mardi 27 mai 2008

L'affaire M/ Banque X

Le livre de Hervé Broquet, "Droits de l'homme, j'écris vos noms", est sur ma table de travail. Je l'ai reçu par la poste avec le texte que je lui destinais et que j'avais eu du mal à écrire. Je l'ai relu, une nouvelle fois comme si je le découvrais seulement maintenant. Un texte publié ne fait pas le même effet que le manuscrit, l'émotion est toujours plus grande. Pourtant, je n'ai pas tout dit, j'ai à peine entrouvert une porte, en l'écrivant je me suis retenu, pudiquement. J' ai passé sous silence que, mon père et moi, nous nous sommes beaucoup opposés, que souvent nous ne nous sommes pas compris, que nous avons longtemps vécu en désaccord, lui, l'homme des chiffres et, moi, l'homme des lettres, le jeune homme qui se pensait homme de lettres. Comme beaucoup d'autodidactes, il vivait dans l'intolérance des autoritaires, il voulait imposer ses idées. Il disait:" Je ne sais pas si vous êtes d'accord, mais c'est comme ça". C'était sa formule. Alors, il me voussoyait. Je pensais qu'un père devait tutoyer ses enfants. S'il me disait vous, c'est que j'avais mérité une punition, que je n'avais pas observé la règle, que j'étais coupable de quelque chose, et j'ignorais pourquoi. Sans le dire ouvertement, j'ai beaucoup parlé de lui dans mes livres, à travers mes personnages, dans tous mes romans. Il m'a fort marqué, je lui en ai beaucoup voulu mais il a suffit qu'il meure pour que je ne lui en veuille plus, et même que je lui donne raison.

J'ai retrouvé un poème inédit daté du 17 février 1972. Le voilà.

Au-delà du dernier souffle qu'emporte la mort
Père, dis-moi, si tu existes encore
Car la vie s'est retirée de toi
Ecorce fragile que nous avons portée en terre

Les mailles se sont défaites
Les images se décousent autour d'un lit d'apparat
Tel celui d'un gisant antique
Au milieu des fleurs et des gestes
Qui tentent de retenir le temps d'ici-bas

Au terme de la vie, Père, existes-tu ?
Le présent prolonge ton passé
Dans d'innombrables racines
Quel avenir accueillira ton éternel aujourd'hui ?
Notre espérance est traversée d'angoisse
Nous pleurons ton départ
Il ne reste que l'amour
Dans lequel tu survis.

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