mercredi 27 avril 2011

Et si on continuait la lecture de "Le front Haut"

Le carrousel
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Sur le cheval, le blanc aux yeux d'ivoire, la licorne aux ailes d'ange, tu montes et tu descends, en tournant, tournant toujours d'un tour à l'autre. Et tu tournes dans les miroirs où je te vois autant de fois, mille fois, je crois, dans ma mémoire. Tu apparais puis disparais, mes yeux te suivent, te poursuivent. Jusqu'où pourront-ils te voir à chaque tour et te revoir ? Seule sur le carrousel, tu montes et tu descends. Ton rire éclate, tu tournes dans ma tête aux sons des orgues foraines, tes cheveux dansent, tes reins se cabrent. Chaque fois tu pars et tu reviens, tu entres, tu sors de la lumière, tu viens du rêve, la nuit te va, ton sommeil traîne dans ma mémoire. Où suis-je donc ? Où es-tu donc dans cette ronde qui n'en finit pas. Ton sourire passe. Tu passes, tu tournes, tu te détournes, tu fuis, tu t'échappes rivée à ce cheval ailé qui ne peut s'envoler puisqu'il est de bois.


L'empreinte
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Le jour s'est levé à travers la persienne restée ouverte à mi-chemin.
Dehors, une volée d'oiseaux et l'herbe humide de rosée. Dedans, moncorps endolori de nuit, de valses, de tourbillons, d'étreintes, d'ombres.
Mon corps comme une épave. Mon corps comme un creux, mon coeur comme rien, mon espace vide.
Qui suis-je avec ces espèces de genoux détachés, ces doigts envolés, ces reins éreintés par la marée, échoué, nulle part ?
Reste sur les murs, l'empreinte de nos ombres, celle que nous avions essayé d'effacer très vite pour ne pas tacher la surface des murs.

Le rosier
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Elle aime les roses et a les pouces verts. Au début, le rosier ne donnaitqu'une rose à la fois. Elle l'a taillé, comme il faut, aux bons endroits.
Depuis, elles prolifèrent toujours plus nombreuses. C'est un rosier ardent que l'on voit de partout. Il suffit d'ouvrir une fenêtre sur le jardin pour qu'il entre dans la maison. Un jour, il s'est retrouvé au milieu de la table ronde. Il y avait cinquante-cinq roses, toutes plus belles les unes que les autres. Elle leur parlait, elle les appelait par leur nom. "Mes petites passions feutrées", disait-elle, "mes porteuses de vent", "mes regards illuminés", "mes langues de miel". Elle seule pouvait respirer leur odeur sans défaillir. Des pétales fanés, elles distillait l'essence pour en faire un parfum dont elle s'embaumait. Imprègne-toi de l'odeur de mon corps, lui disait-elle, quand il la retrouvait le soir. Je suis le rosier de ton désir.
Mon corps est couvert de pétales, mes lèvres sont humectées de rosée. Je suis la première rose des mille et une nuits. Et il recueillait sur ses lèvres la passion du rosier.

Jean Botquin

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