détricotés
si d'aventure elles s'aventurent
sous le couvert
du feuillage vert
pour respirer
un air plus sain
mi-figue mi-raisin
ce n'est que tracassin
fondu sur l'oreiller de la tristesse
Poème extrait de Elégie pour un kaléidoscope.

samedi 17 janvier 2009

Message de Philippe Ducros, auteur, comédien et artiste canadien

Ce message m'a été transmis, il y a deux jours. Il est de la plume de Philippe Ducros qui a participé avec une trentaine d'auteurs à "Et le Monde regarde" Liban, été 2006. paru aux Editions du Cerisier, en 2007 (voir dans les anciens messages de mon blog). J'ai décidé de publier ce document tel quel et sans commentaires. Puisse-t-il être rapidement dépassé par l'actualité et par un cessé- le- feu même unilatéral de la part d'Israël dont on commence enfin à parler.

Trois heures plus tard: Israël décrète un cessé-le-feu, ses objectifs ayant été atteints.


Là où se cache le Hamas

Le secteur H-1 de Hébron

Je suis rentré mardi soir, d’un troisième voyage en Palestine occupée et en Israël. Je me suis trouvé près de Gaza, là où les journalistes regardent de loin vu l’interdiction d’accès à la Bande de Gaza par Israël. Outre le fait que de voir le constant pilonnage (parfois jusqu’à une explosion à chaque minute) donne une réalité troublante de l’ampleur de l’offensive, outre l’incroyable violence des impacts (où les débris montent à des hauteurs qui donnent aux édifices adjacents des allures de nains), il me semble crucial de rapporter ici certains constats qui me sont venus lors de ce séjour.

Sans aucun doute, Israël a le droit de se défendre, il a droit de revendiquer la sécurité de ses citoyens et de prendre les moyens nécessaires pour qu’aucun d’entre eux ne vive dans la terreur. On comprend le souhait d’éradiquer le Hamas, un organisme obscurantiste et dangereux. Oui, les qassams doivent arrêter, tout comme doit arrêter l’occupation. La paix et la justice doivent s’installer en cette plaie ouverte avant que la gangrène n’infecte le monde entier.

Mais l’anéantissement du Hamas est-il vraiment ce que cherche Israël ?

Les mouvements comme le Hamas, ou encore le Hezbollah au Liban présent au Parlement malgré le massacre de 2006, se nourrissent du ressentiment, de l’humiliation et la souffrance d’un peuple, de son besoin de résistance et du besoin d’un avenir actuellement inaccessible. Le Hamas fait partie de ces groupes qui ont leurs lieux forts dans la tête et le cœur des gens, dans leurs rancunes et leurs douleurs. Inutile de chercher à les déloger par les armes, ils se cacheront encore plus profondément dans les âmes. Ils trouveront toujours des chefs pour se relever après les assassinats, ils trouveront toujours des armes pour crier, des actes pour résister. On ne peut pas nier à un peuple le droit d’exister et s’attendre ensuite à ce qu’il ne résiste pas. Et c’est sur ce besoin vital que le Hamas puise sa force. Il utilise la peur, l’humiliation, le désespoir et le manque pour grossir, pour vivre. On peut détruire tous les qassams de ses militants, ils reviendront encore et toujours, quitte à le faire avec les armes des plus pauvres d’entre les pauvres, les missiles artisanaux, les autos piégées, et finalement, le retour des bombes humaines. Faute de lancer leurs roquettes artisanales, ils feront sauter leur rancune, leur douleur et leur peur dans les autobus qui mèneront de l’enfance à l’horreur. Le trajet est simple. L’autobus est plein. On peut croire à la destruction des tunnels où ils s’approvisionnent, le plus puissant d’entre eux se creusera encore plus loin au cœur du désespoir des civils, des familles en deuils, des fils de « martyrs ». Ce tunnel, beaucoup plus profond, ne se comblera jamais par une surenchère de violence. Partout où je suis allé en Cisjordanie, là où le Hamas n’avait plus d’assises réelles ni de crédibilité, il m’a fallu constater son renforcement, voire, sa résurrection. Il a aujourd’hui la cote dans les passions. Par cette offensive, Israël dope le Hamas aux stéroïdes.

Déjà, la situation était insupportable. Sans eau, sans électricité, sans horizon autre qu’un mur de ciment de 8 mètres de haut, sans avenir autre que les camps surpeuplés, les checkpoints omniprésents, l’humiliation des permis, l’aléatoire des incursions, des emprisonnements, des assassinats sélectifs, des maisons détruites par punitions collectives, des oliviers rasés, du racisme le plus abject et des sanctions les plus répressives, des couvre-feux et des barrages, sans les composantes même de la dignité, la vie n’est plus qu’une bulle dans le narguilé de Dieu. Ne reste que les mosquées où se rassembler. Et les barbus récoltent autant de disciples que de poils à leurs barbes.

