mercredi 14 octobre 2009

Le NON-DIT parle de mes Haïkus sous la plume de Michel JOIRET. N°85 Octobre 2009. P.17

L'esprit clair et informé de Piet Lincken "ramasse" avec une rare intelligence, les cailloux blancs jetés par Jean Botquin sur le chemin des mots. En évoquant l'immobilité silencieuse du haïku, il identifie le genre et met en lumière l'extraordinaire "liberté d'approche" du créateur. Dans la chambre noire du calligraphe, Jean botquin développe des images transversales qui illustrent les déplacements secrets de la pensée, qui paraphent un moment d'existence et qui déterminent le rapport mystérieux entre le créateur et son expressivité. Le haïku n'est pas à la portée d'un seul styliste. Il se met "hors jeu" de lui-même et dénonce outrageusement celui qui le profane distraitement. Reconnaissons à Jean Botquin le bien-fondé d'une posture créatrice dont il maîtrise les exigences implicites. Le poète s'inscrit dans un glissement sémantique permanent:
"Elle dit l'émotion
Qui rapproche la tête
Du coeur sur la main";
"Silence du corps
Inhumé dans l'absence
Orbites creuses",
jouant avec les mots, les affichant parfois pour l'énonciation d'un mystère qui le dépasse:
"Son nom est pareil
Á la datte sucrée de
Leur espérance";
"Pieds sur des phrases
De verre ils marchent niant
Leur fragilité".
Maître d'une métaphore dont l'un des termes développe la suggestion plutôt que l'équilibre formel, Botquin cultive aussi le non-sens et le paradoxe:
"Il sautait raide
Á la corde des pendus
Encore vivants."
Ici, tout est invention, tout est réel, tout est mobile. Le jeu porte autant sur les capteurs que sur l'information sensorielle. En privilégiant "le peu", le poète trouve, presque naturellement, les pièces d'une attitude philosophique cohérente. Jamais anecdotique et cependant légère, l'écriture glisse le long des points topiques de la pensée et retombe pour amorcer une nouvelle séquence. C'est ainsi que se compose une toile dont la pièce manquante ne se pose jamais. Mais en est-il autrement dans l'amorce d'un art de vie ?
Les sculptures de sable ne sont-elles pas avant tout un emprunt à la durée ? De fait, la réalité du haïku convenait parfaitement à l'oeil kaléidoscopique de Jean Botquin. C'est en passant l'habit que le moine est véritablement habité...Le jeu de rôle prend, à cet égard, la pleine mesure du calligraphe qui cogne inlassablement à la vitre de l'instant.
michel joiret
La Chambre Noire du calligraphe,
Jean Botquin,
éditions du Cygne, Paris, 2009.

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