lundi 19 décembre 2011

Le bâtisseur. Inédit de Jean Botquin



Moi, je n'habiterai jamais la vallée car elle se terre hors la lumière comme un animal qui meurt. Le jour n'y est jamais qu'un prélude à la nuit retenue sur les sommets de l'angoisse, au-dessus des versants, au-delà de l'horizon invisible, par-delà les forêts qui déversent une peur noire dans l'eau des torrents.

Non, je n'irai pas me terrer dans une vallée quoiqu'il m'arrive, même si l'on me fait la guerre. Je veux vivre à la lumière du jour sous la crête des étoiles.

Ainsi parlait-il tandis qu'il construisait sa maison sur la plus haute terrasse de la colline, plein sud.

Il mit un siècle à la construire car il la voulait toujours plus grande comme une cathédrale de verre d'où il pouvait voir la mer à travers le ciel éclatant.

Toute la colline se couvrit d'un immense labyrinthe de couloirs sans début ni fin. Une forêt de colonnes soutenait des nuages de toitures percées de tuiles transparentes et d'étoiles. De loin, du fond des vallées, la maison brillait, même la nuit, pareille à un diamant énorme ou un phare du bout du monde.

On disait qu'il bâtissait un observatoire, peut-être un palais dont la luminosité serait sans frontières.

La lune resplendissait sur les vallées de larmes. Les torrents couraient toujours plus vite dans un concert de galets toujours plus grand vers les gorges taillées sous des édifices de roches qui tremblaient dans le vent. Certains arbres se plaignaient lugubrement de leur sort. On pouvait croire que la clarté revendiquait sa part de ténèbres.

Et, là-haut, il continuait inlassablement le travail gigantesque d'une vie dont la mort paraissait impossible. La vieillesse, il ne fallait pas en douter, s'éterniserait jusqu'au néant fragile de son coeur.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Les grands bâtisseurs sont éternels, en effet !