Cette dernière offensive vient cimenter le désespoir. Ont déjà explosés : les stations de police, les ministères de l’intérieur, des affaires étrangères, des travaux publics, de la justice, de l’éducation, du travail et de la culture, le compound présidentiel, le Parlement, le bureau du Premier ministre. La population en conclut que ce n’est pas que le Hamas qui est visé mais la vie même de la bande de Gaza et de ses habitants. Trois écoles de l'ONU ont été bombardées dont une où plus de 40 personnes qui y avaient trouvé refuge, ont été tuées. Quand apparaît l’argument des boucliers humains, il est bon de savoir que la bande de Gaza est l’endroit où la densité de population est la plus élevée au monde. On trouve dans le camp de Jabalya, plus de 100 000 habitants sur un à deux kilomètre carré. Les humains qui servent supposément de boucliers n’ont nulle part où aller.

L’ONU crie au cessez-le-feu immédiat, la Croix-Rouge blâme Israël comme elle l’a fait auparavant avec aucun autre agresseur, et pourtant, personne ne bouge : aucune sanction économique, aucune pression comme celle sur Cuba, sur l’Irak, sur l’Afghanistan…

Ou sur l’Iran. Depuis le début de 2008, les rumeurs de frappes américaines sur l’Iran pour pulvériser ses installations nucléaires faisaient l’espoir de certaines classes israéliennes. Cependant peu à peu, un recul aux États-Unis face à cette stratégie s’est fait sentir. Et finalement, avec l’élection d’Obama, une vague d’ouverture est plausible envers Téhéran. Les frappes démesurées sur le Liban censées viser le Hezbollah et celles, encore plus horribles, sur Gaza, envers le Hamas, sont des gifles dangereuses à l’Iran qui ne peuvent que nourrir la tension entre ces pays. Ce sont de nouvelles marches dans l’escalade d’un conflit déjà international. Certains prétendent déjà que c’est l’objectif visé, afin d’ouvrir les hostilités envers l’Iran, seule menace réelle de la région. Je n’ose croire en ce scénario.

Quoi qu’il en soit, il faut remarquer qu’un Hamas fort permettra toujours aux Israéliens de repousser l’idée de deux États côte à côte, remettant à jamais la création de l’État de la Palestine. Ces agressions ne feront qu’enflammer la rage des groupes armés de Palestine, les poussant à l’action et permettant une fois encore à Israël de se défendre, et ainsi de ne pas respecter ce envers quoi il s’est engagé, soit : l’arrêt de la colonisation[1], la levée des sanctions et des sièges, et finalement l’arrêt de l’occupation et la création d’un État palestinien indépendant.

Ceci dit, ce qui est encore plus terrifiant, c’est que ce nouveau massacre à ajouter à la liste perpétuelle des insultes que vit depuis 60 ans le peuple Palestinien grossit également la haine et la rancune des autres musulmans à travers le monde. Partout, les musulmans se sentent humiliés. Ils s’identifient aux Palestiniens, ils savent que leur cause ne pèse que trop peu dans la balance de la realpolitik. Même si leurs gouvernements ne font rien. Il est évident que les barbus, que ce soient ceux du Liban ou de Palestine, ou encore plus inquiétant, ceux d’Iran, d’Afghanistan ou ceux d’Al-Qaïda, ou des autres copycats qui en découlent, eux, sauront capitaliser sur l’horreur de ce cette destruction massive. Plus la supposée riposte sera démesurée, plus seront alimenté la rancune et la haine. Et ce, face à Israël précisément, mais aussi face aux démocraties de l’occident en général qui en toute complicité, parfaitement conscients ce qui se passe, accélèrent leurs échanges commerciaux et diplomatiques en proclamant inlassablement l’impunité de l’État d’Israël.

