jeudi 4 août 2011

Le Palais. Un Maroc insolite. Publié dans Ténéré et sur Facebook

LE PALAIS
La foule se dressait aux portes des palais roses et rouges
ocre ou gris
échafaudés dans la glaise séchée au soleil les fenêtres rares
les tours accrochées à leurs charpentes
les éperviers tournoyant autour des murailles tenant par miracle
accoudées les unes aux autres
derniers bastions
dernières bastides
friables comme des châteaux de sable célébrant des cascades de palmiers
dans les gorges taillées par les torrents aujourd'hui disparus mystérieusement abandonnés des déluges
depuis au moins dix saisons
Et la fournaise d'un été interminable rivalisant avec la fraîcheur obscure des chambres aux parois de terre

Et les chèvres entrant dans les maisons de pisé tertres creux de terre rouge
mélangée à la paille séchée de l'orge
aux pierres concassées
à la bouse de vache
et à l'urine de dromadaire

Des ouvertures dans les parois
confessaient leurs bouches à l'haleine pestiférée
à travers les moucharabiehs
Et les enfants dans les ruelles traînant
en guenilles déteintes par le soleil et la poussière
avec des sourires édentés
sous le crin poisseux de leurs têtes rasées
Et les enfants portant d'autres enfants plus petits
ligotés dans un châle sur le dos
poupées de chiffon vivantes
endormies
balancées des heures entières
Ils tendaient la main
à défaut de pouvoir faire mieux avec un regard suppliant
comme une complainte
ou une agonie

Parfois les enfants étaient sur des ânes déjà chargés comme des bourriques
(plus ils sont petits, plus la charge est lourde)
au point de repousser les gens derrière les portes dont les loquets n'avaient pas été tirés
Des âmes erraient dans les ruelles puantes termitières préalables au désert
villages macérés
ruminés et vomis
avec des hoquets de boue gluante
au centre d'une croûte terrestre
bordée de maigres cultures
sillonnés de maigres filets d'eau
avec des chiens jaunes qui pissaient dedans des chiens toujours les mêmes
tous clonés à la même image

Il y avait des âmes dans ces limbes du désert des âmes tatouées au henné
signes magiques
figures gravées dans mes nuits hallucinées

Il y avait une espèce de peuple damné peut-être ou glorifié
dénué de tout et vivant de rien
Jean Botquin
Eté 2004

Aucun commentaire: