lundi 16 novembre 2009

Un article de Michel Ducobu sur les haïkus de la Chambre noire du calligraphe dans Reflets Wallonie Bruxelles La Pensée Wallonne n° 21

L’art du haïku traditionnel suit, en principe, un processus de sublimation (au sens chimique du terme), de réduction à la quintessence, à la nudité absolue du dire. Mise à nu de l’essentiel, pour reprendre les termes de Henri Brunel, spécialiste en la matière. Dans « l’Empire des Signes », Barthes avait déjà mis l’accent avec justesse sur sa légèreté, sa vacuité, son incomparable gratuité : le sillage du signe qui semble avoir été tracé s’efface : rien n’a été acquis, la pierre du mot a été jetée pour rien : ni vagues ni coulée de sens.
Depuis les grands maîtres du passé, le haïku a, bien sûr, évolué. Si la simplicité extrême reste de mise, le contenu s’est fait peu à peu plus intellectuel, plus philosophique. Il n’en demeure pas moins la forme poétique la plus dépouillée qui soit, la plus proche de l’esprit zen : être là, sans plus, sans chercher à développer un point de vue. Voir est suffisant. Voir clair et juste.
Jean Botquin a choisi la forme du haïku comme pari d’écriture et pratique d’ascèse verbale qui force à l’essentiel et la suggestion, ainsi qu’il le confie dans son avant-propos. Le résultat est surprenant : ses tercets sont subtils, mystérieux, parfois énigmatiques. Si quelques-uns s’alignent sur la tradition,

Alors il disait
La tendresse des jasmins
Au goût de poivre.

la plupart sont le résultat d’une réflexion profonde, d’une interrogation inquiète ou d’une observation ironique :

Elle répétait
Son nom avec le sourire
Cruel du matin.

Les amours souvent
Se consument sur les flancs
De volcans éteints.

Serrez vos poings
Sur une graine qui ne
Pourra plus germer.

Maximes fleuries dont les pétales s’étalent sur trois tiges fragiles…On aura compris que le poète a choisi le genre du haïku pour sa grâce familière et son immédiate séduction et qu’il use avec habileté de ses vers rapides et effilés pour créer un effet poétique autour de vérités parfois cruelles ou amères :

Tombent les mots crus
Tels des gouttes d’acide
Sur le temps perdu.

Une barque bercée
Sur l’eau finit par couler
Au fond du ruisseau.

Vaines attentes
Quand les étoiles tombent
Du ciel sur la terre.

Le lecteur fidèle à l’esprit de Bashô sera certes désorienté par la couleur sombre et la complexité de certains vers. Mais à chacun son parcours, son compagnon de route et sa chambre de méditation et de calligraphie !...


Michel Ducobu

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