lundi 31 octobre 2011

La Médina de verdure


Les portes de la
Médina s’ouvrirent les unes après les autres
Comme des rêves qui
éclosent dans les arbres

Elle était là

Eve nuptiale sous le
regard de celui qui la découvre
Et la regarde sans
comprendre
Elle au milieu des
chênes rouves des chênes verts des pins d’Alep
Des cèdres des pins argentés et odorants des arganiers des tamaris
Des caroubiers des hibiscus et des palmiers
Un tumulte indomptable
Une marée vertigineuse
Une forêt incompressible d’essences et de parfums dont
elle s’entoure
Comme d’un vêtement de
luxure innocente

Elle qui n’attend
personne derrière les murailles de la Médina de verdure
Même après que les
portes des rêves se soient ouvertes pour laisser entrer
Des inconnus avides de
connaissance

Même sous les
frondaisons qui lui jettent de l’ombre et habillent sa nudité originelle
Alors qu’elle mesure leur
insuffisance
Elle qui se sait
offerte comme une tendre proie
Elle aussi rose des
sables dame des oyats et des roseaux ployés sous
le vent

Dame aux hibiscus de
sang dans la chevelure ondoyante aux azalées sauvages
Dont elle se pare à la
manière d’une parure de crainte et de peur

Dame qui surveille
l’envol des cigognes au-dessus des vagues vague après vague
Dame des oiseaux du
voyage aux mouvements majestueux sous les nuages

Alors que par les
portes des rêves s’introduisent des inconnus poètes
Ecrivains solitaires chanteurs d’oiseaux du matin enivrés ou
perdus
Dans leur folie

Jean Botquin

vendredi 28 octobre 2011

Le recueil de haïkus d'Isabelle Fable en photos.


Très beau travail des Editions du Cygne à Paris. L'ouvrage peut être commandé en ligne sur le site de l'éditeur ou chez Isabelle Fable (voir son site sur le webb)

A propos du recueil de haïkus d'Isabelle Fable."Sur les ailes des lucioles" Editions du Cygne, Paris

Ce recueil vient de paraître. J'ai lu les haîkus d'Isabelle, je les ai aimés. J'avais envie de vous les faire connaître, lecteurs qui aimez les haïkus comme je les aime. La préface de Michel Decobu vous y invite d'une très belle façon. Je me permets de la reproduire ici, in extenso:

AVANT L’ EVEIL DES
LUCIOLES…


Juste quelques
mots avant l’éveil des vers luisants…

Ces réflexions d’abord de Philippe Sollers, qui en connaît un bout sur
la brièveté puisqu’il a si bien commenté les aphorismes de Nietzsche : A l’époque où nous vivons, celle de l’interconnexion universelle, du Net, des tweets, des SMS, nous assistons à une
généralisation des phrases utilitaires, des textes courts, des expressions tronquées, bref, à un véritable appauvrissement du langage dans la communication instantanée.

Par bonheur et pour notre plaisir, le recueil d’Isabelle Fable
(aurait-elle pu s’appeler autrement, notre belle fablière ?) vient à point
pour nuancer le propos caustique et désabusé de l’essayiste ? On peut
écrire court et vif et en souplesse sans être pour autant creux ou farci de
lieux communs. La preuve par trois, trois petits vers luisants coupés aux
ciseaux légers et qui laissent sur la page de délicates traces de plénitude. Et
ce n’est point facile, croyez-moi, d’être à l’unisson du haïku quand il caresse
par surprise votre fenêtre. Le tout est d’être entièrement attentif, afin de
capter le mieux possible la richesse d’un instant. Ouvert, sans réserves, à
l’univers qui se donne sur un doigt de fleur ou sur une aile de luciole. Et puis…et
puis… l’écrire, ce fragile instantané, cet éclair de bien-être, si l’on ose
dire, qui vient vous allumer la tête. En suivant la tradition des maîtres du
genre ? Simplement, naïvement, avec un brin d’herbe d’humour ou sans
craindre le prosaïsme rugueux des jours et des gestes ? Non, Isabelle
n’est pas pèlerine aux pieds nus, le bâton suant à la main, et la puce à
l’oreille (une vraie puce qui sautillerait dans son chapeau de paille…). Nous
la connaissons subtile, raffinée, exigeante et particulièrement soucieuse de
beau langage, d’écriture ciselée et sertie de trouvailles. Incompatible avec le
sobre poème de route et de poussière ? La poésie ne connaît pas de
limites ; des règles oui, qu’il est si gai d’enfreindre. Alors, voilà, le
libre sortilège s’est produit : la fée des métaphores, la sourcière des
allitérations a parfaitement joué de sa plume magique. Ecoutez-la composer et
vous offrir des haïkus de femme lettrée et qui sait si bien néanmoins mettre
son talent au service des merveilles élémentaires qui nous entourent :



