vendredi 20 février 2015

LES LETTRES NE BATTENT PLUS DES CILS. (SUITE)


Les lettres ne battent plus des cils (suite).
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Sur la terre de Babel
s’érigeaient des totems
aux allures de roses trémières monstrueuses
dont les bourgeons ne feraient
plus que se taire
Bientôt ils seraient remplacés
par des obélisques montrant du doigt
les hiéroglyphes imprononçables
sur lesquels leurs yeux aveugles
se décilleraient en vain
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Devenues insensibles au toucher des langages
et au goût râpeux des syllabes
les papilles des poètes racleraient
l’ivoire des paroles jusqu’au sang
des gencives
Rien n’y faisait
Il était temps de se taire
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Jadis la langue avait la saveur
du sexe de l’homme ou de la femme
Les mots étaient reconnaissables à leur odeur
Ils étaient fluides et denses
Leur peau s’imprégnait
dans les vibrations des cordes vocales
qui leur donnaient une sonorité
de guitare
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Désormais les mots commenceraient à s’ignorer
Ils ne se regarderaient plus
Leurs yeux seraient exorbités
L’esprit convulsé devant la violence
des formes étrangères
alphabets cyrilliques
écritures coufiques
onomatopées syncopées
miaulements de cordes aux archets de papier
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Dans leur nudité
les mots n’osaient plus se montrer
asexués dans leurs rêves
sans ivresse ni magie
déparfumés évaporés délétères
les mots dont les lettres ne battaient plus des cils
J.B.
Désert de Wadi Rum
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