jeudi 31 mars 2011

OASIS extrait de "Triangles de la nuit des temps"



À Mohamed El Jerroudi et mes amis du Magreb, OASIS, extrait de « Triangles de la nuit des temps »



Je me brûle les pieds jusqu’à tes parois de sable

Je marche vers toi avec ma soif d’aimer

les lèvres desséchées par la poussière de la haine

Je me brûle les mains

dans mes tâtonnements d’aveugle

que le soleil harcèle

Je me brûle la peau

pour atteindre ta fraîcheur

différence arrachée au souffle torride du chergui

chargé des brûlures du grand Erg éternel


Césure profonde de ton corps de femme

balancement de palmes et verdeur inespérée

bouche béante comme une source

jaillissant du cœur de la terre


Concert inattendu dans le désert de silence

et dans la nuit aux myriades d’étoiles

qui me recouvre de sa djellaba noire

au capuchon argenté par la lune

les pieds raffraîchis par le sable tiède des ruelles du ksar

où traînent des moutons bêlants et des chiens au teint de chacal

tandis qu’Allah se plie aux caprices

du Muezzin qui répète combien Il est grand


Oasis, ton visage apparaît dans le mirage de chaleur

vibrant au creux de ma mémoire dont tu t’évades

vallée de palmiers-dattiers dont j’imagine les fruits

de soleil de sucre et de miel

fouillis inextricable de lauriers roses

cultures prises au filet des canaux qui les irriguent

eaux sourdant de partout comme des vérités éphémères

pour abreuver les racines et mourir dans les sables

dont tu surnages, oasis, comme par miracle


Oasis, avec tes champs de maïs aux épis dorés

Oasis, comme un dernier refuge avant l’enfer

où je me brûle la plante des pieds et les mains

qui t’abandonnent

femme étendue qu’un jour ou l’autre il faut quitter


À cause du nectar dont est remplie la source de tes yeux

à cause de tes formes qui épousent les failles de la terre

que tu caches sous l’opulence

momentanée peut-être provisoire

de ton paradis terrestre menacé de toutes parts


Femme, comme une île qui accueille les naufragés

ceux qui soudainement se brûlent la peau à ta sensibilité

à tes frémissements

à tes murmures sous les palmes

de tes sources bleues aux poissons sacrés

ceux qui se brûlent à ta fraîcheur

parce que tu es l’exception à laquelle personne n’est préparé

parce que tu es la plaie verte de la solitude

où croisent les caravanes

celles qui ressemblent à ces vaisseaux fantômes

sur la mer

dont notre sensibilité à tout jamais porte la marque

caravanes de souvenirs dont tu brises la marche


Oasis, comme un arrêt dans la fatigue

des grandes étendues


Foum

ouverture sur la plaine

sur la chaleur des pierres

où je me brûle les pieds jusqu’à tes parois de sable

avec ma soif d’aimer

les lèvres desséchées par la poussière de la haine

où je me brûle les doigts à vouloir t’arracher, femme, de mon cerveau

où je t’avais plantée comme une oasis

dans le désert des terres hostiles.


Jean Botquin 1986


texte également publié sur mon site de Facebook.

2 commentaires:

Danièle a dit…

Chaude sensualité. Femme-terre, source de vie, puits d''inspiration.

jean.botquin a dit…

Que le soleil vous habite, Danièle...