Somnolence bleue
sombre et claire lune ailée
descendant le fleuve

L’effraie roule au loin
dans l’effluve bleu des brumes
et son cri se perd

La femme orchidée
délicat éden parfum
effleure alun bleu


Et ainsi s’éveillent les lucioles sur les feuilles d’accueil…
Michel Ducobu
















jeudi 27 octobre 2011

Le derviche tourneur. Inédit de Jean Botquin



Voilà
Je te l'ai dit souvent
Chaque fois que tu m'offres
cet amour morfondant
Présent que tu donnes à mon
passé
Je tourne je tourne dans le carrousel des tentations futiles
Es-tu cette étrangère
mon étrangère qui m'étouffe dans mes sanglots
Et dans mon verre de bière ?
Brune ou blonde apparition
quand tu es nue dans mon imagination
Et dans ma torture de chaque jour
Comme si la roue pouvait
s'arrêter de tourner
Alors que ton cœur pèse
le pesant d'un tour d'horizon
Ou d'une meule sur mon cœur endolori
Vertige qui me meurtrit au
centre de mon arbre
Centre de mon amour fou
que tu crois inaccessible
Centre du monde et centre de ma douleur
Parce que tu n'as pas
compris que ma vie s'orientait enfin
Autour de ton mystère
Moi qui suis ce segment de lion
baignant dans la marge
D'éternelles balances
Comme disent les justiciers
de la table ronde
Qui tourne tourne sans
jamais cesser de broyer mon cœur abandonné
Toutes les toupies du monde ne pourront me faire
tourner la tête
Pour découvrir que l'amour
n'a plus de nom
Et la folie qui exaspère
mes nuits m'affole encore plus
As-tu jamais mérité que
l'on tourne autant autour de toi
Avec la tendresse des champs de blés
Celle des étangs où se noient toutes les Ophélies
Et des constellations tournant autour de nos soleils
0 mon amour 0 mon amour Je meurs Je meurs
Je suis le derviche tourneur de toutes les mystiques amoureuses
Comment guérir comment oublier la tendresse de nos cœurs
La tendresse de nos corps
Ne t'aurait-elle effleurée
que comme un papillon qui butine
Autour des fleurs semant
dans le vent les parfums des étoiles
Et puis parfois tu te souviens combien je t'aimais
Combien je t'aime encore
plein de mes larmes rondes
Rondes rondes perles de ma souffrance
Que tu enterres dans le tiroir rond de ton incohérence
Peut-être un jour te souviendras-tu du noyau de la pêche
Du centre de l'été du centre de la brûlure
pour toi mon univers
Noyau noyau je n'y pénétrerai plus jamais
Maintenant que tu retournes retournes toujours
Voilà
Vers la médiocrité de tes cercles fermés
Que l'amour que tu étrangles s'éteint
Comme un volcan s'éteint
un jour ou l'autre
Lave lave lave love love love
Je me perds dans le
tourbillon d'un amour
Qui de plus en plus
s'étouffe maintenant femme
Que l'espace se restreint
Bientôt il ne restera plus
rien
Plus rien que ce point
rond au centre
D'une mire qui disparaît

