lundi 2 mai 2011

Place Jemaa el-fna in"Triangles de la Nuit des temps"








La tour de la Koutoubia s'élève

Dans le soleil couchant

Ainsi qu'une fusée
S'arrache de sa rampe
Poussée par mille feux dantesques
Vers l'orbite d'Allah
La place Jemaa el-fna se prend de vertige
Comme chaque soir quand elle prépare
La folle foire de nuit
Cirque sans chapiteau
Stade aux gradins écrasés par la foule
Débordé par la houle
Déferlant des venelles de la Médina
Comme un estuaire s'emplit du flux
Des ruisseaux de la terre
Une à une les lampes s'allument
Aux échoppes et boutiques
Le monde afflue gravite
S'agglomère se perd
Pour quelle raison chaque soir
Sinon pour le retour au coeur de la ville
Tel le retour au coeur de soi
Pour la moisson qu'il faut engranger
Avant les détours du sommeil
Pour les peurs qu'on recueille
Dans les récits des conteurs berbères
Les passes silencieuses des sorciers du désert
L'effroi désiré quand les serpents se dressent
Sous la mélopée des charmeurs
Les invocations tristes des prières des aveugles
Assis pour mieux entendre
Le bruissement de la vie et les murmures de la mort
Tout un petit peuple s'affaire
Autour des acrobates
Montreurs de singes
Cracheurs de feu
Et plus loin les danseurs noirs
Les Gnaoua vêtus de blanc
Hiératiques seigneurs de la danse
Et la fête continue fantastique
Rebelle à toute forme de liturgie
Les échanges battent leur train
Près des étals aux fortes odeurs d'épices
Les visages sourient ou grimacent
Au-dessus des lithams brillent les yeux des femmes
De l'obscur éclat que leur donne la nuit
Les burnous se mélangent aux djellabas
Les accolades recouvrent les rires
Marrakech frémit de toutes ses fibres
Sur la place Jemaa el-fna
Où chaque soir la fête descend.



Jean Botquin

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