jeudi 21 avril 2011

L'éveil. Extrait de "Le front Haut" de J.B.


Ils s'étaient réveillés l'un à côté de l'autre. Ils ne savaient pas qui des deux s'était réveillé le premier. Mais, éveillée, elle lui paraissait plus morte qu'endormie, comme si le sommeil lui avait ôté la vie. Elle lui faisait signe de son regard gelé, de son regard qui bougeait à peine ou qui cesserait bientôt de bouger.
Il ne savait pas s'il était de ce côté ou de l'autre. Lui disait-elle des choses qu'il ne comprenait plus, parce qu'il en aurait oublié l'existence depuis trop longtemps ? Ou, au contraire, ne disait-elle rien alors qu'il pensait avoir entendu qu'elle parlait ? Peut-être était-ce lui qui chantait d'une voix intérieure cherchant à étouffer sa propre voix - qu'il n'aurait pas reconnue - dans l'oreiller.
Quand ses mains se mirent à chanter telles des ailes blanches, on aurait pu espérer qu'il comprendrait ce qu'elle disait enfin. Cependant, il était dans son dernier rêve, celui qui précède chaque fois l'éveil, et dans lequel elle lui était apparue presqu'aussi froide qu'elle n'était au moment de s'éveiller.
On peut se demander s'il avait vraiment dormi, même s'il n'avait pas veillé toute la nuit à côté d'elle qui aurait fait semblant de dormir ou qui aurait choisi de mourir. Comment savoir s'il ne l'avait pas tuée en ne l'écoutant plus chanter de ses ailes blanches et en ne comprenant plus pourquoi ses yeux se taisaient.

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