lundi 4 juin 2007

Cette exécution de Furnes, suite de réactions


J'ai déjà publié ici la réaction que j'avais adressée à "la Libre", suite à l'article que ce quotidien avait consacré à "l'Obéissance" de François Sureau. Peu de temps après, c'est l'excellente plume de Ghislain Cotton qui chroniquait le même roman dans l'hebdomadaire "le Vif l'Express". Soucieux de remettre la vérité historique une fois encore d'aplomb, j'ai réagi auprès du Vif, qui a d'ailleurs accepter de publier une partie de la lettre que je reproduis in extenso ci-après. Une petite pièce de plus à verser, ni à charge ni à décharge mais pour simple compte de l'Histoire, de ce dossier peu commun et qui, il faut bien l'admettre, nourrit bien des imaginaires...
Voici donc.

Monsieur le directeur général du Vif-Express,

J’apprécie beaucoup les critiques littéraires de Ghislain Cotton. Cependant, l’analyse du roman de François Sureau, l’Obéissance, parue dans le Vif du 23 février, m’incite à mettre le lecteur en garde contre la manipulation, exercée par l’auteur français, sur des évènements faisant partie de l’histoire de la guerre de 14-18. et qui aboutit à présenter les autorités belges de l’époque (le Roi Albert I et le Ministre de la Justice Carton de Wiart) comme des irresponsables s’amusant en pleine guerre à déranger une guillotine de Paris et son bourreau Bleiber pour exécuter un maréchal des logis coupable du meurtre non prémédité de deux personnes, au cours d’un vol qui se termine mal pour tout le monde. Plusieurs ouvrages dont celui de Siegfried Debaeke De laatste onthoofding relatent une vérité bien différente. Emiel Ferfaille assassine son amie enceinte de ses oeuvres, avec une brutalité inouïe, pour pouvoir reprendre sa liberté et continuer à séduire d’autres femmes. Pour ce crime odieux, il est condamné à mort après un long procès du tribunal militaire qui, comme de juste, ne lui laisse aucune circonstance atténuante. Pour les crimes de droit commun la loi prévoit encore la décapitation. La Belgique possède des guillotines mais elles sont en zone occupée par les Allemands, de même qu’un bourreau et ses deux suppléants, bien incapables d’exécuter qui que ce soit, car ils ne l’ont jamais fait, le Roi graciant automatiquement les condamnés à la peine capitale, depuis 55 ans. Devant l’horreur du crime perpétré par ce sous-officier, le Roi décide de faire un exemple. Par ailleurs, il n’a pas non plus gracié onze autres militaires qui furent fusillés pour différents crimes de guerre durant les quatre années d’hostilités. Nul flamand n’ignore que les Allemands n’ont jamais mis un pied à Furnes durant la première guerre mondiale. Tout le montage administratif, au niveau international, de Sureau, pour la délivrance de sauf-conduits nécessaires à la traversée du front, est inventé de toutes pièces. Il est invraisemblable et inutile. Les belligérants, à la fin de la guerre, avaient d’autres chats à fouetter. Et les trains roulaient encore entre Paris et Furnes. Bien entendu, à proximité du front, le voyage ne fut pas une promenade de santé. Je n’ai pas compris, non plus, pourquoi les belges, selon Sureau, seraient allés exécuter un belge chez les Allemands. Qui peut croire pareille histoire ? Ferfaille a été décapité à l’intérieur de la prison de Furnes et pas sur la grand place qui n’a pas été bombardée par des avions anglais, mais par des obus allemands. Voulant faire un procès de l’absurdité, Sureau a transformé la vérité. Ce récit est inacceptable pour le Roi Albert I, pour nos valeureux soldats du front de l’Yser, pour les habitants de Furnes, pour les belges qui ne sont pas les imbéciles que l’on dit. Le travail du romancier devrait être oeuvre de mémoire dans le respect de la vérité historique. Manifestement, cette vérité Sureau ne la connaissait pas. Il ne connaissait qu’une anecdote et n’est pas allé au-delà, pensant qu’il pouvait remplacer la réalité par son talent inventif. Il fallait - roman oblige ? - fabriquer des personnages de théâtre pour piéger les critiques littéraires qui n’ont pas le temps de faire de la critique historique. Non, François Sureau, Furnes n’était pas en zone occupée par l’envahisseur. Pourquoi n’avez-vous pas tout inventé sans vous inspirer du tout de notre histoire ? Vous n’auriez blessé personne et seriez resté crédible.

La photo : Il est toujours si peu imaginable qu'un boureau puisse mener la vie de simple quidam... Ici une photographie du mariage du bourreau Bleiber, l'exécuteur de Furnes

2 commentaires:

Anonyme a dit…

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CéCédille a dit…

Merci de ces utiles précisions, pour compléter et corriger le récit. Les romanciers en prennent à leur aise avec l'Histoire, en effet. Mais cela fait partie de leur art. Et il ne faut pas croire à leurs histoires, seulement prendre plaisir à les lire. François Sureau à du talent et l'honneur des Belges est sauf.
Cordialement

http://diacritiques.blogspot.fr/2010/10/du-cannibalisme-des-auteurs.html