dimanche 2 novembre 2008

Le cimetière


Elle y va tous les jours. Souvent à la tombée de la nuit à cause des bougies qui tremblent dans la pénombre, parfois le matin tôt quand les montagnes sont encore bleues.

La tombe est insaisissable. Elle est sûre que la tombe se déplace au fur et à mesure qu'elle avance entre les rangées. Jamais elle ne la trouve du premier coup. Il faut marcher plus vite qu'elle ou la prendre à contresens, presque par surprise. Cette partie de cache-cache avec ses parents aurait été amusante si elle ne s'accompagnait de la souffrance de les perdre à nouveau ou de la joie insupportable de les retrouver. Généralement, le soleil est déjà très haut quand, enfin, elle découvre la pierre tombale avec les deux noms l'un en dessous de l'autre. Le soir c'est plus difficile. Il lui est arrivé plusieurs fois de devoir escalader la porte pour quitter le cimetière ou de se faire chercher par le gardien qui lui avait mis un doigt sur l'épaule afin de la faire sortir de sa quête. Une fois, il lui avait dit:"Je vous observe depuis plus d'une heure, vous n'avez pas bougé comme si vous attendiez que l'on vienne vous chercher." Elle avait pensé sans répondre:" Il se trompe, j'ai marché tout le temps." Même qu'à un moment, elle avait failli courir mais s'était retenue pour ne pas réveiller les morts qui dormaient. L'apparence ignore souvent la réalité. Elle savait qu'elle devrait revenir le lendemain pour refaire le même chemin et qu'elle aurait le même espoir et la même crainte. Il y a des gestes qu'on ne peut que recommencer toujours. On se demande pourquoi.

J.B.

La photo ci-dessus reproduit une allée du cimetière du Dieweg, à Uccle.voir www.pragstorage.com/photos_3/cimetiere_dieweg

C'est un des cimetières les plus romantiques de Bruxelles. Il n'est plus guère exploité et la nature l'envahit de plus en plus. Hergé y est inhumé.

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