Jean Botquin octobre 1988

mercredi 26 octobre 2011

Haïkus de fin de saison

L'air frais bouscula
Les mots dans les effluves
Irrespirables
+
La mémoire se perd
Dans les arcanes du temps
De la marche-arrière
+
Heures épuisant
Le vent et les feuilles et
Le soleil levant
+
Sous une lune blafarde
Au rythme criard des musiques
La nuit se déhanche
+
Ombres confondues
Tel l'enlacement félin
Des lianes sombres
+
Une voix de clochette
Frémit dans ses oreilles
Éveil d'un ruisseau
+
Retroussé le nez
Frisait les deux narines
Jusqu'aux racines
+
Il était pendu
A ses lèvres de rubis
La bouche grande ouverte
+
Un regard rêveur
Flatte le corsage rebondi
D'une fille qui minaude
+
Jean Botquin

mardi 25 octobre 2011

Des Cyprès dans les cieux-Haïkus de Jean Botquin



Le cyprès s'élance
Lance ou épée sous la voûte
D'un firmament bleu
+
Cyprès divulgué
S'exclamant sur l'horizon
Qui s'éveille de l'ombre
+
Cyprès repeignant
Le ciel à coups de pinceaux-
Le mistral décoiffe
+
Cyprès chapeauté
de l'Esprit Saint vacillant
Sous le vent de mer

lundi 24 octobre 2011

La mer étincelle
Après l'orage et se mire
Dans l'eau impassible

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Gassin (presquîle de Saint-Tropez) en Haïkus)



Les micocouliers
Recouvrent les terrasses
D'un oeil bienveillant

A Gassin le chien
Noir sur le parvis attend
Une pluie de pétales

Deux jeunes mariés
Un soir, sur le porche en gloire-
Ô pôvres petits
Posted by Picasa

dimanche 23 octobre 2011

La fille du Rif. Texte inédit de Jean Botquin

La fille du Rif


Tu regardais le Penon d’Alhucemas à l’extrême de la mer
Tes pupilles rivées sur l’île hispanique
Ton regard à la dérive du navire enclavé et captif des flots
sous le vent ployant les roseaux et les palmes du bord de la plage
Toutes voiles dehors
Tes yeux ouverts sur la mer et les vagues
Tes yeux en pénitence du Penon d’Alhucemas qui vogue immobile
Tes cheveux déployés dans le vent zéphyr marin alizé que sais-je
Le vent qui te recouvre et te dénudé toi qui a la peau brune et les seins dorés
au sable brûlant et qui me brûlent la peau et qui me donnent la soif du désert
Toi dont le sexe a le goût de la mer et des estuaires déployés
et des coquillages ouverts et des marées sur les côtes du Rif
Les aisselles emplies d’algues
Le ventre soyeux
Les cuisses interminables
Les ongles luisants comme l’intérieur des huitres
Tu regardais le Penon d’Alhucemas dans la baie d’Alhoceima
Tes pupilles dilatées sous le soleil
Les jambes ouvertes les jambes fermées sous la force des vagues
Et de l’océan de nos ventres
Les cheveux répandus sur le sable à la naissance des roseaux
Face à l’inutile empire de mer
Le Penon d’Alhucemas au large du croissant d’Alhoceima

Jean Botquin

samedi 22 octobre 2011

Haïkus des Cévennes





Lézard sur le schiste
Au soleil du zénith
Vivement se faufile
+
L'ombre fraîche de l'alcove
Invite une libellule verte-
Mirage d'un songe d'eau
+
Le sphinx s'insinue
Sous les jupes des balsamines
Près d'un mimosa
+
Ubu le chien roux
Lappe l'eau de l'écuelle
Fort joyeusement
+
Des papillons ivres
S'égarent parmi les rosiers
A peine assoupis
+
Mollesse épineuse
De châteignes amoureuses
Des sentes endormies
+
Méandres du Gardon
Où s'éparpillent les chèvres-
Blancheur de septembre
+
Des églises où
L'on vibre dans l'écho des voûtes
Crépusculaires
+
+
Jean Botquin

mercredi 12 octobre 2011

Crépuscule





Un soir
Peu avant les trilles du rossignol
Bercé par la musique particulière du crépuscule
Enivré par les odeurs de ville et des eucalyptus
Et des lauriers sauvages
L’olivier tordu comme une torche
Un soir
Le mugissement de la mer le long de la plage
Quand on traverse le bois de chênes verts
Les images de la mémoire aveuglées par le soleil couchant
Un goût d’épousailles à peine perceptible sur la langue
La pigmentation de l’encens d’ailes de cigales recueillie
Sur l’affleurement de roches sableuses
Une envie de pleurer
Quelque part
Pour n’importe quelle mauvaise raison
J’écris

