vendredi 5 février 2010

Le Funambule. Extrait du Front Haut de Jean Botquin


Moi qui n'ai pas d'équilibre, je me suis réveillé funambule, hier matin, après une bonne nuit. En ouvrant la fenêtre toute grande, j'ai vu la corde tendue jusqu'au tilleul. Je n'en croyais pas mes yeux. Elle était là, cordon ombilical reliant le coeur de l'arbre à ma fenêtre.

Peut-on rêver meilleure relation? Grâce à la magie d'un fil sur lequel j'irais danser, le tilleul centenaire ne m'échapperais plus.

Je m'habillai. L'austère redingote m'allait comme un gant. Je ressemblais à un hanneton. J'étais cet animal danseur qui se balance dans l'élégance des gestes et la maladresse de la grâce. Mon balancier de coudrier me servirait d'ailes et le fil de piste d'envol. Je serais celui qui vibre sur l'unique fil d'un violon céleste. Glisser un pied devant l'autre sur le sentier que me tendait mon vénérable ami, peut-être le dernier que je pourrais parcourir, glisser sur le fil d'une tentation extrême, d'une joie du matin, du chant le plus aigu qu'il nous soit donné de connaître suspendu entre ciel et terre, glisser toujours plus loin et peut-être toujours pus haut. Moi qui n'ai vraiment pas d'équilibre...

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Et perchés dans le haut du tilleul, dans notre cabane de mots, nous nous réciterions des vers de Rimbaud et Verlaine... et à la canopée, nous hisserions notre drapeau du soleil levant, prêts à lancer des haïkus à tout vent, libres, immensément libres...
libres funambules, dans la lumière imprimée des estampes partagées...

Le Front Haut, premier voyage aux abords de tes rivages, m'avait entrouvert la porte de tes marins paysages...

P.M.

jean.botquin a dit…

Comme c'est poétique, Pascal. Pourquoi ne pas vivre dans les arbres!

Henri-Pierre a dit…

L'équilibre magique tu l'as dans les mots.
On ne peut tout de même pas tout avoir, non ?
;-)