
Une lecture de vacances : Le temps des mangues vertes d’Ariane François-Demeester.
Nous avons quelques heures d’attente avant notre départ pour l’aéroport d’Olbia (Sardaigne). Les valises sont bouclées, les maillots de bain inaccessibles. Le divan en osier est confortable. Au coin du patio l’air circule. Il y fait frais. Á travers les larges baies de ce que l’on pourrait comparer à un cloître moderne, le soleil étincelle dans un grand laurier blanc échevelé, les bougainvillées tempèrent la lumière. Derrière nous, quelques pins et cistes dégagent une odeur prenante. Á cette heure l’hôtel est calme. C’est l’heure de la sieste incontournable, les volets sont clos, les voix pointues des enfants se taisent. L’hôtel est situé entre Laconia et Cannigione sur la baie tranquille d’Arzachena. Ici, ce n’est pas l’Afrique mais ça lui ressemble. Juin est déjà très chaud mais toutes les journées sont émaillées de moments venteux agréables qui sèchent la peau moite, et produisent du désordre dans la chevelure des eucalyptus et des italiennes fort préoccupées par leur apparence physique.
J’ai terminé le beau « récit de vie » de mon amie Ariane, Le temps des mangues vertes. Endroit idéal pour lire ce livre car le climat, la végétation me rapprochaient des descriptions d’Ariane et m’y rendaient plus sensible. L’auteure a passé quarante ans de sa vie au Congo et au Katanga. Tous deux nous sommes originaires de Courtrai. Nous aurions pu nous rencontrer dans notre ville natale pendant notre enfance du moins dans les années qui précédèrent la guerre. Nous avons arpenté les mêmes rues, à la main de nos parents ou dans les rangs d’école. J’ai retrouvé dans son récit les atmosphères typiquement flamandes de la branche flamande de ma famille. Mes enfants sont nés dans la clinique attenante à l’Institut Saint Nicolas où Ariane reçut sa première éducation scolaire.
Le tremblement de terre de 1939, gravé dans ma mémoire, elle l’a également vécu à Courtrai, avant de (re)partir au Congo.
Qui de m’a génération n’a pas connu l’un ou l’autre administrateur territorial de l’ancien Congo belge qui contribua à créer une structure, enviable à bien des égards, dans notre ancienne colonie ? Ma sœur et son mari diplomate ont vécu quelques années à Léopoldville tout juste avant l’Indépendance. On comprendra donc que j’ai pris un réel plaisir à lire ce très beau livre qui raconte, avec un talent incontestable, les très belles années d’enfance d’Ariane et de ses frères et soeurs, avec aussi une sincérité, un amour pour les siens, même pour ceux avec qui il était parfois plus difficile de vivre car, à l’époque, la discipline et la rigueur étaient la règle.
On a tenu dans une émission de la RTBF, reprise sur Arte, des propos déplacés à l’égard d’Ariane François, traitant celle-ci de négationniste. Cette allégation est parfaitement injustifiée. Elle parle du système colonial, avec ses différences sociales et raciales, dans des termes qui ne permettent pas de tirer pareilles conclusions.
C’est, selon moi, un des meilleurs livres de la collection Merlerouge des Editions Memory Press, dédiée aux souvenirs d’enfance. Ce n’est pas un livre consacré à la critique du colonialisme, à la belge, dont on sait qu’il fut en moyenne, à quelques exceptions près, moins cruel que le colonialisme anglais et français ou que l’esclavagisme de certains états musulmans.