mercredi 30 mars 2011

Ceci n'est pas un galop. Extrait de "Le front haut" sous le titre "le galop" de Jean Botquin.

Les chevaux de Sireault (Hainaut-Belgique)

Les chevaux de la Maremme (Toscane)

Ils galopaient à vive allure, tour à tour, la jument à la fine encolure serrée entre les cuisses de son cavalier qui lui battaient les flancs comme un dieu épris des vents, comme un fou montant à l’assaut de la démence, et l’étalon qui l’entraînait au rythme de la fougue de sa cavalière courbée sur le dos de sa monture, l’étreignant par la crinière, dansant sur ses reins et sa croupe à chaque rebond de la route. Ils galopaient, l’un et l’autre, tour à tour, sans que l’on puisse les distinguer, sans que l’on puisse seulement deviner laquelle des deux montures montait l’autre à folle allure sous la forêt des branches trop basses qui les griffaient au passage. À travers le gué des rivières, plus loin toujours sur les plages et la mer et les vagues qui déferlaient jusque sous leur ventre où elles éclataient contre leurs jambes en gerbes d’écume. Et leurs naseaux fumaient et l’amour les faisait se dresser dans le soleil où leurs robes écumaient de lumière. Et c’était un galop effréné dont on pouvait dire qu’il ne finirait jamais en entendant le bruit des sabots pinçant le sol avec une violence inouïe et toujours renouvelée. La folie de leurs corps écartelés par la transe et par leur course, leur ventres renversés et unis comme si l’étalon avait épousé la jument ouverte par violence, écrasée par la danse. La folie de leurs jambes ancrées, toujours plus vite, toujours plus fortement afin qu’elles ne cessent d’exaspérer la folie de leurs dos renversés. Ainsi passaient-ils depuis longtemps sans que l’on puisse les distinguer ni même deviner lequel des deux montait l’autre. On voyait les chevelures et les crinières enmêlées, les croupes écartées par l’effort superbe des montures. On croyait même qu’elles renâclaient tellement leurs fougues étaient confuses et contradictoires, tellement les hennissements de joie faisaient penser à la haine et au désir puissant de maîtriser l’autre et de le posséder. On ne pouvait pas les empêcher de galoper ainsi toujours plus loin, la jument ou l’étalon monté d’un cavalier ou d’une cavalière, pour échapper à l’angoisse qui les poursuivait dans les sous-bois, les prairies, les vallées, les plages…on ne pouvait pas.

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