Et pendant que j’écris le crépuscule me surprend
Et tu m’apparais alors que je ne t’attendais plus
Et tu apparais comme un cheval blanc
Et je te vois qui galope sur la plage
Puissante superbement
Les jambes fines
La croupe musclée sous la queue de crin
Qui valse vers les étoiles

Jean Botquin

mardi 11 octobre 2011

Paroles de fruits- Jean Botquin.



Murir à l’arbre ou dans le cellier
Question prioritaire

La vie jusqu'au bout de la queue
Jusqu’au creux du nombril
A l’autre bout du cordon qui me tient à ma mère
Mère à pommes à poires ou à figues
Me balançant me berçant jusqu’à mon amollissement
Jusqu’à l’ultime croissance de mes propriétés juteuses
Mon retour à l’élément aqueux
A la mer des fruits
Ou des fruits de mer
A la marmelade d’espaces intemporels
Dans les pots de confiture

Ou bien le cellier de la mort lente
Le choix de la couveuse
Le blondissement le rougissement le brunissement
L’avancement nocturne jusqu’à la fin de la pourriture limoneuse
Le choix de la patience dans le sommeil de la nuit sur les claies du cellier

Et toujours le soleil maître de la vie et de la mort
Le soleil comme la terre comme le néant comme la matière
Bientôt la pomme en bouteille
La pomme pontificale aux pépins écrasés
Aux cloches gonflées du souvenir des fleurs du printemps dernier
Et le velours des pêches pulpeuses
Comme la peau des fesses voluptueuses et fendues des cueilleuses
Par le bec d’un merle impudent
Assurément

Avez-vous compris ? Non
Alors je recommence
Mourir à l’arbre ou dans le cellier
Question prioritaire…

samedi 8 octobre 2011

Lettre à une doyenne du nom de Caroline

Jardin de Rayol (Var-France)






Très chère Caroline,

Vous franchissez, en ce jour, la grande porte de l’éden séculaire.
Nous vous souhaitons chaleureusement une très longue promenade dans ce jardin peuplé de vénérables centenaires, réunissant les meilleurs, ceux qui surent résister aux tempêtes et vicissitudes de la vie, au-delà des limites habituelles. Une espèce de jardin du Rayol où règneraient sagesse, richesse de l’âme, conscience du devoir accompli, expérience accumulée au cours d’une vie qui se prolongerait à notre grande joie, à tous.
Je n’ai pas de mots pour vous dire, chère Caroline, combien sont grands notre bonheur et notre fierté de pouvoir lever les yeux sur celle qui réunit, parmi nous, le plus de printemps, au point qu’elle incarne, oserais-je dire, un véritable printemps éternel.
Aussi, prenez votre temps, chère Caroline. Ne vous pressez pas. Asseyez-vous souvent à l’ombre des chênes, des palmiers, derrière les barrières de bambous qui protègent du mistral ou face à la mer qui se brise sur les falaises. N’êtes-vous pas à l’âge de la contemplation et de la lenteur ?
Désormais, chère Caroline, vous serez notre messagère, celle qui a su, au mieux, préserver son être et sa vie en s’accomplissant au cours de tant d’années qu’on ne peut compter que sur une vingtaine de nos mains.
36.500 jours, 876.000 heures, 52.560.000 minutes…astronomique ! Un total d’instants de bonheur, de joie, de souffrance, de beauté, de bonté et d’élégance, de dévouement, de courage, d’amour calculé en années-lumière.
Car vous nous illuminez, chère Caroline, le saviez-vous ?