Car qui peut encore prétendre croire à un ordre mondial basé sur la liberté et les droits individuels quand nos pays laissent des massacres d’une telle importance continuer sans rien dire, ni faire ? Qui peut encore prétendre croire à la justice, à la démocratie, à la bonne conscience de nos dirigeants quand on voit les droits fondamentaux des Palestiniens bafoués sans vergogne, et ce, depuis plus de 60 ans ? La Croix-Rouge tente déjà de poursuivre Israël devant les tribunaux pour crime de guerre. L’ONU passe une résolution de cessez-le-feu à 14 voix pour et une abstention et ce document ne reste qu’une lettre d’opinion de plus dans un journal banal… Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a adopté une autre résolution pour condamner « vigoureusement l'opération israélienne» et qui demande «l'arrêt immédiat» de l'offensive des forces armées israéliennes, en spécifiant qu’elle «s'est traduite par des violations massives des droits de l'homme et la destruction systématique des infrastructures» palestiniennes, exigeant également « qu'Israël cesse de prendre pour cible des civils ainsi que le personnel médical et les installations médicales… ». Cette résolution a été adoptée à 33 voix pour, 1 contre et 13 abstentions. La voix contre ? Le Canada. Notre gouvernement ! Le même gouvernement qui fut le premier à couper l’aide aux Palestiniens après l’élection du Hamas, avant même les Etats-Unis.

Nos gouvernements sont coupables d’une augmentation des tensions qui risquent fort d’être explosive. Nous devenons alors la vache à lait de cet ennemi invisible et omniprésent, en alimentant sa source de vie qui est cette rancune, ce désespoir. Nous devenons l’ennemi.

L’impunité complète face à ses actions qu’Israël possède dans le monde doit cesser. Et accuser tous ceux qui s’y opposent d’antisémitisme, censurer toute opposition, ne peut que mener à l’horreur. Quand un peuple ne peut plus faire son autocritique, quand il est sourd à toute critique extérieure, il marche alors inévitablement vers l’inacceptable. Le fait qu’Israël soit issu de l’oppression infâme des Juifs tout au long de l’histoire ne lui donne aucun droit à l’oppression, ni aucune circonstance atténuante.

Il y a moins d’une semaine, je marchais dans les rues désolées du secteur H-1 au centre ville d’Hébron, centre industriel du sud de la Cisjordanie. À Hébron, 400 colons y vivent protégés par 2000 soldats. Les chiffres varient d’après les sources, mais le rapport reste le même. Et lorsqu’on marche dans le secteur H-, contrôlé par les soldats Israéliens où les colons résident, il est facile de constater l’écart entre les soldats et les habitants. Les soldats sont partout. Certains sont en colère envers les colons qu’ils considèrent comme les plus radicaux de tous les radicaux. C’est à Hébron que Barush Goldstein colon radical a ouvert le feu en 1994 pendant la prière, dans la mosquée Ibrahimi, le caveau des Patriarches où repose Abraham. 29 morts sur le coup. C’était un fou, me direz-vous, un fanatique… Ce qui est encore plus inquiétant, c’est que dans East Har Hevron, la colonie qui borde le secteur H-1, une stèle a été érigée en son honneur au milieu d’un parc.

À la sortie du secteur H-1, j’ai croisé un Palestinien, commerçant dans une des deux boutiques encore ouvertes pour les touristes. Je lui ai demandé, comment va la vie ? Il m’a répondu : On ne peut pas demander à un homme sans emploi comment va le travail ou à un célibataire, comment vont ses amours… C’est pareil pour nous avec la vie.

Si vous voulez qu’ils arrêtent de tuer au nom de la vie, donnez leurs le sentiment d’en avoir une.





Philippe Ducros
Montréal
hotelmotel@lecabinet.com
[1] L’ONU (OCHA) indique qu'il y a environ 450000 colons qui vivent dans 149 colonies en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-est.

dimanche 11 janvier 2009

La guerre est absurde, quand donc la paix ?


La guerre de Piero





Tu dors enterré dans un champ de blé

ce n’est pas la rose, ce n’est pas la tulipe

qui te veillent à l’ombre des fossés

mais ce sont mille coquelicots rouges

le long des rives de mon torrent

je veux que descendent les brochets argentés

non plus les cadavres des soldats

portés par les bras du courant

ainsi disais-tu et c’était l’hiver

et comme les autres vers l’enfer

tu t’en vas triste comme on doit l’être

le vent te crache la neige au visage

arrête-toi Piero, arrête-toi maintenant

laisse le vent te passer un peu dessus

il t’apporte la voix des morts dans la bataille

qui demanda la vie eut une croix en échange

mais tu ne l’entendis pas et le temps passait

avec les saisons au rythme de la java

et tu parvins à franchir la frontière

par un beau jour de printemps

et tandis que tu marchais l’âme en berne

tu vis un homme au fond de la vallée

qui avait la même humeur que toi

mais l’uniforme d’une autre couleur

tire-lui dessus Piero, tire-lui dessus maintenant

et après un coup, tire-lui dessus encore

jusqu’à ce que tu le vois exsangue

tomber à terre et la couvrir de sang

et si je lui tire dans le front ou dans le coeur

il aura juste le temps de mourir

mais il me restera du temps pour voir

voir les yeux d’un homme qui meurt

et tandis que tu lui portes cette attention

il se retourne, il te voit et il a peur

et le fusil à l’épaule

il ne te rend pas la politesse

tu tombas à terre sans un cri

et tu t’aperçus en un seul instant

que le temps ne t’aurait pas suffi

pour demander pardon pour tous tes péchés

tu tombas à terre sans un cri

et tu t’aperçus en un seul instant

que ta vie se terminait ce jour-là

et qu’il n’y aurait pas de retour

ma Ninetta, crever en mai

il faut beaucoup trop de courage

ma belle Ninetta, droit en enfer

j’aurais préféré y aller en hiver

et tandis que le blé t’accueillait

dans les mains tu serrais un fusil

dans la bouche tu serrais des mots

trop gelés pour fondre au soleil

tu dors enterré dans un champ de blé

ce n’est pas la rose, ce n’est pas la tulipe

qui te veillent à l’ombre des fossés

mais ce sont mille coquelicots rouges.



Fabrizio De André



Texte original en italien:

http://www.italianissima.net/testi/laguepi.htm



Traduit de l'italien par Patricia Tutoy, le 3 août 2008.

http://ptutoy.over-blog.net/article-21715414.html

Ce très beau texte m'a été proposé par Pietro d. Perrone.
Merci Pietro.

jeudi 8 janvier 2009

A un assassin -Etat de siège Poème de Mahmoud Darwish (deux premières strophes). Texte français de Mohamed El jerroudi.

Si tu avais contemplé
Le visage de ta victime
Et réfléchi
Tu te serais souvenu
De ta mère
Dans la chambre à gaz
Et tu aurais changé d'avis
Ce n'est pas ainsi
Que l'on recouvre
Son identité
Pour entendre (en Arabe) et lire (en français) l'entièreté du texte de Mahmoud Darwish dirigez- vous vers le blog de Mahomed El jerroudi.

mercredi 7 janvier 2009

Le temps de la brutalité et de la duplicité

La vidéo que vous pouvez ouvrir et regarder jusqu'au dégoût en utilisant le lien auquel ce billet se réfère, m'a été adressée ce matin. Que les âmes sensibles s'abstiennent de la visionner. Nul n'ignore le drame des civils palestiniens plongés dans l'horreur de la guerre et de la mort, piégés par les extrémistes du Hamas à qui une majorité de palestiniens, hélas, ont fait confiance. Ce document m'a été présenté comme une preuve que les Israéliens mentaient, que le nombre de civils sacrifiés pour essayer de détruire le Hamas était bien plus élevé qu'ils ne le prétendent. La question n'est naturellement pas là. Les effets collatéraux, comme on dit en langage diplomatique, sont inacceptables.

La responsabilité du massacre, cependant, est partagée entre Israël et le Hamas, dans des proportions difficiles à évaluer, quand on se souvient que le Hamas a été importé par Israël pour faire face à l'O.L.P. et qu'il s'est, ensuite, retourné contre l'Etat Hébreu. En outre, pour comprendre tous les aspects de la confrontation entre Israël et ses voisins, il convient d'analyser, voire de psychanalyser, le comportement politique des belligérants. S'en tenir uniquement aux évènements en cours ne permet pas de se faire une idée exacte de la responsabilité de chacun. Et d'ailleurs, à quoi cela servirait-il ? Cela suffit, on arrête !

Une amie algérienne m'a dit récemment que le drame véritable était celui de la pauvreté face à la puissance de la richesse, le désespoir du peuple palestinien face à Israël qui impose sa loi. Je pense qu'elle a raison mais cela ne justifie aucun acte de guerre ou de terrorisme.

Il faut que les combats cessent, que cesse de couler le sang des innocents, et même celui des coupables à qui , un jour ou l'autre, il faudra pardonner.

Quand un moustique vous pique, vous l'écrasez. Si vous n'y parvenez pas et que ces piqûres se répètent, vous demandez à l'O.N.U d'assècher les marécages. Comme l'O.N.U s'en fout ou n'y connaît rien, vous affrêtez un hélicoptère, de préférence américain, si vous en avez les moyens, pour exterminer les moustiques avec des insecticides et vous tuez aussi les abeilles et les papillons.

Prenez quand-même le courage de visionner la vidéo. Vous verrez parmi les victimes ensanglantées un nombre impressionnant de militaires armés et vivants. A n'y rien comprendre. Une mise en scène ou la vérité ?

http://www.zshare.net/video/53615165ce62d17b/